Communiqué commun solidaires Finances Publiques et Solidaires Douanes

Le gouvernement annonce le 28 mars 2018 en grande pompe le renforcement de l’arsenal anti-fraude en mettant notamment en place un service judiciaire fiscal, composé "d'Officiers Fiscaux Judiciaires" dont les prérogatives existent déjà. Depuis la création de la Brigade Nationale de Répression de la Délinquance Fiscale (BNRDF) en 2010, des agents des Finances Publiques exerçaient déjà leur « ministère » sous la houlette de la Direction Centrale de la Police Judiciaire. Lors de sa mise en place, Bercy avait, en quelque sorte, laissé le leadership à Beauveau, ce qui, s’agissant d’une matière financière et fiscale n’était pas forcément le choix le plus judicieux.

On pourrait donc presque considérer que l’affaire « revient au bercail » ou, du moins, qu’il s’agit là d’une forme de mise en cohérence. Car Bercy est également loin d’être novice en la matière, dans la mesure où, depuis plus de 10 ans, les gabelous se sont dotés d’un service judiciaire à compétence nationale judiciaire (Service National de Douane Judiciaire) et que les choses semblent fonctionner à la satisfaction générale. Sauf peut-être celle des malandrins qui constituent la « clientèle », mais ça, c’est plutôt bien !

A la différence de la BNRDF, placée sous l’autorité d’un commissaire divisionnaire, côté Douane, on a choisi de mettre un magistrat à la tête du service, ce qui fut une première pour un service d’investigations judiciaires, mais qui nous semble plutôt être un pari gagnant, que l’on fait bien de rééditer pour le service judiciaire fiscal. Toujours à propos d’organisation, il sera nécessaire de bien veiller à la répartition des rôles, afin d’éviter les couacs ou la concurrence due au chevauchement de compétences entre la BNRDF, qui sera maintenue, et le futur service judiciaire fiscal dont « l’harmonie » du Service Public peut aisément se passer (sans oublier tous les autres services de police judiciaire qui ont vocation à s’intéresser notamment au blanchiment de fraude fiscale).

Cependant, si on prend un peu de recul, quelques remarques ne sont pas inutiles.

Tout d’abord, il ne faut pas oublier que les enquêtes administrative et judiciaire ont non seulement des contenus différents, mais également des finalités qui ne se ressemblent pas forcément. En effet, la première a pour fondement principal la défense des intérêts fiscaux de l’État, alors que la deuxième vise à mettre à jour des infractions et à en trouver les auteurs. Espérer faire du contrôle fiscal en se servant du Code de procédure pénale est largement une vue de l’esprit, et espérer un recouvrement efficace de l'impôt éludé par la seule voie judiciaire et la seule utilisation de ce Code est une duperie, séduisante pour les profanes, mais bien plus douteuse pour les praticiens, qu’ils soient de l’ordre judiciaire ou administratif, soit-dit en passant. Ainsi, en matière fiscale, chaque sphère, judiciaire ou administrative, a sa nécessité et ses prérogatives et ses contingences.

Par ailleurs, il peut être tentant, pour l’État, d’afficher une grande fermeté, en disant à l’opinion qu’il va frapper fort. La preuve dirait-il : on met en place des moyens judiciaires.
Or, d’une part, ceux-ci ne sont pas sans limite (dans tous les sens du terme), notamment eu égard au poids et à la longueur de la procédure judiciaire.
D’autre part, le tout peut servir aussi d’écran de fumée à une mise en coupe réglée des services administratifs de contrôle et à la promotion de l’attractivité fiscale ou aux possibilités données de régulariser sa situation voire de transiger (rescrits, transactions fiscale et pénale). L’affichage serait donc préservé, mais la réalité serait nettement moins joyeuse… Il ne faut pas oublier que l’État, avec parfois un certain cynisme, est passé maître dans l’art de faire semblant ou de survendre son efficience réelle.

Ce sujet peut passer pour une affaire très technique, réservée à quelques «analystes » avertis. A notre sens, c’est en fait un dossier important. Non seulement en termes d’organisation de l’État, mais aussi pour une mission fondamentale tant pour lui que pour la collectivité, à savoir la lutte contre la fraude et plus généralement assurer la survie de l’appareil démocratique en lui fournissant les ressources nécessaires. Il s’agit là d’une affirmation de l’intérêt public. Laquelle doit passer également par un renforcement des moyens humains, budgétaires et juridiques…

 

Contacts :

Solidaires Finances Publiques : 01 44 64 64 44 (et 01 44 64 64 19)
Solidaires Douanes : 01 73 73 12 50

JUDICIARISATION DES ENQUÊTES FISCALES : MYTHES … ET RÉALITÉS !