Depuis le 01/01/2020, les entreprises sont tenues d’envoyer leurs factures à destination du secteur public en format électronique via la plateforme publique Chorus Pro. La loi de finances pour 2020 a introduit cette obligation de facturation électronique dans les échanges entre entreprises assujetties à la TVA établies en France.
Les entreprises assujetties devront recourir aux services d’une plateforme de dématérialisation pour transmettre et recevoir leurs factures électroniques et pour adresser des données de transaction et de paiement à l’administration fiscale. Il était alors clairement précisé que les entreprises étaient libres de retenir soit une (voire plusieurs) plateformes de dématérialisation partenaires de leur choix, soit directement le portail public de facturation (qui devait s’appuyer sur la plateforme Chorus Pro).
Après avoir annoncé en juillet 2023 le report du calendrier pour le déploiement de la facturation électronique (lire notre communiqué de presse), la loi de finances pour 2024 prévoit le déploiement progressif du dispositif :
- à partir du 1er septembre 2026, obligation pour toutes les entreprises de pouvoir réceptionner des factures dématérialisées et pour les grandes entreprises et les entreprises de taille intermédiaire l’obligation d’émettre des factures dématérialisées
- à partir du 1ier septembre 2027, obligation pour les petites et moyennes entreprises, et les microentreprises d’émettre des factures dématérialisées
Dans un communiqué de presse du 15 octobre dernier, et sans concertation ni avec les représentants des personnels ni avec les agents concernés, le ministère chargé du budget et des comptes publics annonce abandonner une partie du Portail Public de Facturation au profit des plateformes privées. Ce sont plus de 70 plateformes de dématérialisation partenaires (PDP) qui ont déjà été immatriculées.
Ainsi, l'État se déclare « être pleinement confiant dans la capacité des plateformes à garantir des services de qualité, sécurisés et à proposer des offres suffisamment élargies pour couvrir les besoins actuels et à venir de toutes les entreprises. »
Alors qu’initialement, il était possible pour les entreprises de recourir gratuitement au portail public de facturation, ces dernière devront obligatoirement passer par un prestataire privé.
La contrainte budgétaire oblige l’État à choisir cette réorientation pour permettre d’assurer la tenue du calendrier prévu par la loi de finances pour 2024 et respecter des moyens définis. Dans ce contexte , « le projet sera poursuivi en privilégiant la construction d’un annuaire des destinataires, indispensable aux échanges entre les plateformes, et d’un concentrateur des données permettant leur transmission à l’administration fiscale. »
En conséquence, le ministère de l’Économie et des Finances considère que les Plateformes de Dématérialisation Partenaires (PDP) présentent suffisamment de sérieux pour prendre en charge cette mission pour aider les entreprises dans l’émission et la réception de leurs factures, tout en respectant le cadre légal établi.
Pour Solidaires Finances Publiques, cette décision est inacceptable !
Pour les entreprises, l’abandon du développement du Portail Public de Facturation (PPF) marque un tournant significatif dans la stratégie de la facturation électronique. Ce changement des règles aura une incidence sur les entreprises. L’obligation de recourir à une plateforme privée payante engendre des coûts supplémentaires notamment pour les PME et les microentreprises. Et pour les moins familiarisées aux procédures dématérialisées, elles seront dans l’obligation de recourir à une prestation supplémentaire, et payante, auprès d’un conseil.
Solidaires Finances Publiques dénonce une rupture d’égalité dans le traitement des entreprises. Sur la facturation électronique, la DGFiP ne proposera pas un service public de qualité et de conseil auprès des professionnels. C’est l’abandon d’une mission pourtant inscrite dans l’ADN de l’administration fiscale et un nouvel abandon de l’État.
Pour les services de la DGFiP cette nouvelle externalisation est la conséquence d’un manque d’anticipation de l’administration fiscale sur un chantier aussi important que celui de la facturation électronique. Pour Solidaires Finances Publiques, ce nouveau recul montre l’impréparation de cette réforme, décrite comme complexe par les responsables du projet eux mêmes.
Nul doute qu’avec les moyens mis en adéquation avec les besoins (humains et financiers), les services informatiques de la DGFiP sont à même de remplir cette mission.
Par ailleurs, les agents et agentes s’inquiètent de ce nouveau dispositif dont l’impact sera très important sur leurs missions qu’elles soient de gestion ou de contrôle.
Solidaires Finances Publiques dénonce un nouveau désengagement de l’État et un pied de nez envers les PME et les microentreprises auxquelles était annoncée « une réforme indolore et sans coût supplémentaire, via l’accès à une plateforme publique gratuite ».