La réception des avis 2018 de la taxe d’habitation a réservé quelques désagréables surprises à certains de leurs destinataires. C’est notamment le cas des contribuables qui pensaient bénéficier de la première tranche de réduction (30 %) annoncée à grand renfort de communication par le gouvernement.

Mais personne du côté du pouvoir n’a précisé que les décisions des collectivités (augmentation des taux d’imposition, diminution ou suppression de certains abattements, abattement général à la base, abattement pour enfants à charge), conduisant à une augmentation de la cotisation ne seraient pas incluses dans le périmètre de la réforme. Et qu’elles sont donc à la charge du contribuable… Or, on recense déjà 6 000 communes ayant procédé à des augmentations de taux, auxquelles il faudra y ajouter le nombre, pour l’heure inconnu, de communes et d’établissements publics de coopération intercommunaux à fiscalité propre ayant procédé à une réduction ou une annulation de l’abattement général à la base préexistant.

Nos concitoyens n’ont pas non plus été avertis d’une autre particularité. La taxe d’habitation est établie annuellement à partir de la situation, appréciée à la date du 1er janvier de l’année d’imposition (article 1415 du Code général des impôts) « du » ou « des » occupants du local qu’elle concerne. Certains contribuables peuvent ainsi bénéficier en fonction du montant de leurs revenus d'une baisse de leur cotisation (dégrèvement, plafonnement). Par ailleurs, les seuils d’entrée (ou de sortie) du dispositif d’exonération progressive de la TH correspondent bien au montant du revenu fiscal de référence (RFR). Ainsi, les contribuables devront être particulièrement vigilants quant à l’évolution de leur RFR. En effet, sur la période de trois ans prévue pour l’application de la réforme de la taxe d’habitation, ils peuvent basculer de l’exonération de la TH à sa taxation. Certes, un effet de lissage de seuil est prévu, mais il ne trouvera pas forcément à s’appliquer et la taxation à taux plein peut compromettre les budgets concernés. Le manque d’anticipation, le fait de ne pas avoir été soumis à la TH l’année précédente ou pour un montant moindre, les effets d’annonce de la suppression de la TH font que les contribuables ressentiront encore plus l’imposition comme une injustice en 2019.

Le fond du problème réside plus largement dans l’incapacité de l’exécutif à changer son logiciel en matière de finances publiques : obsession de la rigueur, mise sous pression de la dépense publique en ignorant ses bienfaits économiques et sociaux, allègements fiscaux démesurés au profit des plus aisés, etc. Autant d’orientations qui n’ont produit qu’un effet : dégrader le consentement à l’impôt en nourrissant le sentiment compréhensible d’injustice fiscale et sociale… De son côté, le syndicat national Solidaires Finances Publiques continue de militer pour une remise à plat de l’ensemble du système fiscal français dans le cadre d’un véritable débat public et démocratique : un système fiscal juste et efficace dans ses objectifs de redistribution des richesses doit s’articuler autour d’un impôt sur les revenus véritablement progressif et débarrassé des niches fiscales inutiles. S’agissant des impôts directs locaux, ils doivent permettre aux collectivités territoriales de conserver les marges de manœuvre nécessaires aux financements de leurs services publics locaux.

L’exonération progressive de la TH a été présentée comme une volonté gouvernementale de redonner du pouvoir d’achat à nos concitoyens. Il s’agit en réalité de contraindre financièrement les collectivités à réduire leur masse salariale et leur action. Au final, le gain de pouvoir d’achat issu de la baisse du montant de la TH va s’évaporer dans l’augmentation concomitante du prix des services publics locaux que les collectivités n’auront d’autres choix, à terme, que de les livrer à des opérateurs privés, tout en perdant toute autonomie de gestion et une grande partie de leur libre administration...