SOLIDAIRES FINANCES PUBLIQUES

La CAPN de tableaux d'avancement pour l'accès au grade d'ATP2 et ATP1 s'est tenue le 21 octobre 2019 en 2ème convocation.

 

Liminaire

Paris, le 15/10/2019

Monsieur le président,

 

La loi de la gravitation selon Emmanuel Macron ne consiste pas en la recherche d’un point d’équilibre. Elle consiste plutôt en un mouvement permanent, un mouvement pour le mouvement, dont le principe pourrait se résumer à cette formule : « si on s’arrête, on tombe ». En marche, donc, et tant pis si c’est une marche forcée. Tant pis si les réformes se poursuivent et s'accumulent en dépit des déséquilibres et des désapprobations qu’elles suscitent.

Qu’un vaste mouvement populaire dénonce le repli des services publics sur l’ensemble du territoire, et la réponse apportée est d'accentuer ce phénomène. En dépit de l'affichage trompeur des « Maisons France Services » et du mirage du tout numérique, c’est bien à de nouvelles suppressions d’emplois et de services de proximité que nous assistons. Pour ne parler que de la DGFiP, ce sont 4800 destructions de postes qui sont programmées pour les trois prochaines années. La conséquence directe de cette énième réduction massive sera une chute abyssale du nombre de sites, des trésoreries encore une fois, mais aussi des SIP, des SIE, ou des SPF. Pour l’usager, cela se traduira par un accroissement des durées de trajet et d’attente.

Notre ministre Gérald Darmanin a beau « s’auto-féliciter » de la hausse du nombre de points de contacts de la DGFiP, il ne s’agit que d’une façade destinée à masquer une géographie abandonnée. Car ces « points », qui ne compensent même pas les trésoreries déjà fermées, ne seront qu’un ersatz de l’engagement de l’État sur l’ensemble du territoire français. Ils n’offriront aux contribuables ni l’ensemble des missions que les services assurent actuellement, ni même de véritable présence quotidienne pérenne. Ils constituent en outre un transfert déguisé de charges vers les collectivités locales, et ce sans contreparties annoncées. Les élus locaux ne sont plus dupes du fait que le financement de ces accueils de proximité leur incomberait à terme. D’ailleurs, nombre d’entre eux ont fait voter des délibérations « contre » la géographie revisitée dans leurs conseils municipaux. Et nul doute que le prolongement de la durée de concertation sur ce sujet soit une mesure de circonstance à l’approche des élections municipales.

Notre ministre entend justifier les suppressions d’emplois par de prétendues simplifications et allègements de la charge de travail. Or, entre 2008 et 2017, les sollicitations à l’accueil ont augmenté de plus de 39%. Durant la même période:

- le nombre d’avis de taxe foncière a progressé de plus de 11 %,

- le nombre d’entreprises soumises à TVA a progressé de plus de 42 %,

- le nombre d’entreprises soumises à l’impôt sur les sociétés a progressé de plus de 46 %,

- le nombre de comptes de dépôts de fonds a progressé de plus de 47 %,

- le nombre de locaux gérés par les services du cadastre a progressé de plus de 11 % et le nombre de comptes de plus de 5 %,

- le nombre d’opérations en matière de publicité foncière a progressé de plus de 12 %,

- le nombre d’actions de recouvrement a progressé de plus de 64 % pour les particuliers et de 15 % pour les entreprises.

L’évolution des missions de la DGFiP est clairement et objectivement orientée à la hausse. Le nombre de dossiers augmente, le besoin de conseil aux collectivités locales est particulièrement important, et la fraude fiscale demeure élevée.

Quant au prélèvement à la source, il est impossible de prétendre qu’il permet des gains de productivité. Il générera quotidiennement des questions et des demandes, ne serait-ce que pour actualiser le taux de prélèvements des contribuables dont la situation financière et personnelle change.

Les résultats de l’observatoire interne sur les conditions de travail au sein de la DGFiP apportent un démenti cinglant au tableau dépeint par Gérald Darmanin. Ils sont le reflet des réformes successives imposées par la direction générale pour adapter les services locaux aux suppressions de postes, aux regroupements, et aux fermetures de services, qui sont très mal vécus par les personnels. Les agents de la DGFiP sont 69 % à trouver que la DGFiP évolue trop rapidement. Ils sont 76 % à trouver que ces évolutions sont négatives. D’ailleurs 76 % des agents n’ont pas confiance quant à leur avenir au sein de la DGFiP. 61 % des agents trouvent que leur motivation au travail diminue.

