Emmanuel Macron a déclaré : "J'assume parfaitement que la fiscalité due au diesel soit au niveau de celle de l'essence et je préfère la taxation du carburant à la taxation du travail".
Officiellement, le chef de l’État s’inspire de l’idée qu’il faut baisser la taxation des revenus du travail afin de favoriser le pouvoir d’achat et la création d’emplois pour, en contrepartie, taxer les sources de pollution afin de les diminuer. L’idée est de percevoir le double dividende : créer des emplois et réduire la pollution. Cette approche pose deux problèmes majeurs que le chef de l’État et le gouvernement ont totalement occultés.
- Si l’objectif écologique est atteint, baisser la taxation sur les revenus (ou les bénéfices des sociétés dans le cadre de la baisse du taux de l’IS à 25 % d’ici 2022) reviendrait à priver les budgets publics de ressources pérennes : la taxation du diesel doit en effet procurer un rendement qui diminuera au fur et à mesure que la consommation de diesel diminue. Et, par conséquent, de priver les budgets publics de ressources indispensables en termes de fonctionnement et d’investissement puisqu’on aura substitué des recettes biodégradables à des recettes durables.
- Mais si l’objectif écologique n’est pas atteint, on aura modifié la structure du système fiscal en remplaçant des impôts par d’autres, en l’occurrence par des impôts sur la consommation. Or, en réalité, taxer le diesel revient à taxer les revenus du travail sur un mode dégressif donc injuste. Qu’on le veuille ou non, nombreux sont les particuliers qui n’ont pas le choix et doivent se chauffer au fioul ou encore emprunter leur véhicule pour aller au travail ou rejoindre une gare afin de se rendre à leur travail. Ils n’ont pas non plus le « choix » et la « liberté » de s’installer près de leur travail afin de s’y rendre à pied en raison du coût de la vie, des contraintes personnelles, etc. De fait, ces ménages tirent la totalité ou la quasi-totalité de leurs revenus du travail : ils subiront donc une hausse de prélèvements sur l’utilisation des revenus du travail. Le gouvernement leur avait vendu une baisse des prélèvements via la taxe d’habitation, mais au final, leur pouvoir d’achat s’en trouvera affecté. Car à l’instar de la TVA (dont le taux d’effort est de 12,5 % pour les 10 % les plus pauvres contre 4,7 % pour les 10 % les plus aisés), ces impôts sur la consommation sont régressifs : ils pèsent plus sur le budget des classes modestes et moyennes (exonérés d’impôt sur le revenu en raison de la faiblesse de leurs revenus).
Il ne faut pas être devin pour voir que cette mesure, qui s’inscrit dans le cadre d’une politique fiscale qui, dés le début du quinquennat, a largement privilégié les plus riches (avec la suppression de l’impôt de solidarité sur la fortune et la mise en place du prélèvement forfaitaire unique notamment), est très impopulaire. Elle affaiblira un peu plus le consentement à l’impôt et accroîtra un peu plus la crise démocratique et des institutions…
Une imposition juste aurait consisté à remodeler l’imposition directe des revenus et des bénéfices pour organiser une progressivité régulière et renforcer la justice fiscale. De même, une politique écologique ne peut se contenter d’un outil fiscal de ce type… Emmanuel Macron et son gouvernement ont choisi de faire l’inverse. Ils ont beau « l’assumer », il leur faudra donc aussi « assumer » les conséquences. Et tout comme l’addition fiscale (à laquelle on ajoutera les conséquences de la rigueur budgétaire et salariale...) pesant sur les ménages, celles-ci risquent d’être « salées ».