Dans le droit fil de la communication gouvernementale, notons tout de même que nous sommes dans une phase de campagne électorale, les pouvoirs publics n’hésitent pas à mettre en avant « l’excellence de l’action » en matière de lutte contre la fraude fiscale au travers d’une communication partielle et partiale qui omet souvent la réalité.
Malgré les belles déclarations du gouvernement disant faire de la lutte contre la fraude et l'évasion fiscales une priorité gouvernementale, l'administration privilégie l’accompagnement et les régularisations sur le contrôle proprement dit. Dès leur communication Solidaires Finances Publiques reviendra plus en détail sur l’analyse des données complètes.
Les chiffres sur lesquels s’appuie aujourd’hui le ministre tiennent évidemment compte du travail des équipes en charge du contrôle fiscal, qui ont en 2021 mené à la fois à terme des travaux de contrôle interrompus en 2020 et ceux de l'année en cours, malgré la poursuite de la crise sanitaire, et le suivi des aides aux professionnels.
L’aide à la programmation du contrôle fiscal et l’utilisation des technologies de datamining sont devenues le fer de lance de la communication gouvernementale sur l’efficacité du contrôle fiscal. Dans les faits, le ciblage par IA (intelligence artificielle) ne correspond qu’à une faible proportion des montants recouvrés, alors que la part des contrôles fiscaux ciblés par cet outil est de plus en plus importante.
45% des contrôles engagés en 2021 issus de la sélection de l'intelligence artificielle pour seulement 1,2 milliard d'euros droits et pénalités notifiés en 2021, pour rappel les droits notifiés en 2021 s'élèvent à 13,4 milliards d'euros. C'est peu, c'est même très très peu, compte tenu de l'investissement financier et humain.
Ce qui donne: 45% des contrôles engagés diligentés suite à une analyse de données. Et pourtant un très grand nombre de dossiers détectés IA sont très largement enrichis par les analyses et les recherches de nos collègues en charge de la programmation du contrôle fiscal, afin d'en améliorer la qualité et les résultats.
Les technologies d’intelligence artificielle ne permettent pas de remplacer le travail des agentes et des agents de la sphère du contrôle fiscal.
Par ailleurs, on assiste à un renversement de perspective du contrôle fiscal, désormais davantage considéré par les pouvoirs publics comme un audit voire une prestation de service au contribuable ou à l’entreprise contrôlés, que comme un contrôle mené au service de l’intérêt général dont l’objectif est d’identifier l’impôt éludé et de sanctionner la fraude. Au final, les résultats du contrôle fiscal tendent à correspondre à ce que le contribuable ou l’entreprise sera disposé à payer : il s’agit là d’une forme d’impôt négocié.
Également, le choix de Google dans le contrôle du foncier interpelle. Quand bien même l’entreprise n’aurait aucune forme d’accès à nos bases de données, la méfiance ne peut être que de mise pour une entreprise assez peu philanthropique et qui n’est pas connu pour une politique très sécurisée quant à l’échange des données. Au delà le symbole donné au grand public pour lutter contre la fraude fiscale est pour le moins inopportun. Un partenariat avec Google pour lutter contre la fraude fiscale, il fallait y penser !
Et au delà les questionnements techniques sont nombreux, comment considérer une fiabilisation du plan cadastral en se basant sur des orthophotos fournies par l’IGN et qui sont en moyenne renouvelées tous les 3 ans. Comment vérifier l'exactitude d'une évaluation, les algorithmes ne parvenant pas à distinguer un hangar d'une maison d'habitation ? Comment imaginer fiabiliser les données foncières avec quelques détections de piscines par communes et dans des départements bien spécifiques ? Quant aux prétendus allégements des tâches des agentes et des agents, il risque surtout d’y avoir un amoncellement de listes de piscines et bâtiments à traiter, à vérifier, à redessiner, sans parler du contentieux qu’il faudra traiter, avec intervention humaine.
La DGFiP communique toujours sur les chiffres qui lui sont le plus arrangeants. Le coût du Foncier Innovant était estimé à 24 millions d’euros dans le grand plan d’investissement du 14 octobre 2019 dévoilé par Acteurs Publics. Gain principal attendu : la suppression de 300 équivalents Temps Plein.
Plus que la lutte contre la fraude fiscale, le "solutionnisme" technologique fait surtout la chasse aux emplois.