Un groupe de Travail « Bilan de la responsabilité des gestionnaires publics » s'est tenu le 4 février 2025.
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Déclaration liminaire
Non respect des règles de prudence, telle est une des hypothèses de nature à caractériser une faute grave au sens du nouveau régime de responsabilité des gestionnaires publics.
C’est sans doute ainsi que pourrait être qualifiée l’attitude de l’ancien directeur général des finances publiques, à propos de la mise en œuvre de la campagne GMBI, et ce, de deux points de vue selon le rapport de la Cour des comptes :
Lancement précipité d’une campagne déclarative alors que tout le monde savait que l’applicatif support était manifestement inachevé, a fortiori pour une opération industrielle impliquant l’ensemble des propriétaires de biens immobiliers du pays.
Choix irresponsable de ne pas mettre à disposition un formulaire papier pour les personnes éprouvant des difficultés avec l’applicatif, personnes fort nombreuses compte tenu des problèmes rencontrés avec cette application. Tout ceci alors que les organisations syndicales avaient fait remonter les multiples difficultés rencontrées par nos collègues dans les services en amont même de la campagne.
Préjudice financier significatif : 1,4 milliard d’euros soit 17,5 % du budget de la DGFIP. Il est probable que cette somme soit considérée comme significative et nous laisserons à chacun, le soin d’imaginer comment l’État aurait pu utiliser cette somme.
L’avenir nous enseignera si les responsables des gabegies les plus énormes seront rattrapés par cette réforme ou s’ils échapperont à leur responsabilité, le juge des comptes préférant s’appesantir sur de modestes lampistes, certes coupables de négligences, aux conséquences financières pourtant sans commune mesure…
Poser la question, c’est déjà y répondre...
Vous évoquez l’impact de la réforme sur les procédures métiers de la DGFiP, la maîtrise des risques et l’accompagnement des agents.
Il y a ici des personnes qui viennent d’arriver, et nous ne leur ferons aucun reproche. Ils ne sont pas responsables de l’inertie de leurs prédécesseurs. Mais quand même !
Pensez-vous sincèrement que l’accompagnement des agentes et des agents a été à la hauteur ?
Dans le meilleur des cas, il y a eu un début d’information des cadres A, dans le pire, rien ou de la désinformation, en particulier des C et des B à qui des directeurs ont osé affirmer qu’ils ne risquaient rien et que rien ne changeait !
Nous avons pris notre part, en informant, sans chercher à faire peur inutilement mais en précisant toutefois les changements intervenus et les risques encourus.
Il y a longtemps que les agents n’ont plus confiance dans la parole des responsables de l’administration. Et vous confortez une fois encore ce sentiment de défiance !
En dehors des propos lénifiant de Jérôme Fournel sur Ulysse à l’entrée en vigueur de la réforme, il n’y a rien eu de sérieux…
En matière de maîtrise des risques, croyez vous avoir avancé significativement ?
Dans les services comptables et particulièrement ceux du secteur public local, rien n’a changé. Tout fonctionne encore comme si le comptable était personnellement et pécuniairement responsable. Les ordres de surseoir à des irrégularités manifestes sans écrit sont encore légion : ignorance ou mauvaise foi, celà dépend sans doute des personnes mais l’administration ne peut pas laisser faire !
Lors du CSAR de cet automne, nous avons encore demandé au directeur général adjoint, ancien chef du service des collectivités une note qui vienne préciser les conséquences de la mise en œuvre de la RGP sur le visa des paiements, les seuils, les délégations de signatures.
A ce jour toujours rien ! Vous évoquez la maîtrise des risques et la protection des agents. Mais la protection des agents, c’est en amont de la mise en cause qu’il faut l’envisager !
Trouvez -vous normal de laisser valider des paiements de plusieurs dizaines de millions d’euros par un cadre C ? C’est ce qui se passe chaque mois dans de nombreux SGC...
Dans n’importe quel autre service, il y a des seuils de délégations avec des montants, variables selon les grades au regard des doctrines d’emplois. Dans le monde du secteur public local ?
Rien de tout cela !
Parce que quand on parle d’enjeu et de protection des agents, il faudrait peut être quand même que chacun exerce ses responsabilités.
Les délégations générales de signature, vous souhaitez qu’on en parle ? Pour tirer les conséquences de la réforme, vous devriez les interdire ! Car avec cette réforme, contrairement à ce que vous annonciez, de nouvelles rigidités apparaissent, bien loin des souplesses promises.
Les indemnités de comptables étaient fondées, pour partie, sur la responsabilité qu’ils encouraient ! Aujourd’hui elles sont totalement déconnectées de celles-ci. Un adjoint du comptable, sans la moindre indemnité, exerce avec la délégation générale de signature, exactement la même responsabilité !
Quant aux C et B, le risque existe de la même manière ? Quand allez-vous rappeler cette évidence, qu’un mandat de paiement ne doit jamais être validé quand, au regard des pièces, il est irrégulier.
Nous recevons trop régulièrement des témoignages d’agents à qui on ordonne le contraire et qui malheureusement, acceptent, sans exiger d’écrit !
Qu’il s’agisse de l’organisation des chaînes de travail ou de la protection des agents, 2 ans après l’entrée en vigueur de la réforme, à la DGFiP tout reste à faire ou presque !
Ca devient une marque de fabrique : La DGFiP se contente de réagir, avec retard, au lieu d’agir.
Il nous avait pourtant été indiqué que la DGFiP avait pris une part active à la rédaction du texte. Aujourd’hui, il faut nous dit-on attendre la jurisprudence pour délimiter la notion de faute grave et celle de préjudice financier significatif.
Serait-ce donc que ces questions n’ont pas été abordées précisément lors de ces fameuses réunions conjointes avec la Cour des comptes ?
Et le premier président de cette noble institution qui affirmait récemment que le dispositif de mise en cause, était trop restrictif, selon lui et qu’il faudrait donc l’élargir, en évoquant la notion de préjudice financier significatif…
Puisqu’est annoncé d’ici 3 ou 4 ans, une évolution, la DGFiP doit se mettre en ordre de bataille pour faire évoluer les points les plus saillants : faute grave, assistance aux agents mis en cause…
D’ici là il y a encore tout à faire en revoyant les chaînes de travail pour que les chefs de service soient identifiés comme les responsables effectifs de ce qui se passe dans leur service.
Pour supprimer les contrôles, en revanche, il n’a pas fallu attendre longtemps. C’est d’ailleurs la seule chose que les directions locales ont compris. Les vannes étaient ouvertes, jusqu’à ce qui leur soit rappelé qu’on ne pouvait quand même pas faire n’importe quoi.
Il y a sur ce sujet de nombreuses tensions dans les services comptables dont vous portez une grande part de responsabilité. Ce n’est pas aux agents de subir les conséquences de ce « je m’en foutisme administratif » qui devient trop souvent la règle dans cette maison depuis quelques années.
Il n’est toutefois jamais trop tard pour mieux faire.