En cette fin de mandature présidentielle et parlementaire, l'heure des bilans sonne sans relâche. La fiscalité y occupe une place de choix... Et ce, malgré un débat public malheureusement bien pauvre. Revenir sur les tendances des politiques fiscales menées ces dernières années est toutefois nécessaire pour fonder une analyse et des propositions en matière de fiscalité.

Pour les particuliers, aux rehaussements aveugles décidés par Nicolas Sarkozy à la fin de son mandat ont succédé en début de mandature « hollandaise » des rehaussements qui se sont inscrits dans une troublante continuité. Impôt sur le revenu, TVA et impôts locaux en hausse, le tout sur fond de dramatisation de la question de la dette publique et de succession d'affaires de fraude fiscale internationale : pour la quasi-totalité des contribuables qui constate l'ampleur de l'injustice fiscale, la potion est bien amère.

Dans le même temps, les allègements fiscaux au bénéfice des entreprises se sont succédés : baisse des cotisations sociales « famille » pour les salaires inférieurs à 3,5 SMIC, exonération des cotisations sociales patronales hors cotisations chômage pour les salaires au niveau du SMIC, allègement pour les salaires inférieurs à 1,6 SMIC, réduction sensible de la contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S), suppression de la surtaxe d'impôt sur les sociétés, « sur-amortissement » de 40 %, et bien entendu, le « fameux » crédit d'impôt compétitivité emploi. Fameux en raison du débat passionné qu'il génère au vu de son coût et de son inefficacité.

Rappelons que le Comité de suivi du CICE a estimé qu'en 2013 et 2014, 50 000 à 100 000 emplois auraient été sauvegardés. Cela fait « cher » l’emploi sauvegardé quand on sait que le coût du CICE pour cette période aurait permis de financer environ 500 000 emplois rémunérés au salaire moyen tel qu'il est déterminé par l'INSEE. Las, loin de tirer les conséquences de l'absence de résultat probant de cette politique de l'offre, le Gouvernement a annoncé vouloir renforcer le CICE et baisser le taux de l'impôt sur les sociétés à 28 % d'ici 2020 et ce, sans intention de revoir son assiette, pourtant mitée par les régimes et les dispositifs dérogatoires. L'orientation est claire, et plusieurs conséquences sont d'ores et déjà prévisibles : la baisse des recettes paupérisera l'action publique, pèsera sur les comptes publics et déformera davantage la répartition de la charge fiscale. Et ce, sans aucune garantie en termes de relance économique puisque ces allègements permettront aux entreprises (notamment les plus grandes) de dégager davantage de bénéfices qu'elles verseront sous forme de dividendes. Cette tendance à privilégier les dividendes sur les embauches et l'investissement est en effet déjà à l’œuvre. De tels choix ne sont pas seulement inefficaces sur le plan économique, ils sont aussi dangereux en ce qu'ils alimentent l'affaiblissement du consentement à l'impôt, consentement par ailleurs déjà durement mis à l'épreuve par les grandes affaires de fraude fiscale...

Contrairement à ce qui est bien souvent suggéré, il existe une alternative pour restaurer le consentement à l'impôt, éviter le report d'imposition sur les ménages, neutraliser la finance, servir l’activité économique réelle et financer les besoins sociaux. Le tout en tenant compte des « réalités économiques », c'est-à-dire du contexte global dans lequel l'économie française évolue.
En matière d'imposition des revenus, plusieurs principes doivent être respectés : renforcer le consentement à l'impôt grâce à une réforme permettant de réduire les inégalités, imposer l'ensemble des revenus selon les mêmes règles et préserver deux sources de financement distinctes de la sécurité sociale et du budget de l’État. Dans ce cadre, un impôt sur le revenu à l'assiette élargie disposant d'un barème permettant une progressivité générale et régulière et prenant mieux en compte l'équité horizontale que le quotient familial ne le fait, permettrait de dégager des ressources et d'introduire davantage d'équité fiscale.
Par ailleurs, en matière d’imposition des entreprises, un rééquilibrage entre la contribution versée par les PME et celle des grands groupes est possible en imposant plus fortement la distribution de dividendes. Condition sine qua non de ces réformes, une revue des niches fiscales en matière d'imposition des revenus et des sociétés est indispensable pour élargir leurs assiettes et empêcher l'optimisation fiscale.
Bien entendu, il est nécessaire de promouvoir la marche vers l'harmonisation fiscale européenne grâce à un « serpent fiscal européen » qui limiterait et réduirait les écarts d'imposition, mettrait en œuvre des assiettes communes en matière d'impôt sur les sociétés en fixant un « taux plancher », avancerait sur des procédures de contrôle communes et réactives, harmoniserait la TVA et créerait des impôts européens pour financer des grands chantiers européens (comme la transition énergétique par exemple).
Enfin, le renforcement des moyens humains, juridiques et matériels des administrations fiscales, afin de mieux combattre la fraude fiscale par exemple, s'impose en France et dans les autres pays comme une nécessité absolue.

Loin d'être incompatibles, les objectifs de justice fiscale et sociale, de protection de l'environnement et d'efficacité économique peuvent être conciliés dans le cadre d'une réforme fiscale claire et comprise. C'est ce que Solidaires Finances Publiques ne cessera de porter, quel que soit le résultat des élections présidentielles et législatives.