Solidaires Finances Publiques adresse une lettre ouverte à Bruno Lemaire, Ministre de l’Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique, suite à ses propos sur la fraude sociale.

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Paris, le 20 avril 2023

Lettre ouverte à Bruno Le Maire
Ministre de l’Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique


Monsieur le Ministre,

En tant que Secrétaire générale de Solidaires Finances Publiques, 1ère organisation syndicale à la Direction générale des Finances Publiques, je me permets de vous interpeller en réaction à vos propos tenus le mercredi 19 avril sur une chaîne d’information en continu.
Lors de cette émission, vous avez déclaré : « nos compatriotes en ont ras le bol de la fraude[…] ils n’ont aucune envie de voir que des personnes peuvent bénéficier d’aides, les renvoyer au Maghreb ou ailleurs alors qu’ils n’y ont pas droit. Ce n’est pas fait pour ça le modèle social ».
Par cette phrase vous stigmatisez une partie de la population qui travaille et contribue à l’activité économique de notre pays.
Après la phrase d’un autre homme politique qui déclarait « le ras-le-bol fiscal » des Français, exprimé notamment par les bonnets rouges pour justifier le moins disant fiscal opéré ces dernières années, vous ajoutez le ras-le-bol à la fraude.

En tant qu’organisation syndicale des Finances Publiques qui a estimé la fraude fiscale annuelle entre 80 et 100 milliards d’euros, nous condamnons fermement vos propos qui sont dangereux pour notre démocratie.
Aussi, nous mettons les chiffres en perspective, estimation de la fraude fiscale entre 80 et 100 milliards d’euros par an (tout impôt et taxe confondus), estimation confortée par l’évaluation de la fraude uniquement à la TVA faite par la Cour des comptes en 2019 à 15 milliards d’euros.
Cette même institution dans un rapport de 2014 évaluait la fraude sociale entre 20 et 25 milliards d’euros. La fraude sociale est constituée pour l’essentiel de la fraude aux cotisations sociales, soit l’absence de déclaration ou la sous-évaluation des revenus du travail et le travail non déclaré par les employeurs. Le montant de cette fraude, sous-évaluée, selon le dernier rapport de 2019 de la Cour des comptes sur la fraude aux prélèvements obligatoires, s’élèverait à 8,3 milliards d’euros. Quant à la fraude aux prestations sociales que vous évoquez, la CNAF l’estime à 2,3 milliards d’euros soit 3,2 % des prestations versées (1).

Aussi, Monsieur le Ministre, en tant que représentants des personnels de la DGFiP dont une des missions est de lutter contre la fraude fiscale, nous sommes révoltés par la fraude et l’évasion fiscales dont, sans stigmatiser telle ou telle personne comme vous le faites, les grandes entreprises multinationales en font leur hobby et dont les scandales médiatiques sont toujours aussi nombreux.
Depuis plusieurs années, notre syndicat alerte et revendique des moyens supplémentaires - humains, juridiques, techniques et matériels - pour exercer dans des conditions optimales nos missions dont celle du contrôle fiscal. Il est impératif de redonner au contrôle fiscal, contrepartie du système déclaratif, ses lettres de noblesse. La loi de 2018 dite Essoc opère un changement de philosophie du contrôle en instaurant la relation de confiance et la garantie fiscale et constitue un véritable frein à la mission. Quant à la loi fraude de 2018, elle se révèle bien décevante et en deçà des enjeux. Nos demandes réitérées de bilan de ces dispositifs sont sans cesse rejetées.
Si nous portons une certaine fierté à exercer cette mission d’intérêt général qui contribue à retrouver un peu d’équité dans notre monde de plus en plus inégalitaire, vos propos viennent contrarier cette fierté.

Enfin dans un contexte social tendu, où la colère sociale demeure, la question de la redistribution des richesses pour réduire les inégalités est au cœur du fonctionnement de notre société. Les petites phrases démagogiques telles que les vôtres n’attisent que les braises d’une société fracturée et ne servent que le populisme et l’extrême-droite.

Vous souhaitant bonne réception de ce courrier.

Pour Solidaires Finances Publiques
Anne GUYOT WELKE
Secrétaire générale

1 : Fraude (fiscale, sociale, aux prestations sociales) ne pas se tromper de cible !

Lettre ouverte à Bruno Le Maire Ministre de l’Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique