Dans une interview publiée sur le site « Acteurs publics » le 21 février, Émilie Chalas, députée de la majorité présidentielle et future rapporteure du projet de réforme de la fonction publique, s’est « lâchée ». Ses propos mêlent dogme idéologique et cynisme teinté de provocation.

Selon la rapporteure, le projet «ne comprend pas uniquement une vision financière ou statutaire de la fonction publique, mais bien une approche globale au service de l’action publique». Précisons qu’en réalité, le projet de loi obéit à une logique financière et, « en même temps », à une approche politique. La volonté affichée d’Emmanuel Macron et de son gouvernement de supprimer 120 000 postes de fonctionnaires et de réduire les dépenses de l’État atteste de la logique financière. Il est par ailleurs vrai que ce projet s’inscrit dans une vision idéologique de l’action publique et, plus largement, du monde du travail : suppression de droits, négation des principes qui fondent le statut, développement de la flexibilité, etc. D’une certaine manière, le pouvoir fait siens les propos de Mme Parisot, ancienne dirigeante du MEDEF pour qui il était normal que le travail soit précaire. Le sens du projet de loi est finalement donné par Émilie Chalas elle-même pour qui c’est un texte « au service des employeurs publics, puisqu’il leur offre plus de souplesse dans la gestion de la masse salariale ». Mme Chalas se donne même la peine de préciser qu’ainsi, « rien n’empêche les employeurs de faire évoluer les fonctions du fonctionnaire recruté ou de le déplacer. » CQFD…

Mme Chalas atteint aisément les sommets du cynisme à propos des commissions administratives paritaires (CAP) en estimant que « les critiques des organisations syndicales sont légitimes, puisqu’on leur ôte une partie de leur pouvoir et donc la possibilité de capter des adhésions » puis, dans le même élan, en affirmant une contre-vérité confondante puisque selon elle, il est « nécessaire de lever l’opacité prégnante sur les CAP et de rendre plus transparentes, objectives et justes les décisions individuelles. (...) Ça suffit, l’opacité et les passe-droits ! Nous aurons le courage de percuter le mode de fonctionnement des syndicats. » On ne saurait être plus clair...

Réduire le regard que portent les représentants des personnels sur les CAP aux adhésions n’est pas seulement réducteur, c’est surtout faux, insultant et stupide. On rappellera à l’élue de la République que les CAP sont les instances de représentation des personnels titulaires de la fonction publique, les fonctionnaires. Elles traitent des sujets relatifs aux carrières individuelles et sont obligatoirement saisies pour donner un avis sur les actes ayant un impact sur la gestion et la carrière de chaque agent de leur corps. Supprimer des CAP pour, dans le même temps, développer de nouveaux outils favorisant la flexibilité (détachement d’office, rupture conventionnelle par exemple) revient donc bien à réduire les droits des fonctionnaires et à changer la nature même de la fonction publique (principes statutaires, droits et obligations, etc), ce que le projet de loi fait sans que ses promoteurs ne l’assument véritablement.

Quant à l’opacité, il y a de quoi rire ou pleurer aux propos de Mme Chalas. La CAP est une instance qui émet un avis, elle donne lieu à un procès verbal et obéit à des règles de gestion qui ont une base juridique. Avec ce projet de loi, la plupart des actes de gestion des personnels ne seraient plus consignés dans des procès verbaux ni soumis au contrôle d’une instance : ces actes seraient gérés dans le secret du bureau des responsables administratifs. L’opacité et les passe droits dans les actes de gestion, c’est le projet du gouvernement qui les favorisera et en fera même une règle. Avec ce projet, contrairement à ce qu’affirme Mme Chalas, les agents seront privés de la possibilité de la capacité de se « réapproprier leurs carrières ».

Déplacer des fonctionnaires, disposer d’une main d’œuvre publique taillable et corvéable sans possibilité de faire valoir ses droits, confirmer la rigueur salariale et les restructurations des services publics, supprimer les instances de représentation, percuter le fonctionnement des syndicats, le tout dans une vision globale de l’action publique réduite façon « low cost », finalement, malgré elle, Mme Chalas ne fait que traduire la volonté d’Emmanuel Macron et de son gouvernement. Ils ont au moins un mérite : tomber le masque sur la volonté réelle du gouvernement. Cette réforme très idéologique est également un outil permettant de déstructurer le service public, au détriment de ses usagers. Décidément, ce gouvernement n’a qu’une seule obsession : nous ramener au 19ème siècle.