Les fusions de services, les restructurations perpétuelles, la perte des 40 000 postes de notre administration sont autant d’éléments qui jouent nécessairement sur la santé des personnels. Les fonctionnaires n’échappent pas à l’insécurité du travail, qui englobe aussi la crainte d’une dégradation des conditions de travail. De même que le chômage est connu comme facteur de risque de l’atteinte de l’intégrité psychique, le premier facteur de risque de stress au travail en Europe est « la réorganisation du travail », devant « la charge de travail », le « harcèlement » ou le « manque de soutien des collègues et des supérieurs ». Et on peut dire qu’avec les restructurations permanentes, les agents de la DGFIP sont une population à risque.

Les Inspecteurs Santé et Sécurité au travail, observent des conditions de travail dégradées, qui, malgré les signalements faits à la direction depuis des années par la hiérarchie et confirmés par les observations des ISST, ne s’améliorent pas. Ils observent également un manque de considération et de reconnaissance pour les efforts accomplis par les agents, qui maintiennent leur service à flot malgré les difficultés. Sur ce point, les propos véhéments tenus récemment par Emmanuel Macron au sujet du « droit à l’erreur », qui ne serait prétendument pas respecté, ne sont pas de nature à améliorer le ressenti des agents. De telles déclarations, qui sont l’expression d’une défiance et d’un discrédit au plus haut sommet de l’État, mettent en difficultés nos collègues dans l’exercice de leurs missions.

La pression et la charge de travail sont pointées comme croissantes en raison des absences et des baisses d’effectifs. Les agents, de leur côté, se résignent au travail en mode dégradé. Peu à peu la démotivation s’installe et des conflits de valeur se développent autour de la qualité du travail. Les ISST relèvent, comme facteurs de contraintes identifiées et sources de risques Psycho-sociaux, l’enchaînement des réformes. En marche forcée, encore et encore.

Dans un contexte extrêmement sensible, l’administration expose les agents à des risques psychosociaux tels qu’ils mettent la vie des agents en péril. Depuis le lancement de la géographie revisitée en juin dernier, nous avons eu connaissance de 7 tentatives de suicide. L’une d’entre elles a malheureusement conduit au décès d’une collègue, qui s’est ôtée la vie sur son lieu de travail, à Yvetot (76), le 24 septembre.

Nous sommes particulièrement inquiets de l’évolution de la situation, et nous exigeons une prise de conscience effective de votre part, ainsi que des moyens conséquents pour mettre un terme sans attendre aux risques majeurs encourus par les agents.

Nous réitérons également notre exigence de vraies négociations sur les conditions d’exercice des missions de la DGFiP. La journée de grève nationale du 16 septembre, particulièrement suivie, montre l'urgence de répondre à un profond mal être.

Dans sa communication externe, la Direction Générale avance un nombre de grévistes de 36 % sur l’ensemble des services et des agents des finances publiques. Pour les départements s’estimant les plus concernés par le projet de réorganisation des services territoriaux, le nombre de grévistes dépasse 70 %. Les élus locaux et la presse ont relayé ces inquiétudes, démontant ainsi les éléments de langage des pouvoirs publics.

Sur tous ces sujets, Solidaires Finances Publiques est plus que jamais déterminé à défendre les revendications et les droits des agents. Nous appelons, au sein de l’intersyndicale, au mouvement de grève du 14 novembre prochain.

S’agissant de cette CAP, nous attendons un examen attentif des situations évoquées. Dans un contexte de réforme des retraites qui entraînera une baisse de la pension pour la plupart des futurs retraités, l’évolution de la carrière et de la rémunération prendra une importance encore plus grande, et nous devrons être d’autant plus vigilants à ce que les évaluations soient justes et impartiales.

Solidaires Finances Publiques n’a eu de cesse de dénoncer l’entretien professionnel instauré par le décret du 28 juillet 2010. Depuis sa mise en place, nous réaffirmons notre opposition cet entretien professionnel individuel qui contribue à la perte de repères des agents, ainsi qu’à une remise en cause de leurs compétences et de leur savoir faire. C’est aussi une mise en concurrence pernicieuse entre agents.

