La situation sanitaire a conduit la Direction Générale à prendre des dispositions exceptionnelles en matière d'organisation du travail et d'exercice des missions. La première des dispositions, qui est sans conteste la plus emblématique, réside dans le fait qu'au plus fort de la crise, plus de 80 % des personnels étaient soit en ASA, soit en télétravail. Cette situation inédite a conduit des milliers d'agentes et d'agents à être confrontés à un bouleversement inhabituel de leurs repères professionnels.

Une autre disposition figure également en pôle-position, la mise en œuvre du PRA (plan de reprise d'activité) et la réouverture progressive des services à l'activité à compter du 11 mai. L'ensemble du dispositif a été piloté par la Direction Générale, à charge pour les directions locales et plus particulièrement pour les chefs de service, de le mettre en œuvre.

Pour les accompagner dans cette mission de réamorçage de l'activité, les chefs de service ont été destinataires d'une «playlist » de préconisations à suivre et à mettre en œuvre le plus simplement du monde si l'on écoute l'enthousiasme de la Centrale.

Malheureusement la situation est loin d'être aussi idyllique. En effet, un grand nombre de chefs de service ont déploré le fait que la DGFiP fasse reposer sur eux tout le dispositif de protection et de réouverture des services à l'issue de la période de confinement sécuritaire totalement inédite pour tout le monde et ce sans dispositif de formation ni accompagnement sur la mise en œuvre des gestes barrières et des mesures de prévention au sein des services dont ils ont la responsabilité !

Pour se couvrir, la Direction Générale a donc livré, quelques jours avant le 11 mai, une foison d'informations et notamment un guide à destination des chefs de service contenant :
- une feuille de route synthétisant les actions à entreprendre entre le 4 et le 8 mai, puis à partir du 11 mai,
- un guide détaillé des actions, modalités de mise en œuvre,
- une annexe d'accompagnement managérial,
- une annexe listant les situations et cas particuliers pouvant se présenter lors de la reprise d'activité et des éléments de réponse pouvant être apportés,
- un vade-mecum portant sur l'organisation spatiale des postes de travail, le nettoyage des locaux, les mesures de prévention dans le cadre du déconfinement.

Ainsi, c'est une manne d'informations qui, si elle était reliée de cuir, serait digne de La Pléiade, que les chefs de service ont dû ingurgiter, analyser, appréhender, conceptualiser en un temps record, engager, superviser, contrôler. Dotés de cet arsenal de consignes, ils ont été labellisés comme des professionnels aguerris en matière de santé au travail, de sécurité professionnelle, d'accompagnement psychologique de leurs agentes et agents,…

Bien entendu, au final, le résultat est chaotique, insatisfaisant, parfois douloureux pour un grand nombre de chefs de service mais également pour l'immense majorité des agentes et agents. Entre la contrainte des gestes barrières, des mesures de distanciation physique, du suivi du nettoyage, de l’aération des locaux, assurer la reprise de l’activité avec le suivi des plannings des agents pour savoir qui est en ASA, qui est en télétravail, qui est en présentiel, l'évidence aurait dû conduire à percevoir, dès le départ, la fragilité d'un dispositif reposant essentiellement sur les épaules de chef•fes de service laissé•es seul•es à leur sort. Pour Solidaires Finances Publiques, une déconcentration aussi importante de responsabilité sanitaire ne pouvait être engagée sans l'élaboration d'un plan d'urgence de formation et de soutien aux chefs de service. A minima, il aurait été de bon aloi et sage d'organiser une réunion collective au sein de chaque département avec d'une part la présentation par un acteur de la prévention des mesures à mettre en œuvre et d'autre part la mise en place d'un accompagnement local sur une ou deux journées pour discuter avec chaque service sur comment mettre en œuvre concrètement les mesures au sein de chaque unité de travail. Mais tel n'a pas été le cas !

Par la mise à disposition de son arsenal d'information, la DG entend faire croire aux personnels et aux autorités publiques qu'elle a été exemplaire sur les mesures à engager lors du déconfinement. Mais ce n'est pas le cas. En effet, en faisant reposer sur les chef•fes de service tout le dispositif sanitaire lié au PRA (plan de reprise d’activité), sans leur donner les savoir-faire et les savoir-être nécessaires et sans qu'ils ne soient épaulés par des experts aguerris à ce type de mesures, cela relève tout simplement de l'inconscience et de l'utopie vis-à-vis de tous les personnels, cadres compris. Ces derniers pouvant légitimement se poser la question de leur responsabilité en cas d'incident, de contamination…

Pour Solidaires Finances Publiques, l'absence de mise en place d'un dispositif d'urgence en matière de formation spécifique des chefs de service dans le cadre du PRA, la pauvreté des soutiens apportés par les directions, le non recours sur le terrain à des professionnels de la prévention des risques professionnels, constituent des manquements qui relèvent de la responsabilité de la DG. Responsabilité qui vise notamment ses obligations de garantir la sécurité et la santé des personnels. Pour nous, l'administration porte la responsabilité pleine et entière de tout ce qui pourrait surgir dans un avenir plus ou moins proche, notamment sur les questions de santé au travail.

