Le verdict du procès France Télécom/Orange vient de tomber. France Télécom et ses anciens dirigeants sont condamnés pour harcèlement organisationnel. Après plus de 10 années de procédures, le tribunal correctionnel de Paris vient donc de condamner l’entreprise et ses principaux dirigeants à des peines d’amende et de prison : Didier Lombard, Louis Pierre Wenes et Didier Barberot à 1 année de prison, dont 8 mois avec sursis et 15 000 € d’amendes, Nathalie Boulanger, Guy Patrick Cherouvrie, Brigitte Dumont et Jacques Moulin comme complices à 4 mois de prison avec sursis et 5 000 € d’amendes et, enfin la société France Télécom à 75 000 € d’amendes (la peine maximale). Au niveau civil, les condamnés devront verser plus de 5 millions d'euros.
Il s’agit d’une grande victoire pour l’ensemble du monde du travail. Le jugement qui vient d’être rendu condamne une approche globale, une méthode, l’organisation et la planification d’un management toxique. Pour l’Union syndicale Solidaires qui s’était portée partie civile, la question centrale de ce procès n’était pas celle de la réparation ou de l’indemnisation mais bien celle de la condamnation de ces méthodes mortifères qu'il faut interdire.
Les suicides et les tentatives de suicide dans le monde du travail ne sont que le sommet de l’iceberg d’une idéologie mortifère du travail. Au motif de la performance économique, tout serait permis. Aujourd’hui la justice rappelle les limites fixées par la loi. Non, les employeurs ne peuvent pas faire ce qu’ils veulent.
Ce sont les restructurations incessantes, les mobilités forcées érigées en système pour briser les résistances collectives qui ont atteint les salarié-es dans leur chair jusqu’à entraîner certains d’entre eux vers la maladie, la dépression et même la mort. Le maintien de deux statuts du personnel (fonctionnaires et salariés de droit privé) a été aussi une arme de casse sociale pour une dégradation de tous les droits des salariés. Ce sentiment d’impunité et cette négation des droits acquis ont été déployés en cascade depuis les plus hauts dirigeants de l’entreprise jusqu’aux « managers de proximité », pour aboutir à ce déchaînement de violences, comme si ces patrons avaient réécrit une partie du droit pénal en le convertissant en « non-droit », avec un sentiment de forteresse protectrice qui isolait l’entreprise du droit commun.
Cette situation ne peut que faire écho à celle dans laquelle se trouve la DGFiP : réorganisations incessantes, suppressions massives d'emplois, et fermetures de services auxquelles il faut ajouter les bouleversements à venir de la loi de destruction de la fonction publique qui rappellent les stratégies appliquées au sein de France Télécom. Ce procès de plusieurs ex-dirigeants de cette entreprise est emblématique de la violence des pratiques mises en œuvre pour supprimer 22 000 emplois dans les années 2000, détruire le service public.
Cette victoire est le fruit du courage des familles, de l’implication de nombreux camarades de SUD PTT, de l’inspection du travail, des expertises menées en CHSCT, du soutien de l’Union syndicale Solidaires. Sans l’existence des CHSCT, ce procès aurait été tout autre. Il nous rappelle à quel point il est primordial d’investir ces instances, faire vivre l’ensemble des prérogatives de leurs représentant-es et de se battre pour conquérir de nouveaux droits.
Ici en lien, une vidéo de l'Union syndicale Solidaires sur la situation à France Télécom.