Les agents contractuels victimes collatérales des restructurations imposées par l'administration ?

Une Réunion Technique « LICENCIEMENT DES AGENTS BERKANI » s'est tenue le 18/03/2016 . Ne voulant pas cautionner la mise en place d'une boîte à  « épuration » massive des agents contractuels, seul Solidaires Finances Publiques a quitté la réunion, mais la tête haute.

Liminaire


Paris le 18 mars 2016


Monsieur le Président,


Nous ne commencerons pas cette réunion sans aborder le contexte social et politique.


Le projet de loi El Khomri est l'acte ultime à l'encontre du monde du travail, des salariés, des jeunes, des précaires et des privés d'emplois. Ce projet caractérise les orientations et les choix de société d'un Gouvernement dont la vision sociale se rapproche de celle du 19e siècle où l’individu ne représenterait plus rien, si ce n’est sa force de travail.
Cette réforme du Code du Travail vient parachever une oeuvre de destruction massive de toutes les sécurités dont pouvaient bénéficier les salariés du privé mais aussi du public à très court terme.
En attaquant le secteur privé à travers l'implosion du Code du Travail, en supprimant certaines protections, le Gouvernement a choisi son camp, clairement, inexorablement, méthodiquement : celui du patronat contre le peuple.


Nous avons toutes et tous dans notre entourage proche ou plus lointain, des parents, des amis ou des connaissances en recherche d’emploi ou dans des situations qui deviendraient encore plus précaires qu’elles ne le sont aujourd’hui à cause de cette loi scélérate.
Le pouvoir politique se gargarise du mot « flexisécurité ».
Mais cette flexisécurité ne vaut que pour les entreprises et non pour les salariés.
La liste des attaques est longue et non exhaustive quant à ses effets.
En tout premier lieu, le coup de grâce est asséné aux 35 heures, avec une durée de travail qui se décidera au sein de l'entreprise et pourra être porté à 12 heures par jour, et plus aisément à 48 heures par semaine (voire dans certaines circonstances à 60 heures par semaine).


Mais il ne se limite pas à cela. Le catalogue est bien long :

  •  extension du forfait jour après négociations,
  •  fractionnement des 11 heures obligatoires de temps de repos quotidien,
  •  baisse de la majoration des heures supplémentaires,
  •  facilitation des licenciements économiques,
  •  escamotage du contrôle par les instances publiques et judiciaires.


Même si la « nouvelle mouture » présentée par le 1er ministre le 14 mars dernier apporte à la marge des corrections, il n'en reste pas moins que nous sommes toujours face à une véritable attaque du contrat de travail.
Aujourd’hui, « il faut protéger l'entreprise contre les salariés ».
Qui peut croire sérieusement qu'avec plus de 6 millions d'inscrits à Pôle Emploi, allonger le temps de travail de ceux qui en ont déjà un peut faire reculer le chômage?
La recherche permanente de la destruction du statut (le CDI) dans la sphère privée, sous prétexte d'égalité public-privé, débouchera immanquablement à très court terme à la fin du statut dans la Fonction Publique, et entraînera l'ensemble des salariés français dans la voie de la paupérisation.
Qui peut encore penser que les atteintes aux 35 heures soient sans conséquences pour les fonctionnaires, alors qu’ils sont déjà injustement stigmatisés sur le sujet du temps de travail ?
Comment s'estimer à l'abri de cette régression générale des droits alors même que les contrats précaires, les recrutements temporaires se multiplient dans la Fonction Publique et ne pourront plus être requalifiés en CDI ?
La contractualisation dans l'ensemble des secteurs de la Fonction Publique fait son chemin, insidieusement, portée en écho par tous les populismes.

Solidaires Finances Publiques considère que face au niveau inégalé des attaques assénées contre le salariat, une réaction unitaire public-privé d’ampleur est indispensable.
Solidaires Finances Publiques s'y engagera sans état d'âme.
L’État patron n'a pas attendu la loi El Khomri pour saborder la Fonction Publique, ses agents et les services publics.
Les « négociations salariales » qui se sont ouvertes mi-mars s'apparentent d'ores et déjà à une mascarade à travers la proposition indécente et méprisante de revalorisation du point d'indice par la nouvelle ministre de la Fonction Publique. Cette quasi stagnation est bien loin de seulement rattraper la forte perte du pouvoir d'achat que subit l'ensemble des fonctionnaires depuis que la valeur du point d'indice a été gelée, en 2010...
Les agents ne demandent pourtant pas l'obole, mais une vraie reconnaissance de leurs qualifications et de leur travail.
Concernant le Parcours Professionnel, Carrières et Rémunérations (PPCR), rebaptisé pompeusement « Avenir de la Fonction Publique », il s'agit tout simplement d'un « foutage de gueule ». Sans rentrer dans le débat, Solidaires Finances Publiques ne peut que dénoncer les
avancées dites « majeures » de ces propositions et en tout premier lieu les gains indiciaires des 3 catégories A, B, C. Ceux-ci sont en grande partie autofinancés par les agents eux-mêmes à travers le transfert de l'indemnitaire sur de l'indiciaire, ce qui en aucun cas ne compense les pertes de pouvoir d'achat enregistrées depuis plus d'une décennie. En effet, ce faible gain indiciaire peut aussi avoir pour corollaire un déroulé de carrière rallongé. Ou comment reprendre d'une main ce qui est donné de l'autre.

