L'intersyndicale DGFiP, Solidaires Finances Publiques, CGT Finances Publiques, FO-DGFiP et l'alliance CFDT/CFTC Finances Publiques réagit aux propos du Ministre G. Attal lors de la conférence de presse du 13 avril 2023.

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Lancement de la campagne de l’impôt sur les revenus 2022

CONFERENCE DE PRESQUE

Vendredi 14 avril Gabriel ATTAL, ministre délégué chargé des Comptes publics, et Jérôme FOURNEL, Directeur général des Finances publiques ont lancé par la traditionnelle conférence de presse la campagne de déclaration de l’impôt sur le revenu 2022. Et pour le coup c’est nous qui n’en sommes pas revenus !

Passons sur l’hagiographie sans surprise des allègements d’impôts déguisés en gains de pouvoir d’achat dans le contexte économique que l’on connaît et le cortège d’interrogations qui les accompagne. Le gouverneur de la Banque de France, peu suspect de sympathie révolutionnaire rappelait pourtant récemment : « Arrêtons la course à la baisse d'impôts dans ce pays, surtout avec les déficits que nous avons ». Ou encore « Je fais pas du tout partie de ceux qui disent un bon impôt est un impôt supprimé. L'impôt, ça fait partie du financement des services publics et de la solidarité ».

Passons aussi sur l’expression d’une fierté bienvenue mais inaboutie : « Je veux donc dire d’emblée aux agents de la Direction générale des finances publiques à quel point je suis fier d’eux, du travail qu’ils réalisent, des transformations qu’ils ont sues apporter à ce service public vital qu’est celui des impôts. Sans eux, aucun autre service public n’est possible : c’est cela, le sens profond de leur mission ». Hélas cette reconnaissance ne va pas jusqu’à abonder les promotions, revaloriser les rémunérations, cesser de sacrifier les missions sur l’autel d’une intelligence artificielle aux bénéfices discutables ou éviter les suppressions sans fin d’emplois pourtant devenus depuis longtemps insuffisants. Il est vrai que les mots, eux, ne coûtent rien.

Passons encore sur GMBI, avancée considérable qui aurait mis « les larmes aux yeux » et « des trémolos dans la voix » des Américains. Cette révolution réussissant l’exploit de faire effectuer le travail par des usagers déboussolés tout en surchargeant les agents de la DGFiP, vaudrait au Directeur général, pourtant bien maladroit dans sa défense, une aura internationale propre à apaiser le conflit ukrainien ou à se voir attribuer le prix Nobel de la Paix.

Le ministre délégué a placé la campagne sous le double signe de la proximité et de la transparence.

Après avoir classiquement égrené le calendrier des dates limites de déclaration, il s’est ainsi livré à un vibrant plaidoyer sur le réarmement des services publics et la capacité de la DGFiP à répondre à la satisfaction des besoins des usagers. Presque lyrique, il a même invité, dans une audacieuse envolée, les Français à pousser « la porte de vos centres des impôts, décrochez votre téléphone, faites vivre ce service public ».

Alors même que la politique conduite ces dernières années a supprimé la moitié des implantations, ramenant le nombre de communes disposant d’un service de la DGFiP de 1 702 en 2019 à 1 060 en 2022 ce qui nous place assez loin des 50 % d’augmentation vantés par le ministre délégué. On est loin du « maillage territorial extraordinaire » prétendu par la direction générale sans grande considération pour la réalité des faits.

20 000 emplois y ont par ailleurs été supprimés depuis 10 ans et près de 3 000 disparaitront encore d’ici la fin du quinquennat.

Côté proximité on y était presque… vu de loin, à grosses mailles, en tout cas.

Côté transparence, il s’est ensuite livré à un invraisemblable numéro d’équilibriste sur le rôle, et la place de l’impôt et du consentement à s’y soumettre, auquel nous pourrions partiellement souscrire notamment s’il s’agit de disposer d’éléments précis et concrets sur l’utilisation des fonds publics. Mais arguant d’un « questionnement profond, un doute, des Français et notamment ceux de la classe moyenne sur l’utilisation qui est faite de leurs impôts » le ministre délégué entend lancer une grande consultation au nom choisi, pas populiste pour un sou : « en avoir pour mes impôts » et « pour que chaque Français puisse dire directement comment ils pensent que leurs impôts doivent être dépensés, sur quelles priorités, pour quel service public ».

Si l’impôt est un indispensable vecteur de citoyenneté qu’il est urgent de réhabiliter et de replacer au cœur du débat public, choisir ce point de vue en effet inédit ouvre la voie à tous les excès. D’autant que ce surprenant recours à une pseudo démocratie participative ne pousse pas la pédagogie jusqu’à une réforme fiscale réhabilitant la progressivité de l’impôt au service de la justice fiscale.

Les contribuables, dont certains ont déjà le sentiment « d’acheter » le personnel parce qu’ils s’acquittent à contre cœur de leurs obligations fiscales, s’autorisant même des violences verbales et quelquefois physiques sinon dramatiques, brûleraient donc de venir débattre dans leur centre des Finances publiques pour en avoir pour leurs impôts ! Et nous qui nous demandions pourquoi ils étaient encore si nombreux à faire la queue !

Le tout dans un pays où l’optimisation fiscale est un signe extérieur d’habileté que l’on peut se contenter de dénoncer chez les autres tout en le pratiquant soi-même.

Alors quoi ? Chaque contribuable pourrait choisir de financer tel ou tel axe de politique publique ? Sans enfant, il pourrait choisir de ne plus financer l’école ; sans voiture, renoncer à l’entretien des routes ; automobiliste, considérer que les transports publics coûtent trop cher ; jamais malade, il pourrait priver l’hôpital de ressources qui lui font tant défaut ; retraité, il pourrait exiger qu’on réforme les retraites ; urbain, oublier l’indispensable aménagement du territoire ; propriétaire, se désintéresser du logement social ; homme, tolérer la persistance d’inégalités salariales… et chacun de perpétuer ainsi les inégalités qui sapent la cohésion sociale depuis tant d’années.

Quelle étrange conception d’en avoir pour ses impôts : plus de citoyens, rien que des consommateurs !

C’est souvent le problème avec la transparence : on finit par voir au travers. Et à vouloir être habile, en choisissant à l’envi les contributions qui conviennent à illustrer son génie éclairé, on finit par déchaîner ceux qu’on voulait manipuler.

Alors un grand débat public sur l’impôt, la citoyenneté et le service public, l’État et l’avenir de la DGFiP, les organisations syndicales représentatives de la DGFiP, Solidaires Finances Publiques, CGT Finances Publiques, F.O.-DGFiP et l’alliance CFDT-CFTC Finances Publiques vous disent chiche !

Nous y sommes prêts et le réclamons depuis bien longtemps.

Monsieur le Ministre délégué, encore un effort, on y était presque ! Faites, vous aussi, vivre ce service public !

Paris le 21 avril 2023

Réaction intersyndicale à la conférence de presse de G. Attal