À en entendre certains et à en lire d'autres, le discours du ministre de l'Action et des Comptes publics du 11 juillet n'aurait rien d'inquiétant pour l'avenir de la DGFiP et de ses personnels. Mieux, les perspectives annoncées pourraient constituer, selon les mêmes, une vraie opportunité !
Maintenant que nous connaissons la teneur du rapport CAP22 et la révolution sociétale qu'il sous-tend, permettez-nous d'en douter.

Personne n'ignore que dans les services la situation est plus que tendue. Les difficultés rencontrées pour faire face aux missions et à leur exercice génèrent une véritable souffrance au travail, des conflits éthiques et une perte de sens importante, sources de risques psychosociaux avérés. Les témoignages des personnels au travers des différents baromètres sociaux sont là pour en témoigner. Eux qui se plaignent d'un changement trop rapide, voire perpétuel, seront servis quand le Directeur général, dans la foulée du discours de G.Darmanin, indique à la presse que nous allons (la DG, ndlr) « continuer de restructurer le réseau de la DGFiP, encore plus vite qu'avant, encore plus lourdement, de manière à resserrer significativement le nombre de nos implantations ». Des propos qui détonnent quelque peu de ceux entendus lors du comité technique de réseau du 12 juillet et qui sont en décalage complet avec l'orientation du ministre qu'il nomme la « déconcentration de proximité ». En effet, les mots ont un sens. Et le verbe resserrer employé ici veut bien dire ce qu'il veut dire : concentrer ! Qui croire ? En réalité qu'adviendra-t-il réellement ? Nous serons vite fixés puisque les directeurs locaux, dont certains semblent très empressés, doivent faire part de leurs propositions avant la fin du mois de septembre. Pourtant le DG, comme le ministre d'ailleurs, a bien insisté d'une part sur le caractère désormais pluriannuel des restructurations à venir, d'autre part sur la nécessité de partir d'un cadrage national. Comme d'habitude, certains se croient autorisés à devancer les désirs des Princes. Dans quel but nous direz-vous ? Nous vous laissons le choix de la réponse, mais il est sûr que se cachent derrière certains de ces impatients, des partisans objectifs du pouvoir en place et de ses orientations. Ils ont sans doute oublié ou mis volontairement de côté leur indépendance de fonctionnaire. Faute déontologique ? G.Darmanin ne s'est d'ailleurs pas gêné, dans son intervention, pour mettre dans la balance la réélection de l'actuelle majorité en face du Bercy idéal qu'il souhaite partagé par les numéros 1 !

Quel avenir pour le maillage ?

Alors que va t'il se passer en matière de maillage administratif ? Quel sera le devenir des services sur les territoires alors que le ministre dit vouloir casser le phénomène de métropolisation ? Ce phénomène n'est-il pas la feuille de route largement entamée sur tous les territoires avec des fusions/concentrations qui toutes débouchent sur les capitales départementales, voire régionales ? Le ministre dit dans son discours : « si nous partons du principe que la démocratie est notre boussole, alors nous devons en tirer les conséquences lorsqu'elle s'exprime ! » Parler vrai ou encore enfumage ? Les discussions sur le maillage permettront de mesurer les réelles intentions de nos décideurs, mais pour notre part, nous continuerons de porter l'idée que l'existence de services de proximité, implantés dans tous les territoires, est un atout pour le pays et sa cohésion.

Les missions sont-elles en danger ou pas ?

Certains, les mêmes encore, prétendent que non. Naïveté confondante, aveuglement coupable ou adhésion de fond, difficile de savoir ce qui les anime.
Un simple examen empirique des évolutions déjà en cours et de celles que portent les propositions ministérielles permet d'être objectivement éclairé. Si les collectivités les plus importantes penchaient pour la création d'agences comptables, ne serions-nous pas devant un transfert partiel, voire total de missions vers lesdites collectivités ? Si la mission de recouvrement était effectivement, en tout ou partie, confiée à un opérateur unique, qui peut affirmer que ce serait la DGFiP ? Comment doit-on qualifier l'entremise des employeurs dans le cadre du PAS, sinon qu'il s'agit d'une privatisation ? Comment ne pas s'inquiéter quant au devenir de la progressivité de l'impôt lorsque l'on perçoit la volonté de rapprocher, voire d'unifier les prélévèments fiscaux et sociaux ? Le PAS n'a t'il pas été avant tout construit pour préparer une flat tax qui conduirait à une révision totale de notre organisation administrative ? Comment nommer autrement que privatisation rampante les dispositifs d'accès des notaires au fichier immobilier et le contrôle allégé en partenariat (CAP) des actes présentés à la publication ? Inutile ici d'être exhaustif, chacune et chacun peut tirer sans soucis les différents fils pour bien voir vers où nous allons.

Le ministre n'a pas parlé des suppressions d'emplois ?

Effectivement, pas un mot sur les moyens humains. Mais qui peut être dupe au point d'imaginer que la DGFiP va être épargnée ? Nous sommes dans un cercle vicieux qui ressemble à une vis sans fin. Le parlement, sur proposition du gouvernement, supprime à tour de bras des emplois depuis plus de 10 ans. Pour faire face, la DGFiP regroupe, simplifie à outrance, informatise, dématérialise... Mouvement qui génère ses propres opportunités de suppressions supplémentaires, etc. De manière moins prosaïque, les choix budgétaires du gouvernement sont quand-même clairs comme de l'eau de roche. L'absence de chiffres sonnants et trébuchants le 11 juillet ne constitue pas un brevet pour un ministre qui prétend prendre le sujet d'abord par le bout des missions pour ensuite déterminer combien d'emplois sont nécessaires pour les accomplir dans de bonnes conditions et dans l'intérêt des usagers.

La qualité de service sera-t-elle au rendez-vous ?

Selon le ministre, les contribuables qui se déplacent dans nos services « n'ont pas toujours les réponses à la hauteur de leurs attentes ». Les auront-ils, demain, quand ils seront contraints, faute de pouvoir rencontrer physiquement un agent, d'utiliser le canal internet et celui-là uniquement ? Les auront-ils, demain, dans une maison de service au public où les personnels de la DGFiP seront rares et pas forcément à-même de maîtriser toute la fiscalité ? Les auront-ils, demain comme aujourd'hui, à partir des plates-formes téléphoniques qui enregistrent déjà des taux d'appels perdus loin des standards de qualité habituellement admis ? La montée en charge de nouveaux outils numériques, qui deviennent la voie exclusive du lien avec les administrations et autres opérateurs de service (banques, assurances…) ne conduit-elle pas à laisser sur le bord du chemin des millions de nos concitoyens et de renforcer chez eux le sentiment d'abandon ? Et lorsqu'une part significative d'une population se sent abandonnée, alors tous les dangers deviennent possibles !

Alors, à ce stade, chacun peut être optimiste et avoir foi en un avenir radieux pour lui-même, son métier, ses missions, son emploi... Pour Solidaires Finances Publiques, nous sommes véritablement face à un projet de profonde restructuration de la DGFiP qui passera par son auto-destruction et au-delà celle du modèle social républicain.

Faut-il s'inquiéter ?