Dans le cadre du plan égalité professionnelle ministériel, une réunion technique ministérielle s’est tenue sur les écarts de rémunération entre les femmes et les hommes du Ministère de l’Économie, des Finances et de la Relance, le 8 février. Le même constat est confirmé, année après année… les agentes du MEFR sont moins bien rémunérées que les agents.

A la Fonction Publique d’État, en 2019, les femmes touchaient 13,10 % de rémunération en moins que les hommes. Aux Ministères Économiques et Financiers, en 2021, l’écart en défaveur des femmes est de 8,10 %... alors que nous en sommes déjà à notre 3ème plan ministériel relatif à l’égalité femmes/hommes...

A un mois pile de la journée internationale de lutte pour les droits des femmes, le 8 mars, ces constats renouvelés et jamais corrigés laissent un arrière-goût bien amer et une question, parmi d’autres : et donc ? Des correctifs ? Des moyens budgétaires ?

Seule réponse serinée tout le temps de cette réunion dite technique : il faut affiner les analyses et déterminer les actions à mener.

Et donc ? Rien.

Une rémunération systématiquement en défaveur... des femmes... 

Le seul document de travail était un diaporama déroulant les résultats d’une étude menée par la Délégation Diversité et Égalité Professionnelle (DDEP) du MEFR.

Nous attendions avec impatience cette étude et comme on l’avait pressenti, la rémunération des femmes est dans la FPE et au MEF systématiquement en défaveur des femmes. Il reste encore du chemin à parcourir pour atteindre une égalité pleine et entière. Non seulement les femmes font une double journée mais en plus elles sont moins bien payées pour un travail identique. A part en 2019 et 2020, où les catégories B semblent mieux rémunérées, pour tous les autres corps, l’écart de rémunération est systématiquement en défaveur des femmes.

Les femmes sont moins représentées dans les corps les mieux rémunérés : effet ségrégation parce que poste « stratégique ». Quel est le poids du développement des postes à profil et des Lignes Directrices de Gestion (LDG) notamment en matière d’affectation suite à promotion ?

... Dans un document incomplet, très difficilement lisible et compréhensible

Des chiffres exprimés en positif mais à comprendre en négatif, aucune donnée brute, aucun détail des calculs entrepris, pas de présentation de la méthodologie… Si ce premier exercice se voulait éclairant (dixit le Secrétariat général), c’était à la lueur d’une bougie alors qu’il faudrait une torche pour éclairer avec force le sujet des inégalités salariales !

Ensuite, certaines données sont trompeuses et méritent d’être détaillées. Un traitement de masse fait ressortir des avantages pour les femmes quand elles sont majoritaires dans certaines catégories, ce qui est logique, mais ce qui importe c’est la rémunération moyenne et médiane des femmes, avec les explications conjoncturelles de leur forte présence (telle la catégorie B à la DGFiP).

Le lien est à faire notamment avec la question des déroulés de carrière qui restent majoritairement en faveur des hommes qui n’ont pas à compenser congés maternités, temps partiel et, certainement problème à venir, télétravail.

Tout comme le fait que les femmes, si nous restons sur l’exemple des B DGFiP, passent moins de concours que les hommes et restent donc plus longtemps sur les hauts grades de cette catégorie notamment…

Solidaires Finances continue de revendiquer des études de cohortes qui seules permettent d’obtenir des résultats sur la durée, avec des données recoupant genre et âge, en suivant l’évolution de la situation.

La DGDDI, direction la plus masculine du MEFR et où de nombreux problèmes d’inégalité femmes-hommes ont lieu, est aussi celle où le moins d’informations d’analyses a été donné (et c’est déjà très peu dans le document global)...

L’INSEE fait un sans-faute toutes catégories confondues, quand la DGDDI coche toutes les cases négatives. Les grades A+ et A sont moins bien rémunérés quelle que soit la direction sauf à l’INSEE. Dans toutes les directions (sauf DGDDI et Services centraux), les catégories B sont mieux rémunérées mais comme nous l’avons écrit ci-avant, c’est un effet d’optique statistique… Dans toutes les directions (sauf DGDDI), les catégories C sont mieux rémunérées, excepté à la DGFiP où le personnel technique (très masculin) est mieux rémunéré.

Et donc ?

Nous avons le sentiment que l’on passe à côté du principal, à savoir des pistes d’actions pour résorber réellement les inégalités entre les femmes et les hommes du MEFR, plus spécifiquement en termes de rémunération, objet de la réunion, et la première d’entre elles serait bien sûr d’avoir un budget pour répondre à ces inégalités. Ce qui n’est pas le cas, loin s’en faut.

Solidaires Finances demande :
- Que soient fournies aux représentant.e.s du personnel, l’ensemble des fiches détaillées par corps envoyées aux directions,
- Que la méthodologie soit précisée, que des statistiques soient réalisées plus finement par grade et plus nombreuses avec les moyennes et médianes au sein de chaque grade,
- Que des réunions sur l’égalité femmes-hommes soient organisées dans toutes les directions, ce qui n’est toujours pas le cas à la DGCCRF…
- À connaître les mesures concrètes que le MEFR compte mettre en place pour résorber ces injustices salariales,
- Que des actions soient proposées, au-delà de la seule mention de devoir effectuer des travaux complémentaires !

