L’institut BVA a réalisé début février 2019 un sondage portant sur les principales thématiques du « grand débat » organisé par le gouvernement. Une rapide lecture le montre : les questions du sondage sont objectivement orientées. Elles s’inscrivent toutes dans un cadre et des projets donnés : la réduction des dépenses publiques et, par conséquent, les formes « low cost » de service public. Malgré la critique que l’on peut en faire, et sur laquelle nous reviendrons, ses résultats restent plutôt instructifs.

Finances publiques : des réponses téléguidées

S’agissant des finances publiques, 76 % des sondé.es se déclarent plus favorables à une baisse des dépenses qu’à une hausse des impôts pour réduire les déficits publics. Il ne faut pas voir dans ce résultat la validation de la politique budgétaire menée depuis de longues années ni la re-légitimation des choix gouvernementaux. Car la question posée est tout sauf neutre : la réduction du déficit.

En effet, le mouvement actuel porte sur le pouvoir d’achat puisque celui-ci est insuffisant en raison d’une part, de la faiblesse des revenus et d’autre part, de l’importance des dépenses, privées et publiques. Très légitimement, il est tout bonnement impossible, pour les ménages, d’accepter une hausse de leurs impôts, puisqu’ils ont déjà le sentiment, parfaitement justifié, que le système fiscal est injuste et pèse trop lourdement sur eux. Formuler ainsi cette question ne peut donc qu’amener cette réponse. Mais cela ne peut occulter, par ailleurs, que l’immense majorité de la population s’est déclarée, de longue date, demandeuse d’une réforme fiscale…

Service public : des besoins importants

Les sondé.es veulent par ailleurs très majoritairement davantage de service public. Et ce, quelle que soit la forme (maisons de services au public, agents polyvalents ou services publics itinérants). La raison en est simple : nombreux sont celles et ceux qui n’ont actuellement plus accès (ou un accès difficile, car numérique et éloigné) au service public.

A ce titre, le seul fait que près de 80 % des personnes se déclarent favorables à la mise en place d’agents polyvalents leur permettant de répondre à la plupart des questions est révélateur. Certes, les agents publics savent bien qu’il est impossible d’être omniscient. Mais le sondage montre un réel besoin : celui d’avoir un accès aisé à un service public diversifié, solide, compétent et humain… On peut d’ailleurs avancer sans risque que, si la question n’avait pas concerné les maisons de services au public et le service public itinérant mais qu’elle avait porté sur une véritable reconquête territoriale par l’implantation de véritables services publics pérennes, la réponse aurait été encore plus largement favorable, voire enthousiaste.

Concernant les dépenses publiques, 74 % des personnes sondées estiment qu’il faut réduire les dépenses de l’État. Là aussi, la réponse n’a pas de quoi surprendre : répondre à une question sur le « comment » réduire les dépenses ne peut qu’aboutir à une réponse sur le « comment » réduire les dépenses. CQFD. L’autre réponse possible était de réduire les dépenses sociales, auxquelles la population est très attachée. Or ces dépenses, souvent critiquées par le discours dominant, représentent un tiers du revenu global des ménages. Et fort logiquement, personne ne veut amputer ses revenus. Le gouvernement devrait méditer cela à l’heure où il veut engager une réforme des « retraites » et, plus largement, dans ses orientations concernant la protection sociale…

Par ailleurs, ils ne sont que 11 % à estimer qu’il faut réduire les dépenses sociales. Et seulement 9 % favorables à une réduction des dépenses des collectivités locales. A ce sujet, il est instructif de remarquer que les personnes interrogées se montrent très attachées à la commune (65 %) et au département (37 %) et, à l’inverse, de voir que l’attachement à la région et à l’intercommunalité est faible (respectivement 25 et 15 %). Or, ces deux derniers échelons locaux sont ceux qui montent le plus en puissance, contrairement à la commune et au département… Là-aussi, le décalage entre la volonté et l’orientation des pouvoirs publics et la population est patent.

Que penser de ce sondage ?

Au-delà des quelques questions « institutionnelles », sur lesquelles nous ne reviendrons pas ici, l’analyse « en creux » de ce sondage est au moins aussi parlante que ses résultats propres. Il ignore en effet délibérément des enjeux qui sont pourtant au cœur du mécontentement actuel : la justice fiscale et sociale c’est-à-dire la réforme du système fiscal en rétablissant notamment plus de progressivité, la présence de véritables services publics de proximité (et non un service « low cost » comme s’apprête à le faire le gouvernement), l’investissement dans le réseau public de transport (pour éviter que 40 % ne se déclarent dépendants de leur véhicule), etc.

Au final, ce sondage très orienté n’apporte pas grand-chose. Mais il confirme des attentes connues et ne légitime aucunement les orientations gouvernementales.