Le Ministre de l’action et des comptes publics a déclaré le lundi 17 septembre à l’Assemblée nationale vouloir « travailler sur l’objectivation du montant de la fraude fiscale et sociale». Notre organisation s’est exprimée sur cette proposition dans son communiqué du vendredi 14 septembre dernier.

Il a également fait allusion à l’estimation de la fraude fiscale de notre organisation en déclarant « Même si les estimations varient beaucoup, nous savons que ce montant est considérable : il serait compris entre 40 et 100 milliards. En 2017, un syndicat évoquait le chiffre de 80 milliards. Cela tombait bien, c’était le montant du déficit public. Et cette année, alors que la presse évoquait un déficit de 100 milliards, le même syndicat portait son estimation au même montant... »

M. notre Ministre se trompe malheureusement d’analyse et de date.

En 2012, notre organisation a mené deux séries de travaux sur d’une part, l’ensemble des données du contrôle fiscal portant sur les années 2010 et 2011 et, d’autre part, des données macro économiques (comptabilité nationale, estimations des avoirs non déclarés à l’étranger, travaux d’économistes sur l’évasion fiscale...) afin de tenter une estimation de la fraude fiscale. En janvier 2013 (en non en 2017 comme le dit le Ministre), notre rapport intitulé « Évasions et fraudes fiscales, contrôle fiscal » publiait les résultats de ces travaux et estimait que l’évitement illégal de l’impôt était compris entre 60 et 80 milliards d’euros. Cette estimation a été très largement reprise et validée, y compris par les pouvoirs publics. Elle n’a à aucun moment été guidée par le montant du déficit public.

En septembre 2018, nous avons publié un rapport sur la baisse de la couverture du tissu fiscal, autrement dit sur la baisse des opérations de contrôle. Nous en tirons logiquement la conclusion que la baisse du nombre de contrôle accroît le manque à gagner découlant de l’évitement illégal de l’impôt. Repartant sur notre estimation de janvier 2013, nous écrivions ceci ;
« Sur la base de notre rapport de 2013, et compte tenu :
1. de l’inflation (le PIB de 2017 est supérieur de 11,28 % à celui de 2011 et de 9,59 % à celui de 2012, les 2 années référence dans l’estimation de la fraude de 2013), qui conduirait à actualiser notre estimation pour la situer désormais entre 66 et 88 milliards d’euros de pertes annuelles,
2. de l’évolution de la fraude fiscale elle-même (internationale, nationale et de proximité),
il est possible d’avancer que l’évitement illégal de l’impôt procédant de la fraude et de l’évasion fiscales est au moins égal à 80 milliards d’euros, voire se situerait entre 80 et 100 milliards d’euros ».

N’en déplaise au Ministre, le montant du déficit n’entre jamais en ligne de compte dans nos travaux sur la fraude fiscale (celui-ci n’est d’ailleurs pas connu à ce jour, le projet de loi de finances devant être présenté le 24 septembre prochain). Il serait en effet ridicule de penser qu’une estimation de la fraude soit guidée par ce déficit.

Le Ministre déclare également que « nous devons tous ensemble mener des politiques publiques pour lutter contre toute forme de fraude, et particulièrement contre les grands fraudeurs ». C’est précisément ce que notre organisation réclame de longue date. Mais ce n’est pas l’annonce des 2130 suppressions d’emplois à la DGFiP pour 2019 (la DGFiP aura ainsi perdu plus de 40 000 emplois depuis 2002, une incohérence au regard de la hausse de la charge des missions) et les destructurations envisagées qui ont de quoi rassurer les agents(e)s des finances publiques et les citoyen(ne)s.