Tract de la commission Femmes de l'Union syndicale Solidaires

Si, en France, le droit à l’avortement a été établi par la loi Veil en 1975 suite au combat féministe, ses modalités d’application ont évolué et évoluent encore aujourd’hui avec le projet de prolongement du délai (de 12 à 14 semaines, actuellement « bloqué » au Sénat)...

Dans beaucoup de pays où l’extrême droite est arrivée au pouvoir, le droit des femmes à avorter est immédiatement mis en cause. Là où le droit n’est pas encore acquis, les possibilités de faire avancer les capacités pour les femmes de choisir d’avoir ou non un enfant, disparaissent ou sont extrêmement difficiles.

Ce droit est essentiel dans le chemin d’émancipation, de liberté et d’autonomie des femmes. Elles sont en lutte en Argentine, au Brésil, en Hongrie, en Pologne, aux USA et partout ailleurs là où leurs droits sont bafoués ou menacés.

Dans des pays où l'IVG est autorisée, comme en France, des femmes partent à l'étranger pour avorter parce qu'elles ont dépassé les délais légaux. En effet, en France, 5 000 femmes ont été obligées de partir à l'étranger cette année, le délai légal pour avorter est seulement de 12 semaines.
Avec la fermeture des frontières et le contexte de crise sanitaire, ces difficultés pour accéder à l’IVG ont été majorées.
Faire respecter notre droit à l’IVG est rendu chaque année plus difficile du fait des mesures d’austérité économique qui ont provoqué la fermeture de nombreux centres d’IVG (civg) : les restructurations hospitalières et la fermeture des maternités de proximité ont un impact direct sur l’accès des femmes à ce droit.

Il est également encore aujourd’hui difficile de trouver des professionnel-les pour pratiquer l’IVG car elle est encore considérée comme un acte médical à part. En effet, au delà de la clause de conscience générale s'appliquant aux médecins pour tout acte médical (qui leur permet de refuser telle ou telle pratique), l'IVG est concernée par une clause de conscience spécifique. Certain-es professionnel-les qui ne pratiquent pas d'IVG refusent d’orienter les patientes vers d’autres médecins, alors que la loi les y oblige. De plus, on interdit aux sages femmes de pratiquer des IVG instrumentales (non médicamenteuses). Par ailleurs, les jeunes n’ont pas toujours accès aux informations qui leur permettraient de faire valoir leurs droits. La loi Aubry du 4 juillet 2001 qui ne prévoit que 3 heures d'information sexuelle obligatoire, chaque année, pour chaque niveau de scolarité, n’est toujours pas appliquée.

Les restrictions du droit à l'avortement, les interdits sur le corps

Dans le monde, les législations sont très variables. Dans des dizaines de pays, tout IVG est interdit. L’accès à l’avortement toujours très inégal dans le monde où l'IVG est encore inaccessible à des millions de femmes ; 47 000 en meurent chaque année. Cet accès reste en réalité sous pression malgré sa légalité.

En Europe, la plupart des pays l’autorise jusqu’à la 14ème semaine, sauf les pays baltes et la France jusqu’à 12 semaines, le Portugal et l’Italie à 10 semaines, mais l’interdiction est totale à Malte et en Andorre, et l’autorisation est conditionnée en Pologne et en Finlande. En Irlande, il a été légalisé par référendum en 2018 jusqu’à 12 semaines, après là encore, une lutte importante des femmes.

En Pologne, la parlement s'est prononcé pour l'adoption d'une loi anti-avortement, alors que l'avortement était déjà restreint à trois cas spécifiques. Une décision de la Cour constitutionnelle a rendu illégale l'interruption de grossesse également en cas de pathologie irréversible chez l'embryon. Les femmes polonaises se sont mobilisées et à la suite des premières manifestations, une trentaine de villes et villages de Pologne ont été bloqués. Une grève générale a été déclenchée le 28 octobre et de nombreux lieux de travail ont déclaré leur soutien à la cause des femmes. Nul ne sait l'évolution du contexte actuel, mais les manifestations sont d'une ampleur jamais égalée.

Aux Etats-Unis, le droit à l’avortement a été légalisé en 1973 par l’arrêt historique de la Cour suprême dit « Roe versus Wade », mais sous la présidence Trump, les attaques en vue de faire annuler cette décision se sont multipliées. La nomination à la Cour suprême de 2 nouveaux juges hostiles à l’avortement fait craindre le pire, dont la dernière en date qui y place une fervente catholique opposée à l’avortement. Ainsi, les anti-avortement se préparent à un possible revirement de cette Cour. Ce droit national était déjà battu en brèche par des lois fédérales interdisant l’avortement dans certains états comme l’Alabama ou encore récemment, en Louisiane. Selon des études, ces restrictions ne représentent pas l’opinion de la majorité des Etats-Unien-nes. Au Colorado par exemple, les électeurs ont rejeté une mesure visant à interdire l’IVG. Le combat n’est donc pas terminé et si l’avortement reste légal dans les 50 états, la question de son accès se pose en de nombreux endroits. L’élection de Joe Biden permettra peut-être que la loi soit appliquée et que l’accès soit possible pour toutes les femmes qui le souhaitent, mais la vigilance reste entière.

En Afrique, l’interdiction d’avorter reste la norme malgré des manifestations importantes. Seuls la Tunisie, l’Afrique du Sud, le Cap Vert et le Mozambique l’ont légalisé. Avec 6 millions d’avortements sur le continent, la question sanitaire pour les femmes est cruciale.

En Australie, en 2019, le droit à l'avortement a été étendu à tout le pays.
En Argentine, les militant-es continuent de se battre sans relâche, malgré un énième report mis sur le compte de la pandémie.

En Asie, l'avortement a été largement utilisé sélectivement pour favoriser la naissance de garçons ou pour l'enfant unique, bien loin du libre-arbitre des femmes à disposer de leur corps, induisant un déséquilibre de genre qui pourrait aboutir à un ralentissement de la démographie et un vieillissement inquiétant de la population. En Corée du Sud, il vient d'être officialisé.

L'acceptation sociale de l'avortement est directement liée à la place de la femme dans la société, être femme et/ou mère, à l'influence des religions, au contexte politique. Il a toujours été utilisé comme arme de régulation, limitant la femme à un rôle reproducteur, son corps à un objet utile.

Solidaires revendique :

- l'harmonisation des délais légaux pour avorter sur les législations des pays les plus progressistes en Europe,
- la suppression de la double clause de conscience sur l'IVG pour les professionnel-le-s de santé,
- les femmes doivent décider de la méthode employée pour leur IVG,
- la réouverture des centre d’IVG (CIVG) fermés et les moyens financiers pour les CIVG et les centres de planification pour qu'ils soient accessibles à toutes sur l'ensemble du territoire,
- l'éducation à la sexualité de 3h par an dans tous les établissements scolaires, prévue dans la loi de du 4 juillet 2001 doit être effective.

Nous sommes solidaires de toutes les femmes qui dans tous les pays se battent pour conserver ou conquérir le droit à l'avortement. Leur combat est le nôtre !

 

Version en ligne sur le site de Solidaires : Avortement - Un combat de femmes toujours d'actualité

 

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