En juin 2018, la dette publique représentait 86,3 % du PIB dans la zone euro (dont 99 % du PIB en France, 61,5 % en Allemagne et 133,1% en Italie), 86,7 % en Grande Bretagne ou encore 101,7 % aux États-Unis. Ces données peuvent paraître a priori impressionnantes, elles sont d’ailleurs souvent dramatisées dans le débat public. Encore faut-il savoir de quoi on parle. La présente fiche reviendra sur les principaux éléments concernant la mécanique globale de la dette publique et sur les raisons de son niveau actuel.

Lorsque les dépenses excèdent les recettes, le budget est en déficit. Il faut alors emprunter. Le remboursement des créanciers comprend par la suite le capital et les intérêts. La dette de l'État est l'ensemble des emprunts que ce dernier a émis ou garantis et dont l'encours (c'est-à-dire, le montant total des emprunts) résulte de l'accumulation des déficits de l'État.

Le débat sur les déficits et la dette est trop souvent simplifié à l’extrême. On entend souvent qu’il faut gérer l’État comme « un bon père de famille », notamment en ne provoquant pas de déficit et en ne s’endettant pas. Certes, personne ne souhaite vivre à découvert. Mais encore faut-il rappeler qu’à la différence d’un bon père de famille, l’État ne meurt pas et qu’il dispose, en outre, d’un patrimoine et de la faculté de pouvoir d’augmenter ses revenus, par les impôts précisément.

Mais surtout, ce discours est simpliste et trompeur. En effet, un bon père de famille qui achète un appartement ou une maison pour loger sa famille s’endette. Cet endettement, s’il est supportable pour les revenus de la famille, permet ainsi à la famille de disposer immédiatement d’un bien, et non pas d’attendre en épargnant durant de longues années pour acheter son bien (ou de louer et de verser un loyer toute la vie). On peut étendre le raisonnement à d’autres biens (voiture, etc). Une conclusion s’impose : si l’État s’endette pour investir ou pour soutenir l’investissement des collectivités locales, on ne peut pas parler de mauvaise gestion. Au contraire, de nombreux économistes ont montré l’utilité économique et sociale des investissements publics : par exemple, investir dans la formation et dans les réseaux de transports permet d’attirer des activités économiques. Il existe donc une « bonne dette ». De la même manière, lorsque la situation économique se dégrade, la dette permet de financer les services publics et la redistribution sociale, ce qui soutient le pouvoir d’achat et l’activité économique.

En revanche, si le déficit naît d’allègements d’impôts qui ont baissé les recettes fiscales sans provoquer de sursaut d’activité économique, ou si la crise affecte l’activité économique donc les recettes, ou si encore l’État s’endette pour payer ses dépenses courantes, alors la question de la dette et des déficits publics se pose autrement. Mais il est dangereux et faux de tenir un discours global sans nuance ni explication : en réalité, la dette n’est ni bonne ni mauvaise en soi, il faut simplement voir « d’où elle vient ». Enfin, comme elle doit être payée, se pose nécessairement la question de l’équité du système fiscal.

Les raisons de l'accroissement de la dette dans la plupart des pays ne résident pas dans une dérive des dépenses publiques ni du fait d’une irresponsabilité des citoyens : on constate ainsi de longue date une stabilité des dépenses de l’État proprement dit et une augmentation des dépenses sociales. Celle-ci découle de l’évolution des besoins lié au vieillissement de la population mais aussi de l’accroissement du chômage et de la précarité. Il faut rappeler également l’impact de la forte augmentation des taux d'intérêt (dans les années 80 et 90) et des allègements fiscaux qui, depuis le début des années 2000, ont mis les finances publiques sous forte pression, sans relance économique avérée à la clef… Enfin, la crise est également passée par là et a fait exploser les déficits publics et la dette publique avec l’effondrement des recettes publiques doublé de plans d’aides colossaux.

Enfin, lorsqu’on parle de « dette », il faut aussi ne pas oublier la dette privée, contractée par l’ensemble des agents économiques privés (ménages, sociétés non financières). En 2018, la dette privée représentait 120 % du PIB de la zone euro (dont 132,2 % du PIB en France), 149,3 % aux États-Unis ou encore 155,5 % du PIB en Grande Bretagne). Supérieur en importance à la dette publique, cette dette a augmenté, ce qui présente des risques systémiques : les bulles spéculatives notamment ont déjà été à l’origine d’une crise majeure dont les populations paient toujours les effets. Et de nombreuses voix s’élèvent et alertent sur les risques d’une prochaine crise...

Solid'Info : le déficit et la dette