A la DGFiP, les pouvoirs publics veulent imposer un autre « modèle » : depuis sa création, la DGFiP subit un affaiblissement certain. Mais la période qui s’ouvre porte des ruptures plus inquiétantes/ graves.
Plusieurs attaques sont menées frontalement contre « Bercy » et la DGFiP : la conception idéologique des missions de service public se traduit à la DGFiP par une remise en cause des orientations des missions et des changements de leur périmètre à l’heure où les pouvoirs publics veulent imposer une réorganisation territoriale brutale de la DGFiP. Pour Solidaires Finances Publiques, l’heure est à la contre- offensive globale avec des lignes revendicatives adaptée aux enjeux sociaux.
Une attaque globale menée sur plusieurs fronts
L’intérêt général, le périmètre de l’action publique, de Bercy et de la DGFiP remis en cause
Priorité donnée par le pouvoir à la concurrence fiscale et sociale (sur fond de brexit) et à « l’offre » :
- la politique fiscale favorise la finance et favorise la hausse des inégalités (la baisse de l’imposition des sociétés leur permet de distribuer plus de dividendes, lesquels sont moins imposés à l’impôt sur le revenu avec le prélèvement forfaitaire unique et ne sont plus imposés à l’ISF),
- l’action publique est mise au service de cette politique avec, notamment, une baisse des moyens humains de la DGFiP et une réorientation de certaines missions comme le contrôle fiscal par exemple, conçu comme devant être à tout prix « apaisé », ce qui en fait une prestation au service de l’entreprise et non plus une mission au service de l’intérêt général.
Deux mouvements frappant nos missions s’engagent :
- des transferts de missions au sein même du service public, comme entre les douanes et la DGFiP (11 taxes devraient être transférées), ce qui affaiblira les douanes sans renforcer la DGFiP car celle-ci connaîtra des suppressions d’emplois : c’est une logique « perdant-perdant ». Au-delà, la suspension de l’expérimentation des « agences comptables » est un premier petit pas, mais c’est l’annulation de ce projet qu’il faut obtenir.
- Des externalisations de missions sont envisagées avec le transfert du plan cadastral vers l’Institut géographique national et la certification des comptes des collectivités locales et la certification à la loi fiscale des entreprises vers les commissaires aux comptes (ceux-ci seraient chargés de contrôler » leurs clients dans un dangereux mélange des genres). A long terme serait aussi envisagé le transfert du recouvrement des prélèvements fiscaux et sociaux vers une agence de recouvrement, segmentant la chaîne de travail (gestion, contrôle, recouvrement) pour l’intégrer dans un modèle « libéral » (celui de l’agence qui entrainerait de plus une confusion entre des prélèvements aux fondements politiques et juridiques très différents).
La présence territoriale de la DGFiP s’effondre
Le réseau territorial de proximité est menacé de réduction brutale. L’annonce de création de « points de contacts ne trompe personne : c’est un service public low cost conforme aux idéaux libéraux que le pouvoir veut mettre en place. Les MFS n’assureraient que des missions d’accueil généraliste : la plupart des missions de la DGFiP n’y seront pas exercées. Elles ne prévoient pas de présence pérenne de la DGFiP. Les services DGFiP verront leur nombre fondre comme neige au soleil, et avec eux les emplois (près de 4800 emplois seraient supprimés en trois ans après plus de 40 000 depuis 2002). Le nombre de services des impôts des entreprises se réduirait, au détriment du service rendu aux PME (alors que les grandes entreprises bénéficient d’un accompagnement à la direction des grandes entreprises…) et des transferts de services sont également prévus dans le cadre de la démétropolisation, sans aucune logique autre que purement comptable et restrictive.
Pour les agent.es, qui perdent de nombreux droits dans ce mouvement régressif, ce projet se traduirait par une mobilité géographique et/ou fonctionnelle subie et une dégradation de leurs conditions de vie professionnelle et personnelle. Au surplus, cette mobilité serait mise en œuvre par les directions qui auraient toute lattitude de les déplacer au gré de « l’intérêt du service », une notion fourre tout qui supplante la régle de l’ancienneté, accroitra la flexibilité et permet de facto des dérives. Tout cela, sans compter avec les dispositions de la loi de transformation de la fonction publique (recrutement de contractuels, suppressions d’instances, rupture conventionnelle, etc).
Notre approche revendicative alternative
Principes fondamentaux
Il nous faut donc réhabiliter les principes fondamentaux du service public et de ses agent.es ; Servir l’intérêt général en toute neutralité et indépendance, être accessible, assurer un service continu sans discrimination, tels sont les grands principes du service public à défendre... Ces principes peuvent permettre de faire face aux enjeux (sociaux, environnementaux, économiques) et de dépasser la logique marchande et financière qui ne cesse de s’étendre.
De manière générale, ceci suppose notamment :
- des missions qui restent du ressort de l’État, assurées par des administrations techniciennes,
- des moyens adaptés aux enjeux, alors que la charge et la complexité du travail ont augmenté,
- des agent.es statutaires formé.es, bénéficiant de droits (affectation, etc) et exerçant leur mission dans un dispositif « encadré » qui soit une garantie pour eux/elles et les usager.es,
- une présence territoriale harmonieuse et pérenne.
