Le Ministre de l’action et des comptes publics a annoncé le lancement d’un « observatoire » dont le but sera de « produire une évaluation publique de la fraude ». Et ce, d’ici un an… Les travaux qu’il mènera porteront sur la fraude aux prélèvements obligatoires, autrement dit sur la fraude fiscale et la fraude sociale.

Le syndicat Solidaires Finances Publiques se félicite d’une telle annonce : il réclame une initiative de ce type depuis la fin des années 90. Il tient également à apporter les éléments suivants.

L’analyse de l’évitement illégal de l’impôt menée par notre organisation dans le cadre de notre rapport de janvier 2013 avait estimé le manque à gagner entre 60 et 80 milliards d’euros. Ce montant est probablement supérieur désormais comme nous l’exprimons dans notre rapport du 13 septembre 2018.

Ce travail a été mené sur la base d’une extrapolation détaillée des résultats du contrôle fiscal et d’exploitation de données macro-économiques (écarts de TVA, estimations des actifs non déclarés...). Notre méthode a été exposée à plusieurs reprises, devant le Conseil des prélèvements obligatoires en 2006, dans plusieurs colloques ou plus récemment devant la mission d’information de la Commission des finances de l’Assemblée nationale portant sur l’optimisation et l’évasion fiscales.

Cette estimation inclut nécessairement les erreurs des contribuables dont certaines donnent lieu à des rectifications. Il est en effet impossible de distinguer dans les statistiques les différents types d’évitements illégaux de l’impôt et leurs motivations réelles : seul compte finalement le manque à gagner découlant du non respect du droit. En revanche, l’évasion fiscale agressive (relevant par exemple de facto de l’abus de droit) organisée au plan international y est sous-évaluée : trop souvent considérée comme légale, elle est aussi et surtout particulièrement difficile à détecter et à combattre. Par conséquent, les données exploitables en la matière sont encore trop rares malgré l’intense travail mené par les vérificateurs des services de contrôle fiscal sur le sujet.

L’observatoire doit donc déterminer un périmètre précis de travail qui tienne compte de ces évolutions. Car, selon le périmètre retenu et la définition plus ou moins restrictive de la fraude, le montant du manque à gagner qui en découlera sera plus ou moins important. Il importe donc de s’en tenir au non respect de la loi et de l’esprit de la loi. Quitte à distinguer par la suite, au sein d’une évaluation globale, les différents types de comportements et de fraudes si tant est que cela soit possible. C’est la condition sine qua non d’un travail qui peut être intéressant pour mieux cerner le phénomène mais aussi pour l’appréhension et l’application de notions en matière d’économie numérique ou d’abus de droit par exemple. Plus largement, cela ne peut qu’être utile au débat démocratique…