La CAP Nationale concernant la sélection au grade de contrôleur des finances publiques par liste d'aptitude s'est déroulée du 27 février au 1er mars.

Liminaire

Monsieur le Président,

L'année dernière et pour cette même CAPN, nous avions commencé nos propos liminaire par « plus les semaines passent, plus il se confirme que le gouvernement demeure sourd aux légitimes revendications portées par les agents de la Fonction Publique ». La situation s'est aujourd'hui encore détériorée. Les annonces destructrices pour la DGFiP et pour la Fonction publique dans son ensemble s'accumulent. La publication de l’avant-projet de loi sur l’avenir de la Fonction publique est venue apporter la dernière pièce d’un puzzle que nous n’avons eu de cesse de décrier depuis des mois.

Tout est désormais sur la table, action publique 2022, la géographie revisitée, ce projet de loi et le fameux contrat d’objectifs et de moyens que la Direction Générale doit signer avec la direction du budget d'ici la fin du 1er trimestre. L'objectif du gouvernement: supprimer 50 000 emplois dans la Fonction publique d’État d'ici 2022 soit entre 18 000 et 25 000 pour la DGFiP. Dans le même temps 16 000 agents de la DGFiP partiraient à la retraite. A l'horizon 2022, ce sont donc entre 2 000 et 9 000 agents qui se retrouveraient sans mission, sans résidence et sans chaise.

Le 18 février 2019, les agents de la D.G.F.I.P. ont la surprise de voir apparaître sur Ulysse « les citations » du ministre de l'action et des comptes publics censé montrer tout le bien que le ministre pense des agents. C’est décidément une opération pour le moins surprenante, pour ne pas dire scandaleuse, provocatrice et particulièrement cynique vu le décalage entre les propos du ministre et ses projets.

Le Ministre et le Directeur Général engagent une refonte sans précédent des missions et du maillage territorial de la DGFiP. Il ne s’agit plus d’adapter les structures et le réseau mais d’un véritable déménagement du territoire. Tous les personnels seront directement ou indirectement concernés à un moment ou à un autre. La proximité promise à la DGFiP n’est qu’un leurre.

Au contraire, travailler loin de chez soi, dans de moins bonnes conditions et avec quel avenir ? La question se pose désormais à toutes et tous. La création d’agences comptables, la constitution de services départementaux (SPF, SIE, la disparition programmée des SIP...), l’accueil itinérant ou ponctuel dans les maisons de service au public, le transfert du plan cadastral à l’IGN et les conséquences de la géographie revisitée qui aboutiront fatalement à de la mobilité forcée. Pour celles et ceux dont la mission aura été transférée, le risque de rejoindre la fonction publique territoriale ou d’autres entités, de droit public ou privé est réel.

Dans le même temps, dans une DGFiP amputée, le gouvernement veut amplifier sa politique :

- de réduction des moyens budgétaires dont les projets actuels ne peuvent qu’aggraver les conséquences: pression sur le pouvoir d’achat et sur le déroulé de carrière, suppressions d’emplois (près d’un tiers des emplois de la DGFiP serait supprimés)...

- de montée en charge de l’intelligence artificielle qui, sans intelligence humaine, est vouée à l’échec ! Ainsi, dans le contrôle fiscal, un datamining sans agent-e-s pour alimenter les données en amont et les traiter en aval ne servira pas la lutte contre la fraude fiscale.

- de suppressions d’implantations locales à la DGFiP ( SIP, SIE et Trésoreries) pour les remplacer par des maisons de service au public pluridisciplinaires et des accueils ponctuels, soit un service public « low cost » qui , après avoir liquidé le secteur public local, ne nous laissera même plus l’impôt sur les os.

Ainsi, l'intersyndicale DGFIP appelle à la mobilisation générale.

Sachez que nous mettrons tout en œuvre pour donner un coup d’arrêt à ces projets, obtenir le renforcement de la DGFiP sur toutes ses missions, la présence pérenne des services de la DGFiP sur le territoire, des moyens humains, juridiques et organisationnels suffisants pour assurer dans de bonnes conditions un service public de qualité et une reconnaissance de l’engagement des personnels par une revalorisation du régime indemnitaire et l’abondement des promotions internes.