L’entretien est un dialogue tronqué dès lors que ni l’évaluateur ni l’évalué ne disposent d’une quelconque autonomie sur les charges et les moyens. Les appréciations subjectives exacerbent les questions comportementales, le profil croix devient l’arme absolue de la pression managériale, et plus que jamais l’arbitraire trouve sa place dans l’évaluation individuelle.

Solidaires Finances Publiques refuse toute forme de contractualisation des fonctions et exige :

– un véritable dialogue professionnel axé sur le rythme des missions dans le cadre des collectifs de travail,

– des éléments de repère fournis aux agents, au regard de leurs acquis professionnels, et ce durant toute leur carrière,

– une linéarité de carrière sans obstacles.

Cela nous conduit à évoquer le tableau synoptique et les appréciations en lien avec les acquis de l’expérience professionnelle. Pour Solidaires Finances Publiques, le tableau synoptique doit permettre aux agents d’avoir tout au long de leur carrière une vision synthétique, objective et précise de leur valeur professionnelle.

Les élus de Solidaires Finances Publiques attendent de la transparence et réaffirment que tous les agents, quels que soient leurs services d’affectation, soient traités à l’identique, et puissent former un recours de manière simple, accessible et compréhensible. En effet, nombre de nos collègues n’engagent pas de procédure ou l'interrompent en raison de sa complexité.

Sur le cœur proprement dit de cette CAP, on remarque le doublement des recours « autorité hiérarchique » (AH) par rapport à 2018, qui était la 1ère année sans réduction/majoration d'ancienneté. Sans pour autant atteindre un nombre global très conséquent, l’effet de la disparition des R1 et R2 ayant conduit l’an dernier à une chute du nombre de recours, est grandement atténué en 2019.

Malgré tout, moins de 2 % des agents techniques seulement ont fait un recours cette année, or l’évaluation va prendre de plus en plus d’importance à l’avenir dans un monde DGFIP où tous les actes de gestion pourraient y être liés.

C’est déjà le cas des tableaux d’avancement desquels un agent peut être écarté en raison d’une croix classée insuffisante dans le tableau synoptique. La liste d’aptitude s’appuie sur les 5 dernières années d’évaluation. La rémunération au mérite, qui un jour ou l’autre, sous forme de RIFSEEP ou pas, s’appliquera à la DGFIP s’appuiera sur l’évaluation. Enfin, la mise en place généralisée de la départementalisation en matière de mobilité, et des nouvelles règles de mutation associées pourra, par ricoché, s’appuyer sur l’évaluation : En effet, il est prévu qu’un directeur puisse déroger aux règles dans l’intérêt du service. Dans ce cas, c’est le parcours de l’agent, voire son profil et son évaluation, plus ou moins positive qui empêchera l’un de muter, parce que très expérimenté sur son poste actuel, ou au contraire c’est un autre qui sera choisi au détriment d’un plus ancien pour son excellente évaluation dans un domaine précis dans sa direction d’origine. Bref, l’agent, s’il ne prend pas soin de surveiller son évaluation et ses évolutions, sera de fait pénalisé dans sa carrière et son parcours professionnel.

Solidaires Finances Publiques réitère son opposition à toute évaluation individuelle des agents, conduisant à les mettre en concurrence les uns avec les autres.

Et ce n’est pas la réduction drastique des champs de compétence des CAP qui facilitera la vie des agents. La loi de transformation de la fonction publique et les projets de décrets d’application qui se présentent prévoient déjà, dès 2020, la suppression des CAP de mutation, tant au plan local que national. En 2021, ce sera le tour des CAP de TA et listes d’aptitude. Puis ce seront les fusions des CHSCT et des CT, etc. Et le dialogue social dans tout ça, que deviendra-t-il ? Et la défense individuelle des agents ? Comment allez-vous faire ? Devrons-nous systématiquement vous envoyer les agents en colère ?

Vous le savez, au cours de ces instances paritaires des situations particulièrement graves et difficiles ont pu être réglées. Souvent, les mouvements de mutation ont pu être poussés plus loin. C’est le cas pour tous les corps, et particulièrement les ATFIP. Des recours d’évaluation ont conduit à ce que les agents puissent améliorer leur dossier en vue d’une promotion future, et concernant les agents techniques, des situations de conflit graves ont pu être dépaysées et exposées calmement en CAPN.

C’est aussi pour nous la seule occasion de vous faire remonter des problématiques locales (fluides, recrutement formation des PACTE, etc).