Le ministre des Comptes publics, G. Attal se félicite dans la presse d’un montant record de 14,6 milliards d’euros mis en recouvrement au titre de la fraude fiscale en 2022, dont 9 milliards concerneraient les entreprises, et 2,2 milliards la TVA.
Les chiffres annoncés par le Ministre ne sont pas encore mis à disposition des organisations syndicales, et le rapport d’activité 2022 de l’administration n’est pas encore connu. Mais si une augmentation se confirme, il faudra savoir ce qu’il y a derrière ces données. D’ores et déjà, Solidaires Finances Publiques émet certaines réserves :
- Les chiffres annoncés par le ministre concernent la fraude mise en recouvrement et non les montants encaissés par l’État.
- L’évolution de la lutte contre la fraude fiscale avec la loi Essoc et la loi fraude de 2018 favorisent les règlements transactionnels qui, s’ils permettent de recouvrer certains montants issus de la fraude par des négociations entre le fisc et les entreprises, engendrent des manques à gagner colossaux pour les finances publiques et favorisent l’iniquité fiscale entre les contribuables.
- Le nombre de sociétés imposables à la TVA et le nombre de foyers fiscaux ont beaucoup augmenté ces dernières années (pour les entreprises imposables à la TVA, nous sommes passés de 6 024 249 entreprises en 2018 à 7 558 782 entreprises en 2021), il est donc mécaniquement normal d’avoir une hausse des rehaussements sur la fraude à la TVA.
- Par ailleurs, dans son dernier rapport, le conseil des prélèvements obligatoires constate une tendance à la baisse des droits de TVA rappelés lors des contrôles fiscaux, avec un montant encaissé en 2021 de 15 % inférieur à celui de 2018. Là aussi, cela permet de relativiser les comparaisons aux années précédentes.
Concernant la programmation par intelligence artificielle (IA), si le Ministre vante que plus d’un contrôle fiscal sur 2 a été guidé par l’IA, Solidaires Finances Publiques rappelle qu’en 2021, sur 13,4 M d’euros de rehaussements, la data science qui représentait 45 % des contrôles a permis de réaliser à peine 9 % des rehaussements ! Et pour cause, rien ne peut remplacer la technicité et l’expertise des agents et des agentes qui ont la connaissance fine de leur tissu fiscal local.
De même, la facturation électronique ne résoudra pas la fraude à la TVA, loin de là, et soulève déjà un certain nombre de problèmes : des plateformes privées agrémentées de dématérialisation des échanges, sous-effectifs des services dédiés au suivi de sa mise en place, inquiétudes sur l’exercice de la mission de contrôle fiscal.
Enfin, les premières mesures annoncées par le ministre concernent majoritairement la lutte contre les fraudes sociales. Solidaires Finances Publiques alerte sur la nécessité de ne pas se tromper de cible. La fraude sociale relève essentiellement du travail non déclaré, concerne des populations précaires souvent montrées du doigt comme « assistées » par les gouvernements néo-libéraux.
Le rapport de l’Union Solidaires et d’Attac « Fraude fiscale, sociale, aux prestations sociales : ne pas se tromper de cible » démontre que les montants sont bien moins élevés (20 à 25 milliards d’euros) que la fraude et l’évasion fiscales que nous avons chiffrées entre 80 et 100 milliards d’euros par an. Face à ces enjeux, notre organisation syndicale réitère le besoin d’avoir des moyens humains, juridiques, techniques et matériels pour véritablement lutter contre la fraude et l’évasion fiscales.
Monsieur G. Attal présentera un nouveau plan anti-fraude en avril 2023. Solidaires Finances Publiques s’est toujours inscrit dans le débat public sur ce sujet. Avec de nombreuses auditions ces derniers mois : la mission spéciale de l’Assemblé nationale sur la lutte contre la fraude et l’évasion fiscales, la Cour des Comptes. Solidaires Finances Publiques espère bien être entendu par le Ministre.