Ce délestage sur les chefs de service des mesures barrières et autres met également en relief l'étendue des charges et problématiques qui reposent désormais sur les épaules de l'encadrement de proximité qui, bien que soutenu moralement par sa hiérarchie, est désormais considéré comme un « petit caporal », devant monter au front pour défendre l'ensemble des réformes, les fusions, la déconstruction des règles de gestion des personnels, les suppressions de postes, le manque de moyens, la course sans fin aux objectifs…

Largement recrutés sur le prisme dépassé de l'inné, de la posture à pouvoir être, l'administration a oublié que si certaines et certains ont parfois une appétence naturelle à animer une équipe, il s'agit en réalité d'une mission à part entière et l'inné ne suffit pas si derrière il n'y a pas de la formation et du véritable soutien.

La crise actuelle démontre que la meilleure des pléiades informatives ne sert à rien si l'accompagnement et la formation ne sont pas au rendez-vous. Il en est ainsi des gestes barrières, comme de la compétence fonctionnelle en matière de comptabilité publique, de fiscalité, d'animation d'une équipe, de soutien aux personnes fragiles,…

Cela démontre également que les obligations de sécurité, d'évaluation des risques vont bien au-delà des règles sanitaires édictées par les pouvoirs publics en cette période de pandémie. Pour Solidaires Finances Publiques, les obligations de l’État employeur ne s'arrêtent pas à la seule sécurisation sanitaire d'un hôtel des finances publiques. La démarche doit être plus globale, telle que prévue par les textes en la matière. Il s’agit tout aussi bien de l’évaluation des risques avec les dispositifs visant à éviter, ou pour le moins à limiter, l’exposition des personnels. Tous ces moyens à mettre en œuvre se doivent d’être adaptés aux réalités du terrain. Il ne peut s’agir de grandes règles établies de loin comme si le réel pouvait être contrôlé. Pour être efficaces, les dispositifs de prévention et de protection doivent être adaptés à chaque unité de travail. Par exemple, les personnels ont été mis en télétravail sans suivi, sans matériels adéquats et sans dispositif prévu (visio ou audio) pour garantir le lien entre les membres du service ni avec le chef de service. Il en est de même pour tout ce qui relève des risques organisationnels, de tous les risques inhérents à des situations génératrices de stress,… qui sont largement absents des priorisations données au réseau, ainsi que des sensibilisations dispensées lors des promotions ou des changements de poste des chefs de service.

Plus globalement, le contexte actuel le démontre, sans formation, sans qu'ils disposent des moyens adaptés et des marges de manœuvre indispensables pour agir et travailler dans de bonnes conditions, les personnels, cadres compris, sont alors démunis et exposés à de la souffrance au travail, à la dégradation de leur santé physique et mentale.

Pour Solidaires Finances Publiques, il est donc nécessaire de repenser la fonction de chef de service, de remettre le collectif de travail au 1er plan avec plus de confiance, plus de solidarité, plus de synergies partagées, d'apporter toutes les formations nécessaires, de cesser les logiques de fracturations entre collègues et notamment la course au mérite individuel. Il est également nécessaire d'avoir recours, sur des aspects sensibles, comme la santé au travail, à des professionnels de proximité, formés et sensibilisés à cela. Et puis, car tout ceci ne peut se faire sans dialogue et sans contrôle de la part des représentants du personnel, il est nécessaire de renforcer le rôle des instances paritaires. La loi de transformation de la fonction publique porte en germe l'amoindrissement du rôle de celles-ci et notamment la fin des CHSCT dans le format actuel. La période que nous traversons démontre que les CHSCT ont été un levier essentiel pour la protection des personnels. C'est pourquoi, Solidaires Finances Publiques réaffirme que cette loi doit être abrogée et qu'il est indispensable, en matière de santé au travail :
- d'avoir une approche et des leviers d'actions qui prennent en compte les risques de toute nature,
- de disposer d'outils, comme les CHSCT, qui permettent de contrôler, en toute indépendance, les mesures de protection mise en place,
- de fournir, à celles et ceux qui ont la responsabilité d'une équipe et de l'organisation du travail, toutes les formations, tous les soutiens et moyens nécessaires pour qu'ils puissent œuvrer pleinement pour le bien collectif.

 

Ensemble, restons solidaires et attentifs aux autres !