Les réactions des sociétés et personnes mises en cause dans l'affaire paradise papers adoptent toutes sans surprise la même ligne de défense : ce qu'on fait est légal.
Outre qu'un montage apparemment légal peut cacher un abus de droit, autrement dit une fraude fiscale, ce que seul un contrôle fiscal peut démontrer (souvent avec difficulté compte tenu des difficultés à disposer d’informations sur les montages les plus complexes), cette ligne de défense ne peut suffire.

En réalité, au-delà du caractère immoral et illégitime de l'évitement de l'impôt révélé par cette affaire, on peut également avancer que l'argument de la « totale légalité » est bien fragile. En effet, si l'on définit une fraude comme une infraction réunissant 3 conditions (élément moral ou intentionnel, élément matériel et élément légal), on peut avancer que l'optimisation fiscale agressive se situe à bien des égards au-delà de la légalité.

1er élément : les malfaçons et le vieillissement du droit sont décortiqués et explorés dans les moindres recoins pour être exploités aux seules fins d'éviter l'impôt. L'élément moral et intentionnel d'éviter l'impôt en jouant avec la ligne rouge de l'illégalité est donc constitué.

2ème élément : le manque à gagner qui résulte du montage mis en œuvre est bien réel et concret : il se chiffre en milliards d’euros. L'élément matériel existe donc.

3ème élément : si de nombreux montages apparaissent légaux sur le papier, encore faut-il préciser que :
- la législation étant parfois dépassée ou incomplète, son « esprit initial » (imposer la richesse là où elle est créée) est détourné,
- la légalité formelle de certains montages ne résisterait pas à un contrôle approfondi et serait requalifiée en « abus de droit ». Seul le fait que tous ces montages ne soient pas contrôlés (faute de moyens suffisants, de coopération et d'informations étayées) permet à leurs auteurs de se parer des vertus de la légalité.

A l'énoncé des 3 éléments constitutifs d'une infraction, il est permis de nuancer, pour le moins, les affirmations sur le caractère légal des montages. Surtout, cette nouvelle affaire montre en quoi il est nécessaire de renforcer la législation fiscale dans de nombreux domaines (la TVA au sein de l'Union européenne, le numérique...) et d'adapter le contrôle aux enjeux (avec notamment un cadre multilatéral remplaçant le système des conventions fiscales bilatérales, une meilleure information, par exemple sur les prix de transfert, un renforcement des moyens humains et matériels, etc).
Si de timides pas ont été faits (plan « Beps » sur l’érosion des bases imposables, mesures prises par les récents gouvernements en France), force est de constater que l'évitement de l'impôt, illégitime via l'optimisation agressive, et illégal via la fraude, demeure une pratique coûteuse et répandue. Si l'on ajoute à cela la mise en œuvre de choix fiscaux contestés et l’absence de mesures en matière de lutte contre la fraude fiscale en France dans la loi de finances 2018, il ne faudra pas s'étonner de voir, bien malheureusement, le consentement à l'impôt s'affaiblir.