Le 6 Avril 2017, la Direction générale nous a convié à un groupe de travail relatil au " Bilan expérimentation des caisses sans numéraire-expérimentation du regroupement des dépôts d'espèces des clients CDC "

 

liminaire

 

Vous nous réunissez ce jeudi 6 avril 2017 sur le bilan de l’expérimentation des caisses sans numéraire et l’expérimentation du regroupement des dépôts d’espèces des clients CDC. Nous nous interrogeons sur le statut de cette réunion dans la mesure où aucun groupe de travail n’a été préalablement réuni à la mise en œuvre de ces expérimentations. Ce groupe de travail n’est-il convoqué que pour maintenir les apparences du    « dialogue social », le quantifier ?

La circulaire n° 2015/02/1174 relative au plan d’actions visant à réduire l’utilisation des espèces a acté l’expérimentation des Centres des Finances Publiques avec « caisse sans numéraire ». Nous nous sommes déjà exprimés dans notre presse syndicale. La généralisation de l’organisation avec « caisse sans numéraire » est déjà annoncée dans certain CTL de département qui n’ont pas même de telle caisse.

Pour Solidaires Finances Publiques, votre décision va à l’encontre de l’intérêt des usagers les plus fragilisés, à l’encontre du service public.

De son côté, la fiche, que vous nous avez adressée sur l’expérimentation de l’activité de caisse CDC sur quelques sites, confirme que celle-ci est déjà décidée. De votre point de vue, la généralisation ne serait-elle plus qu’une simple formalité ?

Commençons par évoquer celle-ci car elle n’a de sens que parce qu’elle s’articule avec le plan de réduction des espèces aux guichets du réseau de la DGFiP. Nous notons que, selon vous, l’expérimentation permettra de « valider le dispositif de concertation et de communication avec les instances professionnelles et les clients CDC concernés par un changement de caisse ». Quant aux organisations syndicales représentatives du personnel, elles sont placées devant le fait accompli.

L’expérimentation s’inscrit dans le cadre défini par la convention de partenariat 2016-2021.

Cette convention, signée par la DGFiP et la CDC, n’autorise aucune réelle marge de manœuvre. Le confirmez-vous ?

Pour nous, cette convention n’est ni plus ni moins qu’une nouvelle concentration de l’activité qui ne répond qu’à des impératifs budgétaires de réduction des coûts et effectifs.

La fiche que vous consacrez au bilan de l’expérimentation des CDFiP avec « caisse sans numéraire » pratique l’euphémisme. C’est-à-dire « l’atténuation dans l’expression de certaines idées ou de certains faits dont la crudité aurait quelque chose de brutal ou de déplaisant » pour citer le Larousse.

En effet, aucune donnée chiffrée ou quasiment aucune n’illustre votre propos, que ce soit dans votre fiche ou son annexe un peu plus prolixe. L’absence de curseur vous permet d’en tirer les conclusions que vous souhaitez tout en relatant des difficultés bien réelles en particulier dans l’annexe, réalités que vous pouvez toujours pondérer à défaut de nous avoir fourni des chiffres.

En résumé, votre mot d’ordre est : « on continue ! On passe en force ! » Et, dans cette optique, vous ne faites aucune place pour un véritable échange avec les représentants du personnel, des personnels concernés. Le seul « espace » que vous nous concédez ne serait-il que celui de vous rappeler face à un enjeu essentiel de service public notre écœurement et notre indignation face à son abandon dont vous êtes responsables ?

Pourtant qui dit ce qui suit ?  Votre annexe qui se veut de votre part un bilan établi au moyen des retours d’expérience des directions régionales et départementales des finances publiques.

