Le gouvernement se félicite du taux de recouvrement de l’impôt sur le revenu permis par le prélèvement à la source. Il estime que les recettes supplémentaires s’élèvent à environ 1 milliard d’euros et que le taux de recouvrement avoisinerait les 99 %. Si l’auto-satisfecit gouvernemental était prévisible, plusieurs éléments objectifs viennent le nuancer fortement.
Tout d’abord, l’année fiscale 2019 est loin d’être achevée. C’est seulement à l’été 2020 que l’on pourra dresser un véritable bilan, chiffré et fiable, du prélèvement à la source, soit après les déclarations des revenus de l’année 2019 (ou de la validation de certains éléments par les foyers qui en seront dispensés…) permettant de revenir sur l’ensemble de l’année 2019 et de procéder aux éventuelles régularisations (surplus à payer ou somme à rembourser).
Par ailleurs, les changements de taux sont relativement peu nombreux : il y aura de nombreux changements et régularisations entre la fin 2019 et la déclaration des revenus 2019 établie en 2020. A ce jour, moins de 2 millions de foyers fiscaux ont changé de taux, dont 870 000 à la baisse, alors que le nombre de foyers fiscaux connaissant des changements dans la situation personnelle et financière est beaucoup plus élevé. Ceci laisse penser qu’il y aura, dès la rentrée 2019 après la sortie des avis d’imposition et en 2020 après les déclarations de revenus, de nombreux ajustements dont personne ne connaît l’ampleur.
A titre d’exemple, il faut rappeler que, selon le rapport sur le prélèvement à la source annexé au projet de loi de finances pour l’année 2017 « sur plus de 33,9 millions de foyers suivis entre les années 2014 et 2015 et ayant effectivement déclaré au moins un revenu (positif ou négatif) au titre de l’une de ces deux années : 42 % d’entre eux, soit 14,4 millions de foyers environ, ont vu leurs revenus diminuer entre ces deux années, la baisse médiane étant de 6,5 %, dont environ 2,8 millions ont vu leurs revenus diminuer de plus de 30 % ; 56 % d’entre eux, soit 18,9 millions de foyers environ, ont vu leurs revenus augmenter entre ces deux années, dont environ 3,8 millions ont vu leurs revenus augmenter de plus de 30 % ». Or pour l’heure, un peu plus de 5 % de l’ensemble des foyers fiscaux ont procédé à un changement de taux...
Avant l’instauration du prélèvement à la source, le taux de recouvrement des impôts des particuliers, donc de l’impôt sur le revenu, était déjà de 99 % (projet de loi de finances 2018, « bleu budgétaire » de la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines »). Le taux brut de recouvrement de l’impôt sur le revenu prélevé à la source prévu pour 2019 (projet de loi de finances 2019, « bleu budgétaire » de la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines » annexé au projet de loi de finances 2019) s’élevait pour sa part à 97,8 % et non 97 % comme parfois indiqué. Précision étant faite que, selon le projet annuel de performances, « Le taux « complet » correspondant à l'ensemble des recouvrements perçus sur les revenus 2019 des particuliers sera arrêté au 31 décembre 2021 (le résultat étant disponible début 2022). »
Enfin, le caractère « contemporain » du prélèvement à la source provoque une hausse mécanique du rendement théorique de l’impôt sur le revenu. En effet, le montant global des bases (c’est-à-dire des revenus) déclarées augmente chaque année. La hausse moyenne annuelle s’est ainsi établie à 1,63 % entre 2013 et 2016 (soit ; +1,58 % entre 2013 et 2014, +1,41 % entre 2014 et 2015 et +1,91 % entre 2015 et 2016). Le milliard d’euro « supplémentaire » avancé représente une hausse de 1,41 %. C’est en quelque sorte une « vraie fausse hausse » légèrement inférieure à celle des bases déclarées des années mentionnées.
Pour toutes ces raisons, il est donc beaucoup trop tôt pour s’avancer sur l’efficacité « budgétaire » du prélèvement à la source...