PPCR est un immense iceberg dont certains ne veulent voir que la partie émergée que constituent les pseudos gains indiciaires, alors que la partie immergée agrège de trop nombreux reculs et, autour, les agents tentent de maintenir la tête hors de l'eau glacée.
Concernant tout particulièrement la DGFiP, nous rappellerons le combat exemplaire des agents de Vierzon. Les propos du Directeur Général prouvent bien le mépris vis-à-vis de l'ensemble des agents de la DGFiP. En effet, il a écrit : « Longtemps en sureffectif au regard des emplois implantés localement, les différents services sont toutefois, globalement, à l'équilibre. »
Avec de tels propos, plus rien ne peut nous étonner et notamment la mise en oeuvre de la liquidation de la DGFiP !


Dans ce contexte très particulier, l'actualité fait en quelque sorte écho au sujet de ce groupe de travail.

En cette période de restructurations sans précédents, voulues par l'administration et dont les agents Berkani sont les victimes collatérales, les seuls documents qui nous ont été fournis pour préparer ce groupe de travail sont des fiches constituant une boîte à outils d'aide au licenciement. Cette dernière va vous donner les moyens d'organiser une « épuration » massive d'agents en situation de précarité et déjà en grande difficulté. Comme par hasard, ce sont ceux qui n'ont aucun moyen de défense, beaucoup plus simple de s'attaquer aux plus faibles...


En revanche, rien sur :

  •  la mise en place d'une véritable instance de défense au niveau national,
  •  la rémunération de ces agents touchés de plein fouet par la perte du pouvoir d'achat,
  •  la signature de l'IAT, pourtant attendue et promise depuis décembre 2014,
  •  la subrogation.


Rappelons que Solidaires Finances Publiques n’a pas les mains liées par le protocole car il n’a pas été signé par Solidaires Fonction Publique. En effet, malheureusement, le protocole discuté à la Fonction Publique est loin de répondre aux attentes de la majorité des agents concernés. En effet, seulement 13% des personnels d’entretien, restauration et gardiennage ont pu prétendre à la titularisation alors que plus de 60% des autres contractuels ont eu cette possibilité.
Une telle limitation est insuffisante et inacceptable: s’il y a une population qui connaît la précarité, ce sont bien les agents Berkani ! La résorption de la précarité demeure plus que jamais un enjeu d’importance.


C’est pourquoi Solidaires Finances Publiques continuera d’exiger :

  •  Un véritable plan de titularisation pour les non-titulaires avec création des emplois correspondants et sans perte de rémunération.
  •  La levée du verrou des 70 %.
  •  La mise en oeuvre de toutes les mesures de «dé précarisation» qui existent déjà dans la loi et qui ne sont pas appliquées partout : titularisation directe des agents et passage de tous les CDD à temps incomplet en CDI à temps incomplet.
  •  Un nouveau plan de titularisation au regard de la situation des agents, mais actualisée et reposant sur des périodes plus larges et plus récentes que le premier plan.
  •  L’arrêt du recrutement de nouveaux contractuels. Les emplois permanents doivent être occupés par des titulaires.
  •  L’arrêt de l’arbitraire et une harmonisation des salaires sur ceux des titulaires, pour les contractuels restants.
  •  De réels moyens d’insertion et de qualification pour les emplois aidés.


À la DGFiP, Solidaires Finances Publiques continuera de se battre pour la remise en cause de toutes les réformes structurelles qui alimentent la précarité et dégradent les conditions de travail, et exigera :

  •  la titularisation directe sans barrage,
  •  le passage à temps complet de tous les agents employés à temps incomplet,
  •  le respect des horaires et le remplacement des absences et congés,
  •  la reprise totale de l’ancienneté sans limitation,
  •  une formation proposée et adaptée,
  •  un accès à l’information grâce à un poste informatique dédié.


Solidaires Finances Publiques est aux côtés de tous les agents et entendra les défendre face aux attaques de toutes sortes, et quoi qu'il en coûte. Il est hors de question pour nous de devenir vos complices dans cette mise en oeuvre du plan de licenciement massif qui semble se profiler et qui sera lourd de conséquences pour des personnes déjà en grande précarité. Effectivement, un ancien président avait souhaité la fin de la précarité dans l'administration. Grâce aux outils que vous mettez ici en oeuvre, vous arriverez certainement à l'éliminer définitivement mais en jetant les agents Berkani avec l'eau du bain.

C'est inadmissible.