« Les cas de mécontentement ou d’incompréhension concernent :

  • · les usagers attachés et habitués au paiement en espèces, notamment en milieu rural et auprès de la population la plus âgée ;
  • · les usagers en situation d’interdit bancaire ou d’exclusion bancaire, ne disposant pas d’autres moyens de paiement ;
  • · les usagers bénéficiaires d’aides attribuées notamment par les Conseils départementaux qui peuvent percevoir leurs aides en espèces jusqu’à 750 €, par exception au seuil de 300 € applicable également en dépenses. »

C’est exactement le principal et fondamental reproche que nous effectuons à cette transformation de l’activité de caisse dans nos services. Pour Solidaires Finances Publiques, c’est également cette réalité que se refuse à prendre en compte la note de service du 13 janvier 2017 à destination de l’ensemble de ses postes comptables (trésoreries en charge du secteur public local, de l’impôt, des amendes, services des impôts des particuliers, services des impôts des entreprises, services de publicité foncière). Cette note, que vous ne mentionnez pas ici – est-ce un oubli délibéré ? -, prévoit en effet que « les paiements auprès d’un autre comptable que le comptable assignataire de la recette doivent être limités dans la mesure du possible à des encaissements par carte bancaire au guichet ».

Là également vous pratiquez un euphémisme qui ne peut atténuer que votre présentation, pas la réalité du service public sur le terrain. La DGFiP se dissimule derrière deux arguments pour justifier cette limitation des moyens de paiement pour le contribuable ou le redevable : d’une part, des solutions alternatives de paiement sont offertes aux usagers (carte bancaire, prélèvement, paiement en ligne...) et, d’autre part, les usagers maintenant leur souhait de régler par numéraire, ont la faculté de continuer à utiliser ce moyen de paiement en se rendant auprès du comptable chargé du recouvrement. À condition que ce comptable ne dispose pas d’une « caisse sans numéraire » ou qu'il soit encore en place et que son poste existe encore... !!!

Ces solutions prises avec l’objectif de réduire les coûts pour l’administration risquent de générer des coûts supplémentaires pour des personnes déjà sans moyens. Vous oubliez bien vite toute une partie de la population, sous-estimée, qui est précarisée ou/et fragilisée et cumule parfois isolement social, géographique et numérique sans moyen de défense face à des intermédiaires qui pourraient produire un coût supplémentaire et qui pourraient se révéler des escrocs.

 C’est une vision bien élitiste et non inclusive de notre société excluant une partie de la population. Celle-ci est également manifestement sous-estimée au regard de votre conclusion du bilan de l’expérimentation de la « caisse sans numéraire » qui prévoit son extension et ignore délibérément les difficultés de ces populations, quantité négligeable pour la DGFiP.

Pour Solidaires Finances Publiques, toutes ces mesures se combinent et privent les redevables et contribuables en difficulté, les « exclus bancaires » et les agents d’une solution évitant l’aggravation de la situation financière et fiscale des personnes concernées et contribuent à discréditer le service public et à détériorer les relations entre administration et usagers. D'ailleurs, sommes-nous encore dans ce cadre précis un service public ?

Comme nous l’écrivions encore récemment, « payer en espèces auprès des guichets de la DGFiP est de plus en plus impossible ! »

À quoi sert en conséquence de prétendre pour la DGFiP « mieux connaître le comportement des usagers vis-à-vis du numéraire lorsque la facilité de son utilisation est réduite (report sur d’autres sites, adhésion à des moyens de paiement dématérialisés) » ? Pour Solidaires Finances Publiques, le service public a vocation dans son domaine à répondre à l’ensemble des besoins des administrés et citoyens. Il s’agit de considérer des personnes âgées rassurées par le paiement en espèces ou des personnes en situation d’interdit bancaire ou d’exclusion bancaire qui ne sont pas forcément des fraudeurs. A Bercy, nous savons que les fraudeurs, les vrais, les gros, ceux qui fraudent le fisc, maîtrisent parfaitement l’outil informatique et le numérique, eux !

Dès lors que ce n’est plus le cas, il y a rupture de l’égalité de traitement dont le service public est le garant. Et cette garantie n’est pas qu’un principe virtuel. Elle est l’un des fondements même du service public. Il n’est pas même possible de parler de service universel au sens de l’Union européenne puisque le paiement en espèces pour un administré devient de fait impossible avec la caisse sans numéraire et la limitation du déport de la possibilité de paiement auprès d’un autre poste comptable. N’y a-t-il pas de contraintes légales pour la DGFiP ? Ou les administrés concernés sont-ils condamnés dans un absurde kafkaïen à l'ATD ou l'OTD dans le cadre d’une chaîne de plus en plus automatisée du recouvrement ?

