Le projet de loi de finances pour l’année 2018 est connu. Plusieurs mesures visent à favoriser « la finance » comme rarement, voire jamais, la France ne l’a fait auparavant.
Baisse du taux de l’impôt sur les sociétés sans réforme visant à élargir son assiette (-11 milliards d’euros d’ici 2022), suppression de la taxe sur la distribution de dividendes (- 2 milliards d’euros), instauration d’un taux unique à 30 % sur les revenus de capitaux mobiliers (-1,9 milliard d’euros), exonération des actifs mobiliers, donc financiers, du futur impôt sur la fortune immobilière (- 2,2 milliards d’euros environ par rapport à l’ISF), la stratégie fiscale du gouvernement de favoriser « la finance » est délibérée. Mais elle alimentera la concurrence fiscale européenne, elle pèsera sur l’immense majorité de la population et creusera tout à la fois les inégalités et les comptes publics.
Le manque à gagner généré par ces mesures représente pour ses bénéficiaires une hausse substantielle tout à la fois :
- du futur bénéfice disponible des sociétés : les grandes sociétés dégageront des marges de manœuvre supplémentaires pour la distribution de dividendes et le rachat d’actions. Parmi les entreprises du CAC 40, en 2016, 45,6 milliards d’euros ont ainsi été distribués sous formes de dividendes, ce qui représente 57 % de leurs bénéfices. Avec cette baisse, la tendance devrait aller en s’accélérant,
- et du pouvoir d’achat et des capacités d’épargne des ménages les plus riches : ceux-ci seront nombreux à cumuler le bénéfice de l’IFI, qui n’imposera pas leurs actifs financiers, et de la baisse de leur imposition des revenus financiers. Leur pouvoir d’achat, mais aussi leur capacité à placer et spéculer, s’en trouvera fortement augmenté.
En revanche, l’affichage gouvernemental d’une hausse du pouvoir d’achat des ménages bénéficiaires de l’allègement de la taxe d’habitation pose plusieurs questions sans réponse. Les contribuables exonérés n’en bénéficieront pas, ceux qui bénéficient d’un plafonnement en bénéficieront plus et les autres (situés dans les classes moyennes) en bénéficieront pleinement. Au surplus, le manque à gagner devant être compensé par l’État, il est probable que cette «compensation» soit de facto payée par l’ensemble des contribuables (y compris sous la forme d’une dégradation des services publics locaux). En outre, cette proposition n’est pas assortie d’une vision d’ensemble sur les questions touchant à l’autonomie financière et fiscale des collectivités territoriales. Enfin, rien n’est dit sur la révision des bases actuellement en cours...
Dans un contexte budgétaire tendu, les conséquences de ces mesures ne se font pas attendre. La hausse de la contribution sociale généralisée pénalisera de nombreux retraités (et les fonctionnaires pour qui la compensation n’est pas intégrale) tandis que la pression sur le financement de l’action publique dégradera un peu plus la qualité et la quantité de services publics dont toute la population a pourtant de plus en plus besoin.
Le projet de loi de finances prévoit en outre d’importantes suppressions d’emplois au sein des ministères économiques et financiers (1648 suppressions d’emplois prévues en 2018) et donc de la Direction générale des finances publiques, laquelle a déjà perdu plus du quart de ses effectifs depuis 2002 alors que la charge de travail a pourtant continuellement augmenté. Difficile dans de telles conditions de trouver crédibles les déclarations gouvernementales en matière de lutte contre la fraude fiscale...
Projet de loi de finances 2018 : « mon amie, c’est la finance ! »