Halte à la paupérisation et la marchandisation du système de santé ! La dépense publique doit se réanimer !

Le secteur public de santé privé depuis trop longtemps d'oxygène budgétaire !

La crise du Covid 19 révèle les effets dévastateurs de 20 ans d'austérité budgétaire et de réduction de la dépense publique en matière de santé publique, de recherche médicale et d'accompagnement aux personnes fragiles.

Cette situation se traduit essentiellement par un manque crucial :

  • de personnel paramédical (infirmier•es, aides soignant•es, agent•es de service hospitalier),
  • de personnel médical (renforcé par un numérus clausus sous-estimé pendant de trop nombreuses années),
  • de chercheurs et chercheuses sur toutes les questions de santé, de protection sanitaire (renforcé par une sous estimation chronique des besoins de recherche et par une volonté exacerbée de faire reposer cette dimension sur des structures privées).

Ce constat catastrophique, mis à jour avec la crise sanitaire du Covid19, s'explique également par les effets induits par les plans de restructurations. Pour des raisons budgétaires et des choix politiques, les nombreuses vagues de suppressions de postes ont entraîné la désertification sanitaire. Récemment, les fermetures de services, les suppressions d’hôpitaux de proximité ont engendré 65 000 suppressions de lits. Ces lits qui font actuellement cruellement défaut ! Dans les EHPAD, la situation est tout autant catastrophique. Là encore, faute de moyens et de personnels en nombre suffisant, les résident.es et les personnels subissent de plein fouet les conséquences de la paupérisation de ce secteur. Pourtant, la canicule de 2003 avait démontré les fragilités structurelles et financières de ce secteur et des engagements politiques avaient été annoncés suite à cette alerte. Force est de constater que la situation demeure toujours aussi dramatique. Mais le drame ne s'arrête pas aux portes des EHPAD, en réalité c'est bien tout le secteur social et médico-social qui est en difficulté. Sur l'ensemble du territoire national les moyens humains et matériel du secteur social et médico-social ont été sacrifiés sur l’échafaud de la rentabilité et l'autel des restrictions budgétaires.

Pour nos organisations syndicales, le diagnostic est clair : tous nos secteurs sont contaminés par les effets nocifs d'une politique libérale.

La marchandisation du secteur hospitalier et de la dépendance qui transfère des missions au secteur privé engendre des pertes de compétence et fragilise le corpus de l'hôpital public. Ce dernier souffre également d'une gestion budgétaire court-termiste qui s'illustre notamment par un manque certain de planification des besoins et par un désengagement budgétaire. Face à la crise, les services se sont retrouvés très vite en rupture de stocks de certains médicaments (notamment les produits anesthésiants), et à une pénurie affolante de masques, de gel hydroalcoolique, de sur-blouses…
Dans le secteur de la recherche publique, un mode de financement « sur projet » incompatible avec le « temps long » nécessaire à l’accroissement des connaissances a remplacé le financement pérenne des laboratoires. Des équipes travaillant sur le SRAS ont ainsi été contraintes de ralentir, voire de changer de sujet. La course à la notoriété, exacerbée par ces mêmes modes de financement, et les liens de certains chercheurs avec les industries pharmaceutiques prennent le pas sur l’effort de la majeure partie du
personnel pour rattraper le temps perdu.

Une crise qui génère un afflux de bons sentiments

Face à cette crise sanitaire mondiale, tout le « petit monde politique » prétend désormais vouloir se pencher sur l'état de santé du patient « santé publique ».
Le président de la République affirme son intention de repenser le modèle sanitaire et hospitalier, oubliant au passage que le gouvernement d'E. Philippe a largement méprisé jusqu'à présent les revendications portées par les personnels de santé depuis de nombreuses années.

A ce jour, aucune annonce gouvernementale ne laisse entrevoir un changement radical en matière de dépense publique de santé, de renforcement du réseau hospitalier et des moyens alloués aux acteurs et actrices de la santé et de la recherche. Si le ministre de la Santé évoque la suspension des réformes de redéploiement de certains services, il ne dit pas qu'il retire ces projets. Ces précautions de langage démontrent si besoin était, que le gouvernement demeure résolument dans une approche de rigueur comptable. De même, il n'a échappé à personne que le plan d'urgence gouvernemental consacre une aide spécifique aux hôpitaux et laboratoires privés alors que rien n'est prévu pour soutenir réellement l'hôpital public et la recherche publique.

