C’est une opération inédite et d’ampleur qui s’est déroulée ce mardi 28 mars 2023 : 4 banques françaises et une banque étrangère font l’objet de perquisitions dans le cadre d’enquêtes ouvertes en décembre 2021 par le Parquet National Financier.
Ces perquisitions conduites de manière simultanée au siège des 5 établissements financiers mobilisent des effectifs considérables : 160 enquêteurs du Service d’enquêtes Judiciaires des Finances (SEJF) rattaché à Bercy, 16 magistrats répartis sur les différents sites et 6 magistrats allemands du parquet de Cologne (Source Le Monde 28/03/23).
La Société générale, BNP Paribas, Exane (filiale de BNP Paribas), Natixis (groupe BPCE) et HSBC (établissement bancaire britannique) sont soupçonnés de blanchiment de fraude fiscale aggravée. BNP et Exane sont de surcroît soupçonnées de fraude fiscale aggravée.
Pour mémoire, en 2018, étaient révélées des pratiques d’évitement de l’impôt, appelé « CumCum ».
Sous cette appellation se cachent différents schémas d’évasion fiscale colossaux (dits CumCum interne et CumCum externe), entraînant 150 Mds d’euros de pertes de recettes fiscales pour plusieurs États européens, dont 30 Mds pour la France !
La pratique du CumCum interne consiste pour un actionnaire d’une entreprise à transférer la propriété de ses actions quelques jours avant la distribution de dividendes à une banque française, exonérée pour partie de la taxe sur les dividendes. Après le paiement des dividendes, les actions et les dividendes sont restitués au propriétaire initial. Avec CumCum externe, le schéma se complexifie en faisant intervenir des sociétés-écran et des établissements bancaires étrangers, tout en utilisant des conventions fiscales favorables.
Si le CumCum peut être présenté comme une pratique légale d’optimisation fiscale, au regard de l’énergie dépensée pour mettre en place des opérations complexes dans le seul but de contourner l’impôt sur les dividendes dû par les actionnaires d’entreprises, cette pratique franchit la ligne rouge et relève alors de ce qui pourrait être un abus de droit, constitutif de fraude fiscale.
Et c’est d’autant plus vrai si le gain fiscal obtenu (c’est-à-dire l’impôt éludé) fait l’objet d’un partage entre l’établissement bancaire et son client.
La France s’est, certes, dotée en 2018 d’un « bouclier anti CumCum », mais dès sa création, ce bouclier avait suscité de nombreux débats (notamment de parlementaires) regrettant que le dispositif mis en place était insuffisant et ne concernait que le CumCum interne écartant de facto le CumCum externe.
A la lumière des perquisitions opérées, ce 28 mars et sans préjuger des suites de cette affaire, la démonstration est faite que la fraude ne cesse de se développer et de se complexifier.
Pour la combattre, Solidaires Finances Publiques rappelle l’urgence de se doter de moyens législatifs efficaces, de moyens humains en nombre suffisant et de moyens matériels opérants nécessaires pour combattre l’évasion et la fraude fiscales.
Incroyable calendrier et télescopage de l’actualité : il manque 13 Mds dans la caisse des retraites et la pratique des CumCum coûte 30 Mds à la France….
Il nous sera certainement répondu que ce ne sont pas les mêmes caisses et nous rétorquerons qu’au lieu de nous faire travailler plus, il nous faut des moyens pour assurer les rentrées fiscales éludées !