L'impôt sur le revenu est pris en étau entre ses principes fondamentaux (l'impôt direct progressif censé prendre en compte les facultés contributives) et la réalité...
Une progressivité souhaitable
L’impôt sur le revenu (IR) est le principal impôt progressif du système fiscal : en clair, le taux effectif d’imposition (soit le rapport entre l’impôt réellement payé et les revenus imposables) augmente en théorie au fur et à mesure que l’on s’élève dans la hiérarchie des revenus.
Contrairement à un impôt proportionnel qui impose tous les contribuables au même taux, un impôt progressif apporte une réponse à la théorie de l’utilité marginale décroissante des revenus. La progressivité permet ainsi : de ne pas imposer la part du revenu consacrée à la satisfaction de besoins essentiels (manger, se loger…), d’imposer plus fortement les hauts revenus que les bas revenus ce qui allège la charge fiscale des classes moyennes (ce qui permet un soutien à la consommation) et de réduire les inégalités entre la situation « avant impôt » et la situation « après impôt ». Le tout, en dégageant des ressources budgétaires conséquentes qui permettent de financer l’action publique.
Une progressivité contrariée
De nombreux dispositifs contrarient cette progressivité : ce sont globalement tous les dispositifs dérogatoires comme ceux qui permettent une déduction du revenu imposable, une réduction d’impôt, un crédit d’impôt ou encore ceux qui relèvent d’une imposition différenciée (comme notamment le prélèvement forfaitaire unique qui impose les revenus financiers comme les dividendes et les plus-values financières au taux proportionnel de 30 %, décomposé en 12,8% au titre de l’IR et 17,2 % au titre des prélèvements sociaux parmi lesquels la CSG).
Les « niches fiscales » (ou dépenses fiscales) se sont accumulées au fil du temps, à tel point qu’un plafonnement intégrant plusieurs d’entre elles a été instauré en 2009. Les premiers plafonds étaient élevés et permettaient une large défiscalisation. Ce plafond a été ensuite abaissé à 10 000 euros pour limiter l’optimisation fiscale permise par le cumul de plusieurs « niches fiscales » et d’autres dispositions dérogatoires.
Cela dit, il existe toujours des possibilités d’optimiser son impôt. Le plafonnement s’applique aux nouvelles stratégies de défiscalisation et ne concerne pas les anciennes, antérieures au plafond actuel. Les opérations de défiscalisations antérieures au plafond (ou engagées lors des plafonnements antérieurs, plus élevés et permissifs) échappent en effet toujours au plafond actuel. En clair, les contribuables qui bénéficiaient des plafonds antérieurs ont conservé leurs « acquis fiscaux ». D’une certaine manière, on peut dire qu’il existe une force d’inertie de l’optimisation fiscale pleinement utilisée par ses principaux bénéficiaires.
Tous les dispositifs ne sont pas plafonnés. Il en va ainsi de ceux qui tiennent compte de la situation personnelle (par exemple, les frais d'établissements pour personnes dépendantes) et de ceux qui poursuivent un objectif d'intérêt général sans contrepartie (par exemple, les dons aux organismes d'intérêt général). Par ailleurs, certains dispositifs échappent étrangement au plafond comme la loi Malraux et les investissements dans les monuments historiques. Enfin, il existe un plafonnement spécifique de 18 000 euros pour l’investissement outre-mer.
Une progressivité relative
Si l’on rapporte l’impôt réellement payé par les contribuables à leur revenu de référence, il apparaît à la lecture des statistiques de l’imposition des revenus de l’année 2016 (imposables en 2017) que le taux effectif s’élève régulièrement pour atteindre un maximum légèrement supérieur à 27 % concernant les revenus fiscaux de référence compris entre 500 000 et 900 000 euros. Mais ce taux effectif baisse régulièrement ensuite pour se situer à 20,6 % pour les revenus fiscaux de référence supérieurs à 9 millions d’euros.
Il sera particulièrement instructif d’analyser l’impact du prélèvement forfaitaire unique sur la progressivité de l’IR. En effet, le PFU au taux de 30 % bénéficie pleinement aux contribuables les plus aisés. Il devrait s’ensuivre un affaiblissement supplémentaire de la progressivité de l’IR qui confirmera et aggravera la tendance actuelle en matière de hausse des inégalités.
Il résulte de cette situation que :
- d’une part, l’IR n’est toujours pas pleinement progressif : au-delà d’un certain niveau de revenu, il est même dégressif,
- d’autre part, qu’il présente des taux réels d’imposition bien inférieurs aux taux affichés du barème et ce, évidemment en raison de l’application du barème par tranche de revenu mais aussi de l’importance de l’optimisation fiscale.
Tranche du revenu fiscal de référence (en euros) |
Nombre de foyers fiscaux | Taux effectif en % |
0 à 10 000 | 8 718 832 | - 0,34 |
10 001 à 12 000 | 2 116 809 | - 0,22 |
12 001 à 15 000 | 3 408 910 | - 0,21 |
15 001 à 20 000 | 5 954 707 | 1,39 |
20 001 à 30 000 | 6 884 088 | 3,4 |
30 000 à 50 000 | 6 645 504 | 5,14 |
50 001 à 100 000 | 3 388 432 | 9,53 |
100 001 et plus dont : 100 001 à 200 000 200 001 à 300 000 300 001 à 400 000 400 001 à 500 000 500 001 à 600 000 600 001 à 700 000 700 001 à 800 000 800 001 à 900 000 900 001 à 1 000 000 1 000 001 à 2 000 000 2 000 001 à 3 000 000 3 000 001 à 4 000 000 4 000 001 à 5 000 000 5 000 001 à 6 000 000 6 000 001 à 7 000 000 7 000 001 à 8 000 000 8 000 001 à 9 000 000 plus de 9 000 000 |
771 899 616 079 |
19,94 16,35 |
Total | 37 889 181 | / |
(Source : site impot.gouv.fr, données ; revenus 2016 imposés en 2017)
Lecture : les foyers fiscaux dont le revenu fiscal de référence est compris entre 900 001 et 1 million d’euros connaissent un taux effectif d’imposition moyen de leurs revenus à l’IR de 26,92 %. Le taux effectif peut être inférieur pour les contribuables non imposables percevant une restitution.