L’actualité est fortement marquée par le psychodrame du prélèvement à la source (PAS). Une décision (poursuite, report ou abandon) doit être prise ce mardi. Sans revenir sur les arguments en présence1, il est utile de rappeler les enjeux et d’identifier les potentielles voies de sortie de crise.

Les éléments du débat

Les révélations du week-end montrent que les bugs représenteraient une faible proportion des contribuables. Mais ils envoient le signal qu’à quelques semaines du lancement du PAS, le système est perfectible… Il appartient au Directeur général et au Ministre de démontrer que sur le plan technique, tout est véritablement réglé.

Le cœur du problème semble toutefois être ailleurs. Le PAS soulève en effet plusieurs questions :

- Les comportements : face à un changement de système, il est possible que les contribuables consomment un peu moins le temps d’appréhender le nouveau système, ce qui ne peut venir que gréver, même légèrement, la croissance. Or celle-ci est plus faible que prévu.

De ce fait, et vu de la complexité du PAS ainsi que les risques de fraude qu’il génère, une incertitude existe sur le niveau des recettes de l’impôt sur le revenu (la Cour des comptes l’a reconnu dans son rapport de juin 2018) : celui-ci est déjà très élevé dans le système actuel2.

- L’allègement des cotisation sociales salariales mis en œuvre en octobre ne sera « visible » que 3 mois alors qu’il est l’un des projets phares d’Emmanuel Macron.

- Le « choc culturel » que représente un passage au PAS peut aussi contribuer à détériorer le rapport des contribuables à l’impôt (le consentement) alors que celui-ci est déjà affaibli.

- Le climat politique défavorable au pouvoir l’a sans doute incité à être prudent et à reconsidérer ces différents éléments… Reste aussi à savoir si certains lobbys, discrets mais puissants, hostiles au PAS sont intervenus et souhaitent, en décrédibilisant la DGFiP et Bercy, avoir la peau du PAS…

Mardi 4 septembre, une décision politique et des conséquences

Si l’argument technique est une réalité, c’est bien plus largement l’opportunité et les conséquences d’un choix politique qui sont en question. Le débat actuel est l’affaire du gouvernement et du président de la République. Ce sont eux qui doivent prendre des décisions et assumer leurs responsabilités. La décision de mardi sera lourde de conséquences.

Il existe trois options :
- Le maintien du PAS, avec toutes les interrogations et tous les risques qu’il génère.
- Son report, ce qui signifie qu’il faut revenir à l’ancien système ou mettre en place un système transitoire inconnu à ce jour.
- L’abandon, et donc le maintien du système actuel.

Si la critique du PAS est connue, les deux autres options posent également des questions :

  • Un risque de censure constitutionnelle pour rétroactivité de la loi fiscale en cas de retour au système antérieur (les disposition fiscales de l’année 2018 préfigurent la mise en place du PAS en 2019). Si on peut penser que le Conseil constitutionnel ne prendrait pas le risque de déclencher une crise majeure, celui-ci existe cependant bel et bien.
  • Le risque d’une difficulté technique du fait de délais très courts et d’une crise de confiance (incompréhension voire rejet) des contribuables en cas de report et/ou de régime transitoire (par exemple une mensualisation dite « contemporaine »)3.
  • Le peu de temps pour préparer un système alternatif.

Le gouvernement a tardé à se pencher véritablement sur l’ensemble des questions posées par le PAS. Il est aujourd’hui coincé (ce qui explique l’offensive de Bercy pour qui le PAS est l’unique voie de sortie de crise). Mais il est indispensable d’expertiser les autres options avant toute décision finale.

