Le ministre de l’action et des comptes publics ne cesse de dresser le bon bilan du prélèvement à la source (PAS). Si le discours est convenu, il mérite cependant de sérieuses nuances et précisions.

Sur le rendement budgétaire supplémentaire que le PAS aurait permis, plusieurs éléments l’expliquent aisément.
Tout d’abord, alors qu’en 2018, l’impôt s’appliquait aux revenus de 2017, en 2019, il a concerné les revenus de 2019. L’État a donc « gagné » une année d’assiette. Or celle-ci s’accroît tous les ans. Mécaniquement, c’est environ 1,5 milliard d’euros supplémentaires qui ont été encaissés de ce seul fait, selon notre estimation.
Par ailleurs, en 2019 ont été imposés les revenus « exceptionnels » de 2018, ce qui a généré des rentrées « exceptionnelles » qui sont venues accroître le rendement budgétaire de l’impôt.

Ces deux éléments constituent un « one shot », ils ne se reproduiront pas en 2020.

Ajoutons également que de très nombreux foyers fiscaux n’ont pas modifié leur taux de prélèvements alors que leur situation, personnelle et/ou financière, a évolué. Le dossier de presse du ministère précise ainsi que les modulations de taux (à la hausse et à la baisse) ont concerné 2,4 millions de foyers fiscaux. Or, si l’on se réfère aux dernières données disponibles dans le rapport sur le prélèvement à la source annexé au projet de loi de finances pour l’année 2017 « sur plus de 33,9 millions de foyers suivis entre les années 2014 et 2015 et ayant effectivement déclaré au moins un revenu (positif ou négatif) au titre de l’une de ces deux années : 42 % d’entre eux, soit 14,4 millions de foyers environ, ont vu leurs revenus diminuer entre ces deux années, la baisse médiane étant de 6,5 %, dont environ 2,8 millions ont vu leurs revenus diminuer de plus de 30 % ; 56 % d’entre eux, soit 18,9 millions de foyers environ, ont vu leurs revenus augmenter entre ces deux années, dont environ 3,8 millions ont vu leurs revenus augmenter de plus de 30 % ».

Il est donc probale qu’une grande majorité de foyers fiscaux connaissent des régularisations, à la hausse ou à la baisse dans leur prochain avis d’imposition, soit après la déclaration des revenus 2019 déposée au printemps prochain.

En réalité, c’est après la sortie des avis d’imposition que l’on pourra dresser le premier véritable bilan du prélèvement à la source. Solidaires Finances Publiques demande qu’un rapport spécial détaillé et annexé au projet de loi de finances 2021 soit consacré à ce premier bilan.

Au-delà, notre organisation regrette amèrement que l’intense travail des agent.es des Finances publiques, réalisé tant pour préparer une réforme du mode de collecte de l’impôt sur le revenu (qu’ils ne demandaient pas) que pour la gérer quotidiennement, n’ait pas été reconnu.

Et pour les « remercier », le gouvernement s’apprête à poursuivre les suppressions d’emplois et à dynamiter le réseau territorial de la Direction générale des Finances publiques, ce qui éloignera nos concitoyens du service public, alors que tout montre qu’ils en ont grand besoin, et nourrira par ailleurs une dégradation préoccupante des conditions de travail (voir notre rapport de janvier 2020). Les personnels ont malheureusement compris qu’ils étaient tout sauf considérés par les pouvoirs publics.