Si le Secrétariat général se satisfait de voir baisser les chiffres de 0,05 % par an, ce n’est pas le cas de Solidaires Finances. Les inégalités sont encore très loin de se résorber ! Et il faudra encore de nombreux plans ministériels d’égalité femmes/hommes avant que les injustices ne soient réparées.

Un projet de baromètre de l’égalité calqué sur l’index égalité

La Fonction publique d’État a pour projet de créer au cours du 1er trimestre 2022, un baromètre interministériel de l’égalité, à l’instar de l’index égalité mis en œuvre dans le secteur privé. Aucune précision n’a été apportée au cours de la réunion, le projet étant encore à préciser en lien avec la DGAFP.

Index égalité, késako ? La loi du 5 septembre 2018 dite « avenir professionnel » prévoit l’obligation de mesurer les inégalités salariales entre les femmes et les hommes dans les entreprises du secteur privé. Ceci se fait via un indicateur, une note, qu’on appelle l’INDEX. Elle est établie suivant plusieurs critères et doit être publiée avant le 1er mars pour l’année passée.

L’index prend la forme d’une échelle de 100 points comprenant quatre ou cinq critères, selon la taille de l’entreprise. On additionne le nombre de points obtenus pour chaque critère pour obtenir la note finale : l’écart de rémunération (40 points), la comparaison de nombre de femmes augmentées par rapport aux hommes (20 points), la comparaison du nombre de femmes promues par rapport aux hommes (15 points), le pourcentage de femmes augmentées à l’issue de leur congé maternité (15 points), le nombre de femmes parmi les 10 plus hautes rémunérations (10 points).

Les entreprises qui ne publient pas leur index dans ces délais risquent une sanction de la DREETS qui peut atteindre 1% de la masse salariale. Celles qui auront moins de 75/100 auront 3 ans pour mettre en place des actions de rattrapage. Si, au bout de 3 ans, l’entreprise a toujours moins de 75/100, elle sera aussi sanctionnée financièrement avec une pénalité pouvant aller jusqu’à 1 % de la masse salariale.

L’Union syndicale Solidaires a déjà pointé des limites lors de l’instauration de cet index : attaque partielle de l’inégalité salariale, choix des critères retenus relativisant d’avance la note obtenue, risque d’amener encore plus d’opacité et de se donner une note de bonne conscience sans agir, etc.

Si c’est pour que la Fonction Publique d’État, donc le MEFR, s’octroie le même type d’outil affichant bonne conscience et n’engageant aucune action concrète, ce n’est pas la peine. C’est déjà le cas aujourd’hui.

Et ailleurs, dans la société comme dans la Fonction Publique, le constat est le même.

En 1970, les femmes ne représentaient que 38 % de la population active et le même pourcentage d’ouvriers et d’employés. Actuellement, elles constituent 48,5 % de la population active mais plus de 52 % des classes populaires.

Sous l’effet de la numérisation et de l’automatisation des tâches, les emplois administratifs (dactylo, standardistes, comptables …) qui correspondaient à 36 % des employé.e.s en 1982 ont quasiment disparu.

Concomitamment, le vieillissement de la population et la transformation des activités domestiques en emplois à domicile, ont entrainé l’augmentation du nombre d’assistantes maternelles, de gardes d’enfants, des femmes de ménage, aide aux personnes âgées et handicapées mais aussi du personnel de la fonction publique telles que les agent.e.s de services hospitaliers, les aides médico-psychologiques.

L’accroissement du prolétariat féminin provient essentiellement de ces deux catégories de personnel, à savoir : le personnel des services directs aux particuliers et les agentes de service de la fonction publique. Ces deux groupes constituent 60 % de l’ensemble des employés.

La fonction publique est majoritairement féminine : 63 % du personnel est féminin, 71 % dans l’éducation nationale et ce chiffre s’élève à 78 % dans la fonction publique hospitalière où elles sont notamment : aides soignantes, infirmières, sage-femmes, puéricultrices…Elles sont plus souvent à temps partiel que les hommes (28,5 % d’entre elles contre 11 % des hommes).

Dans la plupart de ces professions, les conditions de travail ont été dénoncées tout comme l’insuffisance des effectifs et des rémunérations très en-deça de la moyenne européenne.

L’État table depuis de nombreuses années sur le dévouement des femmes, sous prétexte qu’elles exercent leur profession par vocation. La crise du COVID, et l’accroissement des profits des Français les plus riches a mis en exergue un point de non-retour.

Il y a donc un fort enjeu pour les femmes, comme pour la société, de mettre en place de véritables filières professionnelles qualifiées et revalorisées.

[...]

Retrouvez l'intégralité des 4 pages 8 mars de notre fédération aux Finances, Solidaires Finances, au format PDF, avec des tableaux chiffrés et des informations complémentaires.

 

« La société demande à une mère d’élever ses enfants comme si elle n’avait pas de travail, de travailler comme si elle n’avait pas d’enfant et d’avoir l’apparence d’une femme qui n’a ni travail, ni enfant »