Après Réate I, en mode RGPP, Réate II en mode MAP, voici venir un nouveau programme de réformes des services déconcentrés de l'Etat gouverné par CAP22 et précisé par deux circulaires du premier ministre du 24 juillet 2018.

Préfets et ministères à la manoeuvre

Les Préfets de région, mais également les différents ministères sont invités par le chef du gouvernement à formuler des propositions de réorganisations et de répartition harmonieuse des missions d'ici la mi-octobre 2018.
Le cadrage de Matignon évoque une clarification des missions exercées au niveau territorial (répartition entre l'Etat, les collectivités et les opérateurs) et l'évolution de l'organisation et du fonctionnement des services.

Plus précisèment, les services de l'Etat doivent se concentrer sur les missions et les axes stratégiques et les services départementaux doivent être réorganisés selon trois objectifs :

  • permettre davantage de souplesse,
  • approfondir la déconcentration,
  • rechercher de nouvelles mutualisations de moyens.

Transferts de compétences et articulations nouvelles

Plusieurs périmètres d'action des services départementaux de l'Etat seront ainsi allégés en matière de développement économique, de tourisme, de logement et de politique familiale, d'instruction des permis de construire, de pilotage des contrats aidés qui pourraient quitter les DIRECCTE pour Pôle emploi ou de sport pour lequel l'action de l'Etat sera resserrée sur les territoires carencés (SIC). La plupart des DDI sont ainsi concernées et, comme vient de le démontrer l'arrivée dans le gouvernement d'une nouvelle ministre des sports, le tout s'accompagnera de suppressions de postes (rappel, l'objectif demeure de faire disparaître 50 000 emplois d'ici 2022).

D'autres secteurs ou missions semblent bien mieux considérés : la prévention, la gestion des risques, la lutte contre la fraude, la gestion des flux migratoires, l'ingénierie territoriale, l'environnement, l'hébergement d'urgence. Pour ceux-là, la circulaire emploie un terme bien connu, "missions prioritaires", et évoque, soyons fous, un renforcement des effectifs, un repyramidage des compétences et des emplois. Rien que ça ! Mais il ne faut pas s'y tromper, toutes, à l'exception peut-être des missions de gestion des flux migratoires (comme par hasard), seront soumises à des arbitrages en termes de compétences et de localisations.

Mutualisation, interdépartementalité, hiérarchie

Des regroupements de services sont à prévoir pour, précise l'une des circulaires, optimiser l'occupation du patrimoine immobilier de l'Etat. Le "jumelage" est aussi abordé. Il s'agirait de fusionner ou de rapprocher certaines DDI, d'instaurer des services interdépartementaux communs à deux ou plusieurs départements limitrophes, de mettre à disposition des compétences détenues par une DDI au profit d'une autre. Si ce sont les services implantés dans les départements qui sont le plus visés, les services régionaux et les admnistrations centrales devraient aussi être mis à contribution et se concentrer sur la conception, l'animation, l'appui, l'orientation, l'évaluation et le contrôle pour ce qui est des services centraux des ministères, sur l'impulsion, la coordination et... l'évaluation pour le niveau régional. Il ne faut pas être grand clerc pour deviner que l'ensemble de ces prérogatives sera très vite confié aux régions...

Réinventer le service public de proximité

Dernier des points abordés par la circulaire, l'accueil physique est traitée non plus systématiquement au travers des MSAP, mais dans une approche différenciée géographiquement et avec un Etat qui mettrait à disposition des collectivités et des opérateurs de "lieux" ne recevant plus de public (maison de l'Etat, sous-préfecture) et où pourront être implantés de nouveaux points de contact mutualisés et poyvalents. Ce dernier sujet nous renvoie marginalement, mais nous y renvoie quand-même, au concept de déconcentration de proximité évoqué par G.Darmanin le 11 juillet dernier.

Tout est sous contrôle

Bien entendu, le gouvernement est attentif aux personnels qui seront touchés par ces restructurations massives. La circulaire, dans son dernier paragraphe, il fallait s'y attendre, fait référence aux travaux en cours à la Fonction publique sur les évolutions RH, notamment les plans de départ volontaires. Le chef du gouvernement corrobore ainsi le lien étroit qui existe entre les évolutions en cours de discussion (reprise des rencontres OS/DGAFP le 10 septembre) à la Fonction publique et les bouleversements que porte cette nouvelle étape de la réforme de l'Etat largement inspirée du rapport CAP22.

Et la DGFiP dans tout ça

Comment imaginer que notre administration ne sera pas concernée ? Certes, la DG incite les DDG et les directions locales à esquiver les Préfets en leur faisant remarquer que les circulaires du Premier ministre visent en priorité les services placés sous leur autorité (et donc pas la DGFiP), que la DGFiP dispose d'une expertise reconnue en matière immobilière (RPIE et DIE), que la DGFiP a déjà engagé des procesus de rationalisation des moyens de fonctionnement et enfin qu'en ce qui concerne la réinvention du service public de proximité, le ministère et la DGFiP sont déjà "sur le coup", nous sommes bien placés pour le confirmer. La guerre des hauts fonctionnaires fait donc toujours rage au plus haut niveau de l'Etat, sans que nous ne soyons certains d'avoir d'un côté ou de l'autre des alliès. Bien au contraire, nous avons de part et d'autre des ennemis qui ne poursuivent qu'un seul objectif, satisfaire aux demandes du gouvernement et du Président de trouver les voies et moyens de rayer de la carte administrative 50 000 emplois et des centaines d'implantations de services publics.

Un point est sans doute à regarder de plus près. Il concerne la lutte contre les fraudes, citée comme étant l'une des missions prioritaires. Il faut y apporter un bémol de taille. La circulaire du 24 juillet précise ainsi que les modalités d'exercice de ces missions (ndlr : qui ne concernent pas que la DGFiP) seront adaptées... Avec par exemple "l'externalisation de certains contrôles standardisés pour permettre de concentrer l'action des services de l'Etat sur les contrôles les plus complexes et les plus sensibles".

Pour en finir avec ce tour d'horizon macabre, n'oublions pas que la DGFiP et le ministère mènent de leur côté des rélexions basées sur les mêmes attendus...

Réate : Réorganisation Administrative de l'Etat Territorial
RGPP : Révision Générale des Politiques Publiques
MAP : Modernisation de l'Action Publique
DIRECCTE : DIrection Régionale des Entreprises, de la Concurrence, de la Consommation, du Travail et de l'Emploi
DDI : Direction Départementale Interministérielle
MSAP : Maison de Service aux Publics
DGAFP : Direction Générale de l'Administration et de la Fonction Publique
DDG : Délégué du Directeur Général
RPIE : Responsable de la Politique Immobilière de l'Etat
DIE : Direction de l'Immobilier de l'Etat

Vers une troisième réformes des services déconcentrés