Il existe un danger pour les agents des Finances publiques : que certains ne manquent pas de désigner « Bercy » et ses agents comme les responsables d’un éventuel échec. Solidaires Finances Publiques l’a martelé4 et ne cessera de le faire : les agents de la DGFiP impliqués dans la conception et la mise en œuvre du PAS ont fourni un travail immense qui doit être reconnu. Ils ne sont en aucun cas responsables des difficultés actuelles ni d’un échec éventuel ni encore, si le PAS était lancé, de ses éventuelles conséquences négatives. Ils sont d’ailleurs fortement sollicités dans la période par les contribuables (qui ont reçu leur avis d’imposition et s’interrogent sur le taux de leur PAS qu’ils doivent choisir d’ici le 15 septembre).

Ce psychodrame donne raison à notre organisation sur son analyse du PAS. S’il est impossible de refaire l’histoire, il faut toutefois se rappeler que nous avions publiquement et constamment critiqué le PAS en raison de l’abîme qu’il y a entre le discours officiel sur la simplification et la réalité, beaucoup plus complexe.

Pour Solidaires Finances Publiques, les pouvoirs publics doivent impérativement informer immédiatement les agents et la population de l’état des lieux en matière de « bugs » et prendre une décision claire. Ce débat valide par ailleurs la nécessité d’avoir à terme une véritable réforme fiscale et un mode de recouvrement moderne et efficace assuré par la DGFiP. Quelle que soit l’issue, nos analyses sont validées, ce qui doit nous encourager et nous inciter à poursuivre notre action pour la défense de l’ensemble des sujets qui touchent aux agents et aux missions des Finances publiques.


PAS : retour sur une semaine sidérante

Dans une interview au journal du dimanche 26 août, le Premier Ministre ouvrait le débat sur l’avenir du PAS en indiquant qu’un point serait fait en septembre. « Bercy », le ministre de l’action et des comptes publics et le Directeur général des finances publiques (DGFiP) montaient alors au créneau pour défendre le PAS et plaider pour sa mise en œuvre.

Le Canard enchaîné du 28 août révélait que le président de la République s’interrogeait sur l’opportunité de la mise en œuvre du PAS. « Bercy » continuait son offensive en faveur du PAS. Plusieurs quotidiens sont revenus sur sa mise en œuvre et ses effets potentiels. Dans son édition du vendredi 31 août, le Figaro affirmait que l’Élysée réfléchissait à une alternative. Le jeudi 30 août, Emmanuel Macron lui-même déclarait qu’il avait demandé « aux ministres compétents de répondre à toutes les questions qui se posent encore, avant de donner une directive finale »

Le samedi 1er septembre au soir, le Parisien révélait le contenu d’une note interne à la DGFiP faisant état de bugs lors des tests, des bugs de deux catégories : la confusion entre homonymes et des prélèvements doublés, voire plus, sur certaines situations.

Le dimanche 2 septembre, la DGFiP démentait l’information et affirmait que les bugs, peu nombreux, étaient en cours de règlement. Entre temps, le Ministre de l’action et des comptes publics se disait confiant, et déclarait s’en remettre à la décision du mardi 4 septembre sur la suite donnée à cette malheureuse affaire.

Pour sa part, tout au long de la semaine, le syndicat Solidaires Finances Publiques a été constamment présent et s’est très largement exprimé par voie de presse (radio, télé, journaux : Tf1, France 2, BFM TV, LCI, Cnews, Europe 1, RTL, France info, RMC, France inter, Radio France Bleue, Radio France international, Sud radio, BFM radio, ce à quoi il faut ajouter la presse écrite : agence Reuters, AFP, et de nombreux quotidiens).

Notre syndicat s’est également adressé au Président de la République pour faire part de sa position et au Directeur général des finances publiques pour demander à être reçu.

 

  • 1-Pour en savoir plus, voir notre « Livre vert » d’octobre 2015.
  • 2-Une baisse des recettes aurait des conséquences en chaîne : déficit public plus important, augmentation des taux d’intérêt et rigueur budgétaire accrue… Sans compter
  • 3-Un régime transitoire reviendrait à se voir succéder 3 modes de recouvrement en 3 ans (l’actuel en 2018, un transitoire en 2019 et le PAS en 2020).
  • 4-Voir notamment nos communiqués de presse.