Entre mutisme officiel, déclarations tonitruantes de certains et discours lénifiants d'autres, il est difficile de se faire une idée précise du volume de suppressions d'emplois que subira la DGFiP dans les quatre ans à venir. Une chose est sûre désormais au vu des déclarations de nos ministres et de la Cour des comptes et sans trop anticiper sur les annonces officielles prévues pour le 11 juillet, les administrations économiques et financières vont payer le prix fort de la politique ultra-libérale du gouvernement.

Toujours exemplaire !

Cela fait dix ans et plus que la DGFiP contribue, à hauteur de 45 à 56 %, aux suppressions d'emplois dans la Fonction publique d’État (38 000 en 12 ans). Ramené à la promesse du candidat Macron de faire disparaître 50 000 emplois dans la FPE, ce taux donne une fourchette qui oscille entre 22 et 28 mille suppressions de postes à la DGFiP d'ici la fin du quinquennat. Nous ne sommes pas loin du chiffre lancé au débotté par le Procureur général de la Cour des comptes qui a parlé de 30 000 suppressions.
Cet idéal de suppression d'emplois est par ailleurs largement téléguidé par la Commission Européenne. Au prétexte qu'elle considère que la trajectoire budgétaire de la France est trop fragile et que ses prévisions budgétaires s'appuient sur une croissance jugée comme éphémère faute de réformes structurelles profondes, Bruxelles réclame à cor et à cri le fameux rapport CAP22 qui restera encore secret quelques mois.
Si le gouvernement table sur 120 000 suppressions d'emplois pour les trois versants de la Fonction publique, rien ne garantit clairement que les collectivités locales feront l'effort qui leur est demandé de supprimer 70 000 de leurs agent.e.s. L’État n'a en effet pas la main en la manière, tout juste peut-il peser sur les finances des dites collectivités, ce qu'il ne manque pas de faire d'ailleurs. Si le gouvernement n'atteint pas son objectif auprès des collectivités, ne sera-t-il pas tenté de faire peser les efforts davantage sur la FPE ? Rien n'interdit de le penser. A ce stade, pour la Fonction publique d’État, le chiffre de 50 000 n'est pas un chiffre brut, c'est un solde entre suppressions et créations d'emplois car il est de notoriété que certaines administrations d’État plus particulièrement axées sur les missions sécuritaires vont voir leurs effectifs augmenter.

Ces prévisions collent en tout cas parfaitement au sens du plan action publique 2022 dans son volet missions et plus finement dans son volet recherche d'économies budgétaires à tout prix. Si nous ne connaissons pas pour l'heure les détails précis du contenu du rapport Cap22, nous avons quand même des pistes sérieuses dont les conséquences pour la DGFiP sont pour le moins mortifères.
Ministre et députés nous la jouent façon « ayez confiance »…...En nous disant qu'il ne s'agit pas de faire comme les autres, donner un « coup de rabot », mais que l'objectif est de passer au tamis toutes les missions pour déterminer le bon opérateur et les moyens à allouer, tant pour le nouvel acteur, qui ne fera pas le travail gratuitement, que pour les services publics qui subsisteront. Sauf que, cette opération s'effectue avec une visée budgétaire : baisser le déficit en supprimant des emplois de fonctionnaires, une visée libérale : faire basculer dans le secteur marchand des missions de service public pouvant être attractives pour certains acteurs financiers et enfin avec une vision de modernité quelque peu idéaliste : l'e-administration devant devenir l'alpha et l'oméga du service public.

Au final, exceptée peut être la vision d'un monde tout numérique, point d'innovation dans les calculs gouvernementaux, point d'approche novatrice, que du réchauffé et en tout cas, beaucoup de préjugés et de distance sur la réalité de la vie économique, administrative et sociale de terrain.

Combien de rapports ont accablé la DGFiP et les deux administrations qui sont à l'origine de sa création et plus largement la Fonction publique ? On peut en citer un certain nombre comme le rapport Choussat du nom d'un inspecteur général des finances (IGF) datant de 1990 (ce dernier a récidivé en 1997 dans une note personnelle estimant les sureffectifs dans la Fonction publique à 500 000 agent.e.s), ou encore le bien nommé rapport Lépine (1999) toujours en provenance de l'IGF, et enfin le rapport Champsaur-Bert (toujours l'IGF!!) source de la mission 2003 que la mobilisation des agent.e .s des finances avait blackboulé en même temps que le ministre de l'époque Christian Sautter. Tous ces rapports, aussi explosifs les uns que les autres, ont rejoint des étagères poussiéreuses, mais continuent d'irriguer la réflexion des cabinets ministériels. Peu ou prou, certaines évolutions qu'ils préconisaient réapparaissent au gré de l'actualité. Une constante, une obsession même ressort pourtant : il faut supprimer du fonctionnaire comme on se débarrasse d'une pandémie ou d'une maladie honteuse ! Après, tout ira mieux. CAP 22 s'inscrit dans cette lignée, la poussière en moins et le déterminisme d'un président avide de libéralisme peut être en plus.

Nos adversaires, nos ennemis, ont pour eux le temps, l'argent et une tactique bien éprouvée. Priver de ressources les administrations publiques, les mettre en difficulté pour constater ensuite une défaillance dans l'exercice des missions que la Cour des comptes ne manquera pas de souligner dans un de ses rapports (en oubliant au passage d'analyser les raisons qui ont conduit à la situation concernée) et enfin décider d'externaliser, de privatiser ou d'abandonner purement et simplement la mission, même si elle sert l'intérêt général.

L’allégorie de la grenouille joue à plein son rôle, les personnels se plient d'autant plus aux reculs successifs qu'on leur fait miroiter un avenir meilleur et que surtout les « autres »sont véritablement bien plus mal lotis qu'eux. Et qu'ils feraient mieux de se réjouir d'un commandement central (et parfois local) qui les protège en réformant à tour de bras...Mais toujours pour leur bien.
Il en est de même pour le citoyen, l'usager qui de plus en plus est identifié comme un consommateur, et tant pis si la notion d'intérêt général, de solidarité nationale s'éloigne de lui.

Aujourd'hui l'eau est bouillante et elle va brûler violemment. Espérons que la douleur réveille les corps et les consciences comme Solidaires Finances Publiques tente de le faire depuis des semaines, des mois, des années. L'étape suivante…

Combien ?