Maintenant, comment ne pas aborder plus en détail le projet de loi fonction publique.

Dans une interview publiée sur le site « Acteurs publics » le 21 février, Émilie Chalas, députée de la majorité présidentielle et future rapporteure du projet de réforme de la fonction publique, s’est « lâchée ». Ses propos mêlent dogme idéologique et cynisme teinté de provocation.  Selon la rapporteure, le projet « ne comprend pas uniquement une vision financière ou statutaire de la fonction publique, mais bien une approche globale au service de l’action publique ».

Ce projet s’inscrit dans une vision idéologique de l’action publique et, plus largement, du monde du travail: suppression de droits, négation des principes qui fondent le statut, développement de la flexibilité, etc. Le sens du projet de loi est finalement donné par Émilie Chalas elle-même pour qui c’est un texte « au service des employeurs publics, puisqu’il leur offre plus de souplesse dans la gestion de la masse salariale ». Mme Chalas se donne même la peine de préciser qu’ainsi, « rien n’empêche les employeurs de faire évoluer les fonctions du fonctionnaire recruté ou de le déplacer. »

Mme Chalas atteint aisément les sommets du cynisme à propos des commissions administratives paritaires (CAP) , en affirmant une contre-vérité confondante puisque selon elle, il est « nécessaire de lever l’opacité prégnante sur les CAP et de rendre plus transparentes, objectives et justes les décisions individuelles (...). Ça suffit, l’opacité et les passe-droits ! Nous aurons le courage de percuter le mode de fonctionnement des syndicats ». On ne saurait être plus clair...

Les CAP sont les instances de représentation des personnels titulaires de la fonction publique, c'est à dire les fonctionnaires. Elles traitent des sujets relatifs aux carrières individuelles et sont obligatoirement saisies pour donner un avis sur les actes ayant un impact sur la gestion et la carrière de chaque agent de leur corps.

Le titre 1er du projet de loi promeut un dialogue social plus stratégique et efficace. Pour cela, les attributions des CAP sont modifiées en supprimant l'avis préalable sur les questions liées aux mutations et aux mobilités, à l'avancement et aux promotions ! Supprimer des CAP pour, dans le même temps, développer de nouveaux outils favorisant la flexibilité (détachement d’office, rupture conventionnelle par exemple) revient donc bien à réduire les droits des fonctionnaires et à changer la nature même de la fonction publique (principes statutaires, droits et obligations, etc), ce que le projet de loi fait sans que ses promoteurs ne l’assument véritablement.

La CAP est une instance qui émet un avis, elle donne lieu à un procès verbal et obéit à des règles de gestion qui ont une base juridique. Avec ce projet de loi, la plupart des actes de gestion des personnels ne seraient plus consignés dans des procès verbaux ni soumis au contrôle d’une instance : ces actes seraient gérés dans le secret du bureau des responsables administratifs. L’opacité et les passe-droits dans les actes de gestion, c’est le projet du gouvernement qui les favorisera et en fera même une règle. Avec ce projet, les agents seront privés de la possibilité de la capacité de se « réapproprier leurs carrières ».

Avant de venir plus directement à l'ordre du jour, Solidaires Finances Publiques demande l'appel intégral des listes complémentaires des différents concours, en plus des 410 C déjà recrutés à ce jour.

Solidaires Finances Publiques réaffirme son attachement à la promotion sociale interne qui doit pouvoir s’exprimer à tous les moments de la vie professionnelle dans le respect des règles statutaires. Pour nous, les plans de qualifications doivent être ambitieux compte tenu du niveau de technicité et d’expertise des agents C, B et A, et doivent être mis en œuvre prioritairement via les concours et les examens professionnels. La liste d’aptitude est également un des vecteurs de cette promotion interne mais pour nous, ce mode de sélection doit constituer une voie alternative d’accès à la catégorie supérieure pour les agents n’ayant pas bénéficié de la promotion interne par concours ou examen professionnel. Pour Solidaires Finances Publiques, la liste d’aptitude doit reposer sur des critères objectifs et transparents pour tous.