Autre population un peu vite oubliée : les hébergés. La caisse sans numéraire a pour effet, pour des personnes sous-tutelle et dépendantes, de déplacer la gestion de leur         « argent de poche » vers le poste « de déport » ou une gestion directe au sein de l’EHPAD. Ce qui n’est pas sans difficultés supplémentaires pour les hébergés eux-mêmes comme pour les personnels qui les accompagnent.

Les difficultés s’accroissent plus le champ géographique de compétences du poste comptable sans numéraire est élevé. Il en va ainsi de postes spécialisés comme la paierie départementale. À cet échelon plus ou moins étendu, se gèrent notamment les indus de RSA ou prestations sociales pour des personnes qui n’en bénéficient plus.

Avec la caisse sans numéraire, sans aucun report possible sur un autre poste comptable depuis la note de service du 13 janvier 2017, ces redevables, n’étant pas forcément soudainement devenus riches, ne peuvent plus payer du tout en espèces, y compris dans le cas d’une gestion de délais de paiement.

Comme beaucoup d’autres contribuables, pour marquer leur bonne foi, certains d’entre eux versaient un acompte en numéraire selon leurs possibilités, ce qui ne leur est désormais plus permis. Ceci peut entraîner pour le comptable une difficulté de recouvrement.

Pour la DGFiP, nous avons bien compris qu’il s’agit « d’adapter en cohérence les missions et les moyens » comme l’a déclaré Michel Sapin.

Comment ne pas comprendre que, comme vous-même le soulignez dans votre bilan, « quelques structures rurales ont pu également relayer l’expression d’un sentiment d’abandon du service public et de craintes entourant la pérennité des sites. Bien que la pérennité du poste soit une condition essentielle de participation à l’expérimentation, celle-ci est parfois vécue comme une étape préalable à la fermeture du poste ». D’autant que le poste sans numéraire est parfois, de façon simultanée, déclassé.

Comme nous le savons, comme vous le savez, il n’est pas rare de voir des élus locaux se mobiliser pour le maintien physique d’une caisse. Dans un département rural où est expérimenté une caisse sans numéraire, des élus ont même obtenu, pour une trésorerie supprimée au 1er janvier 2017, la mise en place d’une permanence et le rétablissement d’une caisse avec possibilité de numéraire.

Les élus locaux, les administrés, les agents ont bien compris qu’ils ne pouvaient pas faire confiance à votre discours. Comme l’article 40 de la loi du 20 décembre 2014, comme les « services d’assistance au réseau », la « caisse sans numéraire » accompagne la concentration du réseau de la DGFiP.

Vous indiquez vous-même que « le dispositif « caisse sans numéraire » constitue une nouvelle modalité de gestion des caisses qui offre aux directions locales un outil supplémentaire à l’appui de la ré-ingénierie de leurs circuits d’espèces ». Autant dire de gestion des implantations de postes comptables.

Il en va ainsi de la « désintoxication » du guichet voulue par la DGFiP. L’usager est contraint de s’adapter par la force à une réalité que lui impose la DGFiP. L’agent, comme le comptable du poste, est contraint par les suppressions d’emplois qui ne lui permettent plus de répondre à l’ensemble des missions de service public.

Faute de moyens, l’administration leur propose de fait des solutions qui les déchargent provisoirement en attendant une concentration d’activité qui ne manquera pas quand la même administration considérera que le poste comptable n’est plus viable.

Le transfert de charges vers un poste « de déport » et la concentration inhérente de l’activité peut entraîner un seuil d’encaisse dépassé pour ce poste notamment du fait des régies et de leurs versements qui peuvent être importants. Quid de la responsabilité du poste comptable ?

