Si Emmanuel Macron a confirmé son refus de rétablir l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF), sa suppression est l’un des symboles de l’injustice fiscale et sociale dénoncée avec force par le mouvement des « gilets jaunes ». Cet impôt, autrefois calculé sur la valeur nette du patrimoine imposable (déduction faite des réductions et exonérations...), a d’ailleurs souvent fait l’objet de débats passionnés : contesté et remanié à plusieurs reprises, il a constamment occupé dans le débat public une place symbolique inversement proportionnelle à son poids dans les recettes fiscales.
Plusieurs raisons expliquent sa dimension symbolique :
- lors de sa création dans la loi de finances pour 1989, Michel Rocard avait expliqué qu’il permettrait de financer le revenu minimum d’insertion (devenu revenu de solidarité active),
- de manière générale, son objectif était d’imposer le patrimoine net au-delà d’un certain seuil qui, de fait, exonérait la totalité des contribuables à l’exception des plus riches.
Pour mémoire, en 2017, pour sa dernière année d'existence, on dénombrait 358198 redevables de l’ISF pour un rendement de 5,06 milliards d’euros. Il représentait ainsi 1,7 % des recettes fiscales nettes de l’État (une proportion historiquement constante). Compte tenu de ces éléments, et bien que « remplacé » par l’impôt sur la fortune immobilière (l’IFI) au faible rendement (1,5 milliard d’euros prévus pour 2019), sa suppression décidée en 2017 revêt une dimension très symbolique. Et ce d’autant plus qu’elle s’accompagne de la baisse du taux de l’impôt sur les sociétés et d’une baisse conséquente de l’imposition des revenus financiers (revenu des dividendes et des obligations, plus-values…). Une orientation fiscale qui crée un manque à gagner budgétaire important, estimé entre 5 et 7 milliards d‘euros, et qui favorise la distribution de dividendes et la hausse des inégalités.
Or, la période le montre, il y a urgence à rendre le système fiscal plus juste donc plus redistributif. Cela ne concerne pas seulement l’ex-ISF mais bien l’ensemble du système fiscal. Pour opérer un véritable rééquilibrage, on ne peut cependant se contenter de rétablir l’ISF tel qu’il existait. En effet, celui-ci n’était pas parfait : il existait de nombreuses mesures dérogatoires permettant de le réduire, voire d’y échapper. Un véritable impôt sur le patrimoine passe donc par un impôt sur le patrimoine rénové, à l’assiette plus large que celle de l’ex-ISF.
En effet, l’imposition du stock de patrimoine, financier, mobilier et immobilier, se justifie tant sur le plan économique (il s‘agit de taxer la rente quelle qu’elle soit, notamment la rente financière et pas seulement la rente immobilière avec l’IFI) que social, puisqu’un tel impôt permet de réduire les inégalités de patrimoines et de renforcer le consentement à l’impôt. Mais cela ne suffit pas : il faut également imposer l’ensemble des revenus au barème progressif de l’impôt sur le revenu. Ceci suppose d’en finir avec le prélèvement forfaitaire unique.
D’autres mesures fiscales méritent également d’être prises. Le syndicat national Solidaires Finances Publiques y reviendra dans ses prochaines expressions dans le cadre de sa campagne « justice fiscale et sociale pour toutes et tous ».