Comme Nicolas Sarkozy voici dix ans, Emmanuel Macron s’est rapidement vu qualifier de « président des riches ». En réalité, à bien des égards, Emmanuel Macron est allé bien plus loin, en témoignent ses premiers choix fiscaux et les récentes mesures prises en réponse au mouvement des « gilets jaunes »...

 

Les mesures fiscales de la loi de finances 2018 sont particulièrement marquées. A la différence de Nicolas Sarkozy qui avait contourné le très symbolique impôt de solidarité sur la fortune (ISF) en instaurant un « bouclier fiscal » (dont le gain était massivement concentré sur les plus riches), Emmanuel Macron l’a purement et simplement supprimé. Il n’a laissé qu’un impôt sur la fortune immobilière (IFI) au rendement marginal. De fait, la détention d‘actifs financiers est donc aujourd’hui pleinement exonérée. Par ailleurs, le prélèvement forfaitaire unique (PFU), un impôt proportionnel sur les revenus financiers (dividendes d’actions, revenus d’obligation, plus-values sur cession de titres etc) est également une mesure très concentrée sur les plus riches, plus avantageuse que l’ancien prélèvement libératoire…

En 2007, Nicolas Sarkozy avait prétendument agi pour les « classes moyennes » en défiscalisant les heures supplémentaires. Emmanuel Macron marche aujourd’hui dans ses pas et rétablit cette disposition emblématique de la loi « travail, emploi et pouvoir d’achat » (tepa) d’août 2007 avec cependant une particularité : depuis la « loi travail », la majoration des heures supplémentaires peut être abaissée de 25 % (pour les 8 premières heures supplémentaires) à 10 %. Une partie de la rémunération supplémentaire se trouve en quelque sorte « auto-financée » par les salariés eux-mêmes, ce qui n’était pas le cas auparavant.

En outre, comme cela avait été le cas avec la loi « tepa », ce dispositif est porteur de réels effets pervers qui ne peuvent qu’être amplifiés par la possibilité de baisser la majoration de la rémunération des heures supplémentaires : plutôt que d’embaucher ou d’augmenter les salaires, de nombreuses entreprises préféreront recourir aux heures supplémentaires (moins payées qu’auparavant). Le dispositif de la loi « tepa » avait d’ailleurs été analysé par le Comité d’évaluation des dépenses fiscales et des niches sociales. Selon son rapport publié le 29 août 2011: « à ce stade, il n’est possible de tirer des observations que des enseignements limités quant à l’impact de ces exonérations sur les heures supplémentaires ». Le rapport souligne également «  des pratiques d’optimisation fiscalo-sociale associées à la déclaration d’heures supplémentaires fictives », relevant que le dispositif « est moins ciblé sur les ménages modestes que d’autres dispositifs concourant à favoriser l’offre de travail, comme la PPE ou a fortiori le RSA (…) L’avantage fiscalo-social est nettement croissant avec le niveau de vie, du fait de la proportionnalité des cotisations sociales, et plus encore de la progressivité de l’impôt sur le revenu ».

Le bilan plus que mitigé du précédent dispositif aurait dû inciter Emmanuel Macron à la prudence et à privilégier d’autres choix correspondant mieux au désir de justice fiscale et sociale qui s’est exprimé dans le pays. Car ni les chômeurs, ni les retraités, ni encore de nombreux salariés ne se retrouveront dans cette exonération qui s’annonce par ailleurs coûteuse pour les finances publiques (2,4 milliards d’euros de pertes sociales et fiscales).