Le Ministre de l’action et des comptes publics a une nouvelle fois vanté les résultats de la lutte contre la fraude fiscale, allant jusqu’à évoquer « une année record » pour l’année 2019.

Près de 11 milliards d’euros ont ainsi été recouvrés, auxquels s’ajoutent 358 millions d’euros provenant du service de traitement des déclarations rectificatives (STDR) et 530 millions d’euros de la convention judiciaire d’intérêt public (CJIP).
Mais comme souvent, entre les déclarations et la réalité, l’écart est important...

Un record difficile à homologuer…

Ces résultats sont à mettre en relation avec ceux des dernières années (en milliards d’euros) :

   2013  2014  2015  2016  2017  2018  2019
 Montants globaux recouvrés  10,1  10,4  12,2  11,1  9,4  8,7  12
 Dont STDR  0,1  1,9  2,7  2,5  1,3  0,9  0,35
 Dont CJIP  /  /  /  /  /  /  0,53*

(Source : Cour des comptes sauf *, déclaration de Gérald Darmanin)

Pour apprécier l’évolution de ces résultats, il faut tenter de les comparer aux années antérieures à périmètre comparable. Avec les évolutions de ces dernières années, l’exercice est plus complexe qu’il n’y paraît.
Le STDR a produit pleinement ses effets surtout entre 2014 et 2017, ses résultats ayant progressivement baissé ensuite du fait de sa fermeture.
La CJIP, que le ministre englobe dans ses résultats, n’a été étendue à la fraude fiscale qu’en octobre 2018.
Il faut ajouter pour 2019 les effets de l’extension à la fraude fiscale de la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité (CRPC) : huit affaires de fraude fiscale seraient ainsi concernées pour plusieurs millions d’euros.

2019 comparable à 2013...

L’année 2019 marque une évolution par rapport aux précédentes. Ses résultats restent légèrement supérieurs mais comparables à 2015, année qui était tirée vers le haut par le STDR, mais surtout à 2013, qui n’en a bénéficié que très marginalement et aucunement de la CJIP et de la CRPC. Et ce, alors que de nombreuses mesures ont été prises entre 2013 et 2019. Il reste donc beaucoup à faire...

Pour avoir une information plus complète et détaillée de l’action de l’État en matière de lutte contre la fraude fiscale, plutôt que des données additionnées les unes aux autres, il serait nécessaire de disposer de l’évolution du nombre total de contrôles fiscaux ainsi que des rappels d’impôts effectués. Rappelons qu’entre 2015 et 2018, ils ont baissé, notamment sous l’impact des suppressions d’emplois (1733 emplois supprimés entre 2012 et 2016, et la tendance s’est poursuivie ensuite).
Le détail des résultats de l’année 2019 étant encore inconnu, nous y reviendrons dès leur publication.
Le développement des procédures de régularisations est à noter, 36000 en 2019 contre 3900 en 2018. Il confirme une tendance qui privilégie un contrôle très ciblé sur un ou des points préalablement identifiés, il acte la correction d’erreurs mais surtout assure un recouvrement rapide. Cette procédure ne peut s’utiliser pour les affaires frauduleuses. L’orientation du contrôle fiscal s’en trouve donc profondément modifiée.

Lutter contre la fraude fiscale, encore et toujours une urgence...

La crise plombe les finances publiques et ne tarit pas la fraude, loin s’en faut. La crise de 2008 a été suivie d’une succession d’affaires qui ont toutes montré que la fraude : s’adapte aux réalités économiques, profite de la concurrence fiscale, s’appuie sur la rapidité et la liberté de circulation des capitaux, exploite les failles plus ou moins volontaires des conventions fiscales bilatérales, utilise l’ensemble des outils pour transférer artificiellement des richesses vers des pays à fiscalité basse, etc.

Si le Ministre de l’action et des comptes publics s’est livré au traditionnel exercice de communication politique tendant à vanter son action, la lutte contre les quelque 80 milliards d’euros de fraude fiscale demeure un enjeu citoyen, budgétaire et économique majeur.