Si l’impôt sur le revenu est l’impôt le plus « connu » des contribuables, c’est bien la contribution sociale généralisée (CSG) qui demeure le prélèvement sur les revenus le plus important en matière de rendement budgétaire.

Présentation croisée

L’impôt sur le revenu est un impôt direct progressif calculé sur le salaire net (déduction faite des cotisations sociales et d’une large part de la CSG) après application du quotient familial et de certaines « niches fiscales ». Affecté au budget de l’État, il présente un rendement net de 70 milliards d’euros.

De son côté, la CSG est un impôt proportionnel affecté à la sécurité sociale (branches maladie et famille), individualisé, prélevé à la source, présentant des taux différents selon les assiettes auxquelles il s'applique (revenus d'activité, de remplacement, de capital, de jeux) et ne disposant pas de « niche ». Son rendement s'élève à 101,67 milliards d'euros en 2019 après avoir atteint un pic à 116,54 milliards d’euros en 2018 selon la loi de financement de la sécurité sociale pour 2019. La CSG est donc, et de loin, le principal prélèvement sur le revenu.

Malgré cela, on notera, que le total de la CSG et de l’impôt sur le revenu, rapporté au produit intérieur brut, reste en deçà de la moyenne des pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) : il représente près de 18,8% des recettes fiscales totales contre 23,8% dans les pays de l'OCDE (données 2016).

La progressivité au péril de l’imposition proportionnelle

Dans une déclaration de janvier 2019 dont il a le secret, Gérald Darmanin, le ministre le l’action et des comptes publics, estimait que la CSG est un "bon impôt" car "il est proportionnel ". Outre que le ministre sait parfaitement que le système fiscal français est très faiblement progressif, cette déclaration a de quoi faire bondir. Le ministre, et par là-même le gouvernement, définit unilatéralement, en plein « grand débat », ce qu’est un bon impôt. Pire, il se positionne clairement en faveur d’une imposition proportionnelle, alors que la progressivité de l’impôt constitue l’un des piliers du système fiscal français.

Lorsqu’elle est effective, la progressivité permet tout à la fois de dégager des ressources budgétaires (du fait de la concentration des richesses dans le haut de la distribution des revenus et des patrimoines : le 1% des français les plus riches perçoit 7% du revenu total des ménages et détient 30% du patrimoine total des ménages) et de réduire les inégalités. Elle permet ainsi de tenir compte des facultés contributives comme le prévoit dans son article 13, la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen de 1789 (intégrée au bloc de constitutionnalité). Elle répond également à la théorie économique de l’utilité marginale décroissante des revenus. Selon cette dernière, les revenus faibles sont essentiels pour la survie (ces revenus sont consommés et alimentent donc le circuit économique) alors qu’une part croissante des hauts revenus n'est pas consommée (ou est consacrée à des consommations moins vitales et plus « superficielles ») et n'est donc pas réinjectée dans le circuit économique. Ceci leur permet de supporter une imposition plus importante.

La progressivité joue ainsi non seulement un rôle social majeur mais aussi économique : elle impose plus fortement les hauts revenus tout en soulageant les bas revenus, ce qui permet à ces derniers de soutenir la demande et de faire face aux besoins essentiels.

A la différence d’un impôt progressif, un impôt proportionnel ne réduit pas les inégalités (au contraire, il les alimente) et pénalise le pouvoir d’achat des plus pauvres et des classes moyennes (plus taxés en proportion). Gérald Darmanin s’inscrit ainsi dans la droite ligne des libéraux et des conservateurs qui ont combattu depuis le 19ème siècle les projets de création ou d’amélioration de la progressivité du système fiscal.

L’histoire a pourtant montré que les impôts progressifs ne nuisaient pas à l‘activité économique : les impôts progressifs étaient bien plus élevés qu’actuellement au cours des « trente glorieuses » durant laquelle la croissance était incomparablement plus élevée qu'aujourd'hui. Mieux, ils ont permis une réduction des inégalités au cours du 20ème siècle. Or, celles-ci repartent à la hausse et devraient se poursuivre sous l’effet des mesures prises dans la loi de finances 2018 (avec la flat-tax sur les revenus et les plus-values financières et la suppression de l’impôt de solidarité sur la fortune).

Le gouvernement tombe ainsi le masque : vive le moins d’impôt et l’impôt proportionnel, à bas la progressivité, la réduction des inégalités et la cohésion sociale...