Depuis la présentation du projet de loi de finances pour l’année 2020, plusieurs voix s’élèvent pour s’étonner d’un changement de cap qui serait synonyme d’un ralentissement de l’ardeur « réformatrice » du gouvernement. S’il n’est guère étonnant que le Medef tienne ce discours en pleurant des larmes de crocodiles, plusieurs observateurs reprochent au gouvernement de ne pas supprimer assez de postes de fonctionnaires et de ne pas faire les fameuses « réformes structurelles », selon la formule éculée.

 

Celles et ceux qui tiennent ce discours peuvent être rassuré.es… La stratégie du gouvernement n’a effectivement (et bien malheureusement) pas changé. Tout au plus a-t-il du procéder dans l’urgence à quelques ajustements pris sous la contrainte. Mais sans répondre toutefois aux enjeux de fond en matière de justice fiscale et sociale et sans changer de cap.

Les faits parlent d’eux-mêmes:

  • La baisse du taux nominal de l’impôt sur les sociétés à 25 % pour toutes les entreprises pour 2022 est confirmée. Et ce alors que le poids de l'impôt sur les sociétés rapporté au produit intérieur brut est largement inférieur en France à la moyenne des pays de l'Organisation de Coopération et de Développement Economiques (2% eu PIB en 2016 contre 2,9% dans l'OCDE),
  • Il n’y a aucune remise en cause (ni aucun bilan) de la suppression de l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) ni de la mise en œuvre du prélèvement forfaitaire unique, deux mesures qui ont bénéficié aux contribuables les plus aisés pour un coût budgétaire annuel de 5 milliards d’euros, soit le montant de la réduction de l’impôt sur le revenu pour près de 17 millions de foyers fiscaux (dont les non imposables sont exclus),
  • La baisse de la taxe d’habitation (dont le coût est étalé sur plusieurs années), qui aurait mérité d’être rénovée, crée des inquiétudes chez les élus locaux alors qu’ils ont à assurer de plus en plus de compétences. Va-t-elle se traduire par une hausse d’autres impôts, par des abandons ou des privatisations de pans de l’action publique locale ?

Dans ce contexte, se plaindre d’une faible réduction du nombre de fonctionnaires (alors que 27000 suppressions de postes sont programmées sur le quinquennat, s’ajoutant aux suppressions d’emplois antérieures) est assez stupéfiant et ne peut être particulièrement que mal perçu par les fonctionnaires. Leur pouvoir d’achat baisse, leur perspective d’avancement s’affaiblit, leurs conditions de travail se dégradent et la réforme de la fonction publique les fait changer de modèle, un modèle très éloigné de ce qui a pourtant fait du service public un pilier de l’activité économique et du « modèle social ». La fonction publique connaît de profondes mutations ignorées par trop d’observateurs mais qui auront des conséquences très concrètes pour la population.

Au sein de la Direction générale des finances publiques (DGFiP), les restructurations visant à supprimer des services territoriaux et la hausse de la charge de travail sur fond de baisse continue des moyens humains et financiers en constitue un exemple triste et inquiétant.

On soulignera également ici que dans le vaste mouvement de transferts d’emplois entre les ministères, celui de l’action et des comptes publics en perd plus de 1600 pour l'année 2020 (sur un total de 5 800 suppressions d’emplois prévues pour les 3 prochaines années) alors que la lutte contre la fraude fiscale est censée être une priorité. Une preuve de plus que ce projet s’inscrit dans la continuité des précédents. Le besoin de justice fiscale et sociale demeure donc plus que jamais insatisfait...