Encore une fois, vous l’indiquez vous-mêmes, « le ressenti peut être plus nuancé pour les agents des sites de déport, et dépend du volume de reports d’opérations de caisse des partenaires institutionnels ». Encore une fois, vous ne semblez pas vouloir évaluer réellement cette difficulté.

Vous avez ainsi volontairement choisi par commencer d’expérimenter le déport entre des postes où le nombre et le montant des paiements moyens en espèces est réduit, avec parfois une distance de seulement 200 mètres entre les deux postes, par exemple d’un SIE-SIP vers une trésorerie municipale avec le risque d’entretenir la confusion des usagers sur le rôle de chacun des deux sites. C’est donc une expérimentation au champ réduit puisqu’elle ne comprend ni régies ni partenaires CDC... Façon pour vous de vous garantir a priori le succès de l’expérimentation ?

Dans le poste de déport, le renfort en emploi n'est pas au rendez-vous quand le poste n’était pas déjà obligé de fermer un jour par semaine au public. Au cas de figure, l’expérimentation mobilise le caissier de la trésorerie qui auparavant avait la possibilité de dégager du temps pour le recouvrement. Les nouvelles opérations expérimentales nécessitent pour le caissier six manipulations par encaissement, doublant les opérations de même type hors expérimentation. Elles rendent les opérations de dégagement plus fréquentes. La trésorerie municipale et son caissier voient également les appels pour les impôts croître (jusqu’à 9 sur 10 des appels reçus) quand seul le numéro de la trésorerie apparaît sur Google.

En ce qui concerne les partenaires institutionnels, si vous ne niez pas les « contraintes matérielles [...] telle que l’allongement des distances pour procéder aux dégagements ou approvisionnements », votre objectif est et demeure avec la « caisse sans numéraire » de « les inciter à réfléchir encore davantage à l'organisation de leurs circuits d’espèces » et à la « diversification des moyens de paiement alternatifs au numéraire ». Une incitation qui est donc une contrainte ! Cette expérimentation pose d’autres questions : quel contrôle des régies ? Quelle responsabilité comptable ? Encore un nouveau désengagement de la DGFiP : dans un contexte de resserrement du réseau de la Banque Postale, des régisseurs font maintenant leurs propres dégagements. C’est donc un transfert de charges supplémentaires qu’ils subissent. À quel coût ?

Alors que vous admettez tant de limites au dispositif de la « caisse sans numéraire », pourquoi donc vouloir étendre encore l’expérimentation ?

Sous prétexte de « cultiver » une « variété » de postes dans le réseau ? Avec des postes en zone urbaine au volume plus conséquent de numéraire ? Pour « valider le caractère efficace du dispositif » ? Pourtant tel ne semble pas déjà être le cas avec des postes au moindre maniement de numéraire... Vous êtes vous interrogés sur les conséquences de vos décisions sur le consentement à l'impôt avec toujours moins de service public ?

Pour Solidaires Finances Publiques, la solution n’est surtout pas dans toujours plus de désengagement de l’État. Elle n'est pas dans la « caisse sans numéraire ». Elle n'est pas dans la limitation du paiement en espèces. Elle n’est pas dans le recours à des organismes privés pour l’encaissement de créances publiques, comme l’autorise désormais pour les produits locaux (redevances attachées au service public de l’eau, au service public de l’assainissement, produits domaniaux...) l’article 40 de la loi du 20 décembre 2014. Vos solutions ne seront pas sans frais pour les contribuables, les redevables, les administrés.

Pour Solidaires Finances Publiques, la solution est dans le maintien et le développement d’un maillage dense de postes comptables garantissant à tout contribuable et à tout redevable un interlocuteur humain et une porte d’entrée sur la diversité des services de la DGFiP dans des structures de proximité physique, avec des agents de la DGFiP conscients de leur rôle de service public et qui connaissent leurs missions.

Solidaires Finances Publiques revendique la constitution d’un pôle bancaire public, avec un droit au compte pour tous, sans frais bancaires, qui pourra être ouvert à proximité dans le réseau des postes comptables de la DGFiP.