Force est de constater que les « critères » qui président aujourd’hui à la sélection par liste d’aptitude sont non seulement subjectifs, mais pas toujours appliqués de façon homogène sur l’ensemble du territoire. De plus, il est attendu des progrès significatifs de la part des directions locales en matière de transparence envers les postulants.

En se projetant sur plusieurs années, les volumes de promotions sont donc en baisse constante et nous condamnons d’ores et déjà la baisse scandaleuse des volumes annoncés pour les années à venir.

Cela étant, de trop nombreux agents restent écartés de la promotion interne alors que leur implication professionnelle au quotidien, mériterait pleinement une réelle reconnaissance de leur qualification et technicité.

La formation délivrée aux promus par LA ou CIS au grade de contrôleur est très clairement insuffisante voire inexistante. La durée de cette formation ne permet pas d’appréhender dans de bonnes conditions le changement de catégorie.

La baisse substantielle des potentialités par direction a fortement perturbé certains directeurs, qui n'ont visiblement pas compris l’exercice qui leur était demandé en CAP Locale. Ainsi, nous avons recensé au moins 14 directions qui ont proposé un nombre d’excellents strictement égal à la potentialité, ce qui est contraire aux consignes. De fait, certaines directions ont perdu des possibilités de promotion en raison de réussite au concours ou renonçant. Ce n'est pas admissible d'autant qu'aucun rattrapage n'est possible en CAP nationale si les agents ne sont pas classés excellents.

Par ailleurs, nous avons constaté que certaines directions à potentialité de zéro, n'ont classé aucun agent excellent, alors même qu'il y avait des candidats.

Encore trop de directions locales ne transmettent pas les fiches de propositions pour une candidature classée excellente . Cela est encore plus vrai lorsque l'agent est « rattrapé » par la CAP locale.

Nous rappelons que nous sommes opposés au rang de classement du directeur local pour départager les candidats excellents entre eux. Les agents rattrapés après une défense en CAPL de « très bon » à « excellent » se voient systématiquement classés à la fin par leur direction (sauf la direction de Paris, mais nous y reviendrons à l'examen des dossiers). Nous demandons donc à cette CAP Nationale d’examiner l’ensemble des dossiers défendus sur la base de la qualité de l’agent, son aptitude à exercer au grade de contrôleur et non pas de se focaliser uniquement sur son rang de classement en local.

Nous présumons que l’administration va communiquer en séance les informations utiles pour l’examen des agents classés « H ». Nous regrettons que ces critères de sélection des agents permanents ou quasi-permanents, soit l’ancienneté et l’âge moyens des inscrits, ne nous soient pas communiqués au stade de la consultation.

Nous espérons qu'à la suite des dispositions prises pour informer les agents, il n'y aura pas de loupé cette année, quant à la date de prise de poste pouvant générer un allongement du délai de séjour pour les mutations. Si tel était le cas, nous ne manquerons pas de revenir sur ces dossiers en CAP, d'autant que ce mouvement 2019 sera le premier mouvement consacrant un délai de séjour de 2 ans pour ces promus.

Le volume 2019 de promotion par liste d'aptitude de C en B est de 400 pour une PAS de 19 913 agents ! Ce qui représente 2 % de possibilités de promotions. Ces chiffres sont désespérants quant aux perspectives de carrière des agents dans un contexte où on leur demande de plus en plus d'efforts. En affichage, la baisse du volume de 150 par rapport à l'an dernier alimente également la colère générale.

Solidaires Finances Publiques rappelle son exigence d'une véritable CAP préparatoire pour les agents « hors réseau » afin qu'ils bénéficient des mêmes droits à la défense que les autres agents. Cette demande prend tout son sens dans le nouveau contexte annoncé de détachements forcés d'agents vers les agences comptables notamment.

16 possibilités de rattrapage sont laissées pour la tenue de cette CAP, ce qui laisse peu de place pour le dialogue social. Nous attendons que cette séance puisse prendre en compte, sans tabou, toutes les situations particulières qui seront présentées.