Gérald Darmanin a annoncé le transfert de certains services des Finances publiques vers la province, sans préciser lesquels ni les modalités « pratiques » de cette opération. Cette annonce fait suite aux déclarations d’Emmanuel Macron et d’Edouard Philippe qui ont affirmé vouloir plus de services publics en « territoires ».

Loin d’être une reconquête, cette opération ne vise en réalité qu’à réaliser des économies en matière d’immobilier. Surtout, elle ne se traduira pas par une meilleure accessibilité du service public.

En effet, il ne s’agit pas d’ouvrir des services permettant d’accueillir le public, mais de transférer des services qui travailleront pour leur circonscription géographique d’origine. A titre d’exemple, le transfert possible de services de publicité foncière n’aurait pas pour objectif d’accueillir du public sur place mais simplement d’organiser un travail à distance.

Surtout, cette opération s’inscrit dans le cadre d’une restructuration nommée « géographie revisitée » qui concerne l’ensemble des services des Finances publiques. Cette restructuration fait suite à de nombreuses suppressions de sites (la DGFiP a perdu la moitié des trésoreries de proximité depuis la fin des années 90) et d’emplois (40 000 postes supprimés depuis 2002).

La « géographie revisitée » va se traduire par un repli territorial inédit des services de la DGFiP sur fond d’accélération des suppressions d’emplois d’ici 2022. Si ce projet devrait se confirmer, l’accueil du public se réalisera majoritairement dans les « Maisons France Service » (nouvelle appellation des Maisons de Services Au Public), c’est-à-dire dans une forme de service public « low cost ». Si ces maisons peuvent être bien accueillies dans des territoires qui ont perdu leurs services publics, elles n’assureront cependant pas les compétences dévolues aux services de la DGFiP (de plus en plus concentrés et éloignés du public), ceux-ci n’y seront en effet pas présents de façon pérenne, tout au plus ponctuelle ou à distance via l’outil numérique.

Au surplus, les restructurations envisagées riment avec destructuration. Il en va ainsi du réseau territorial mais également de l’externalisation de certaines missions de la DGFiP avec les agences comptables vers les collectivités territoriales, le plan cadastral vers l’IGN ou encore le rôle accru des commissaires aux comptes qui seraient chargés de certifier les comptes des collectivités territoriales et de délivrer à leurs clients, les entreprises, un certificat de conformité à la loi fiscale.

Ces annonces du Ministre de l'Action et des Comptes Publics du 8 mai se font via les médias alors que les organisations syndicales représentatives attendent depuis le 26 mars la lettre de cadrage sur le sujet promise par le ministre. De plus, ce projet est à mettre en lien avec le projet de loi de la transformation de la Fonction publique qui propose l'externalisation de missions, le recours à la contractualisation, des dispositifs de rupture « conventionnelle » et une mobilité forcée des fonctionnaires.

Jamais un gouvernement n’avait été aussi loin ni aussi brutal dans l’affaiblissement des services fiscaux, financiers, fonciers et domaniaux de l’État.