Les missions de service public doivent le rester. A titre d’exemple, la certification des comptes des collectivités locales relève par nature de l’action publique. Il faut aussi éviter de désorganiser l’action publique : chaque corps de contrôle obéit à une logique (application du code général des impôts ici, du code monétaire et financier là, du code de la consommation ailleurs, etc), il faut donc éviter à terme un mélange des genres prôné par le rapport Action publique 2022 au nom d’une prétendue simplification qui affaiblirait le contrôle public économique. Toujours à ce propos, il faut marteler que servir l’intérêt général suppose également d’orienter utilement le contrôle fiscal : il doit demeurer la contre-partie du système déclaratif. Il ne doit y avoir aucun mélange des genres ni détournement des procédures : le renseignement sur l’application de la loi fiscale est du ressort des services de gestion ou d’expertise, le contrôle de celui des services de contrôle sur pièces et sur place.
Pour une DGFiP solidement implantée sur l’ensemble du territoire
Nous demandons le retrait du plan relatif au NRP et à la démétropolisation et nous demandons l’ouverture de véritables négociations sur l’avenir de la DGFiP. A l’opposé de ce plan, nous estimons nécessaire, au vu des besoins, de reconquérir les territoires, ce qui suppose de garder et de consolider le réseau territorial de la DGFiP et de développer le service public là où il est absent. Le numérique peut aider, s’il est intelligemment utilisé, à maintenir localement des services et des agent.es.
Sans décliner ici l’ensemble des services et des missions, voici nos principes revendicatifs fondamentaux.
- Pour un véritable service public de proximité : non seulement il ne faut aucune suppression de service, ce qui suppose le maintien des SIP et des SIE, des SPF et des autres services (PCRP, PCE, etc), mais nous devons aller plus loin. Les services sont sous-dimensionnés : pour les pérenniser dans de bonnes conditions, les trésoreries par exemple doivent être renforcées pour assurer en plus de leurs missions de gestion publique un véritable accueil de proximité (un accueil fiscal pour les particuliers et les entreprises notamment). Si, sur une même résidence, cohabitent une trésorerie et un SIP, un SIE ou un SIP/SIE, l’accuel fiscal continue d’être assuré par ces derniers. Les autres services territoriaux doivent être maintenus. Toujours à titre d’exemple, les services de contrôle locaux doivent être maintenus pour demeurer présents sur l’ensemble du tissu fiscal, tant sur la programmation, la recherche que le contrôle sur pièces et sur place.
- Un exercice plein et entier des missions ; à ce titre, il est parfaitement anormal que les buralistes puissent encaisser des sommes en numéraire et que la DGFiP ne le puisse pas. Nous revendiquons d’avoir cette possibilité.
- Un service public technicien suppose d’exercer des compétences suffisamment larges. Un véritable accueil fiscal et de recouvrement de proximité répond selon nous à ce principe.
- Un encadrement de proximité auprès des agents (géographique et fonctionnel, véritable technicien·ne, l'encadrant doit être avant tout un·e collègue de travail qui apporte un soutien à l'ensemble de l'équipe, il ne doit pas être un simple animateur d’équipe ou validateur d’indicateur de performance.
- La mise en œuvre du télétravail et travail à distance doit s’effectuer sous conditions et surtout pas à l’emporte pièces pour justifier les projets de la DG. On peut par exemple imaginer un CSP à distance « intelligent » pour renforcer la couverture du tissu fiscal. De la même manière, les antennes de SPF pourraient travailler, sous l’égide d’un cadre, sur la base du SPF départemental sans que les agent.es n’aient à le rejoindre physiquement. Il en va de même pour les antennes existantes qui, selon nous, doivent prendre la forme de services locaux pérennes.
- S’agissant du label « France service » délivré aux nouvelles maisons ou établissements, force est de constater qu’elles existent (le réseau des maisons Franec service entraîne la refonte et le développement du réseau des maisons de service au public). Que certaines se créent là ou la DGFiP n’est pas présente ou que certains de nos services puissent accueillir physiquement des MFS dans leurs murs sans confusion des tâches est une chose. Mais selon nous, elles ne peuvent ni ne doivent remplacer des services de la DGFiP.
- Une formation à la hauteur des enjeux (formation initiale, continue) et une mutualisation qui renforce la technicité des agents au service de la qualité du service public. L’e-formation ne saurait se substituer à une évritable formation mais n’en être qu’un complément.
- Pour en finir avec leur déréglementation, les règles de gestion doivent être claires, collectives et équitables avec des instances où siègent les représentant.es élu.es des personnels pour contrôler leur application et faire valoir les droits individuels et collectifs des agent.es.
- La reconnaissance des agent.es doit devenir une priorité, après des années de baisse insupportable de leur revenu (avec le gel de la valeur du point d’indice et du régime indemnitaire). Une revalorisation, indiciaire et indemnitaire, est désormais une urgence légitime. Notre organisation est également opposée à toute individualisation de la rémunération, car elle ferait une très grande majorité de perdant.es et mineraient davantage les conditions de travail. Enfin, il est urgent de reconnaître les qualifications des agent.es et de mettre en œuvre un plan de transformation d’emplois permettant d’accélérer les promotions internes.
Ce sont ces axes revendicatifs qui permettraient d’assurer un véritable service public de qualité que Solidaires Finances Publiques portera face aux pouvoirs publics, aux élu.es et à l’opinion.