Par ailleurs, la crise Covid 19 a mis au grand jour le manque de reconnaissance du travail reproductif : la réponse sociale et budgétaire se fait attendre. Il est salutaire d'entendre enfin dire par le monde politique que les métiers à prédominance féminine sont sous-valorisés et c’est notamment le cas des métiers liés à la reproduction sociale et au maintien de la vie (santé, social, services à la personne, etc..), mais rien ne laisse entrevoir un changement radical de paradigme au lendemain de la crise. Et pourtant, celle-ci vient de permettre au pays de prendre la mesure de l’importance de ces métiers très féminisés. Rappelons que les femmes représentent entre 80 et 90% des aides-soignantes, des infirmières, des hôtesses de caisses, du personnel des EHPAD, du nettoyage ou encore des enseignantes du primaire.
Pour nos organisations, le statut des personnels de santé, qui tout au long de cette crise ont été en première ligne dans plusieurs secteurs essentiels doit être ramené à son juste niveau et plus que jamais, le taux de féminisation très significatif des métiers de santé doit cesser d'être pour les pouvoirs publics un facteur de discrimination statutaire et indemnitaire.

Pour un afflux justifié d'oxygène budgétaire

La crise Covid19 démontre l'importance du service public de santé et des services publics en général mais l'appel aux dons lancé par certains acteurs publics pour aider les hôpitaux publics est une hérésie : il masque les vrais enjeux et les vrais niveaux de responsabilité.

Pour nos organisations, cette crise appelle à l'émergence d'un autre modèle sanitaire s'appuyant sur une dépense publique de santé à la hauteur de la solidarité nationale..

C'est pourquoi nous revendiquons  :

  • des moyens budgétaires nécessaires et adaptés aux besoins dans tous les services de santé et de recherche, laissant une marge suffisante pour faire face à une crise sanitaire imprévue. Le renforcement du maillage territorial, avec plus de lits, plus de personnels soignants. Tout ceci est d'une urgence vitale et tous les moyens publics doivent être mobilisés pour y arriver,
  • des moyens et des outils de contrôle permettant de s'assurer que toutes les cotisations sociales et impôts soient correctement taxés et payés. A ce titre tous les moyens législatifs et humains doivent être alloués à la DGFiP pour lutter efficacement contre la fraude et l'évasion fiscales et avoir une politique fiscale plus juste par notamment une plus grande progressivité qui permette d’avoir une redistribution des richesses exercée à travers notamment le financement des services publics que sont entre autre ceux de la santé de la recherche et de l’éducation,
  • l’arrêt de la gestion technocratique par les ARS des finances des hôpitaux et l'abandon de toute logique marchande dans leur gestion,
  • l'arrêt de toutes les réformes visant à fusionner des établissements hospitaliers, à supprimer physiquement des trésoreries hospitalières,
  • la revalorisation (carrière, retraite) des filières de la santé, du social et du médico-social.
  • la présence en nombre suffisant de personnel de santé dans les établissements scolaires afin d'assurer partout sur le territoire une protection sanitaire maximale pour nos enfants.

Sans attendre la fin de la pandémie, Solidaires Finances Publiques, Sud Santé Sociaux, Sud Recherche EPST, Sud Education, Sud CT lancent un appel solennel à l'arrêt du massacre du système de santé et demandent un plan de redressement national financé par des ressources publiques pour remettre à flot les finances des hôpitaux, du service public de la petite enfance à la dépendance (en EHPAD, mais aussi à domicile). Il est temps de faire renaître un système de protection sociale et de santé publique à la hauteur des enjeux, des besoins, des attentes de la population et hors des lois du marché.

De partout en France, le 23 avril 2020

Expression commune de Solidaires Finances Publiques, Sud Santé Sociaux, Sud CT, Sud recherche, Sud Education