Le projet de loi visant à instaurer une « taxe GAFA », autrement dit une taxe sur les services numériques, a été présenté le mercredi 6 mars au Conseil des ministres. D’un taux de 3 % sur le chiffre d'affaires, elle s’appliquerait selon le Ministre de l’économie à "toute entreprise proposant des services numériques" en France et réalisant un chiffre d'affaires de plus de "750 millions d'euros au niveau mondial et 25 millions d'euros en France". Moins de 30 entreprises seraient concernées dont Alibaba, Amazon, Apple, Ebay, Google, Groupon, Booking, Expedia, Tripadvisor, Uber, Amazon, Facebook, Google, Microsoft, Twitter...
Ce projet fait suite à l’échec des discussions menées au sein de l’Union européenne sur l’instauration d’une taxe GAFA de 3 % calculée sur le chiffres d’affaires des entreprises du numérique réalisant un chiffre d’affaires d’au moins 750 millions d’euros. Il accompagne également les discussions menées au sein de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) durant lesquelles, fin janvier, 127 pays dont les États-Unis, se sont engagés à trouver d'ici à 2020 un accord sur la taxation des géants du numérique. Ces discussions ne sont pas nouvelles, elles ont une fâcheuse tendance à traîner en longueur alors que la concurrence fiscale s’intensifie. Si l’impôt sur les sociétés est directement en question, la TVA de son côté n’est pas en reste : à titre d’exemple, le secteur hôtelier subit la concurrence d’Air Bnb qui offre désormais des prestations hôtelières.
La numérisation croissante de l'économie devrait pourtant obliger les États à revoir rapidement les règles fiscales. Celles-ci sont en effet obsolètes : elles obéissent à une approche traditionnelle de l’activité économique (des activités localisables et « physiques ») basée, notamment, sur la notion d’établissement stable, aujourd’hui dépassée, à l’instar du principe de « pleine concurrence » applicable aux prix de transfert. Le droit fiscal étant détourné, il en résulte une contraction des bases taxables avec pour conséquences : un transfert d’imposition sur les autres agents économiques, une distorsion de l’activité économique, une pression sur les budgets publics, la montée d’un sentiment d’une injustice fiscale croissante, etc.
La taxe proposée par le gouvernement ne répond pas aux enjeux. Son rendement (500 millions d’euros) est particulièrement faible et elle ne modifie pas la structure de l’imposition des sociétés. Le principe selon lequel l’entreprise doit être imposée là où elle réalise ses profits, actuellement contourné, ne sera toujours pas respecté.
Avec la numérisation de l’économie, l’importance des actifs incorporels et la complexification des montages, l’impôt sur les sociétés est à la croisée des chemins : ses règles doivent maintenant être rapidement adaptées non seulement à la numérisation mais également à l’internationalisation de l’économie. De ce point de vue, finir de considérer qu’il faut traiter les entités d’un même groupe comme des sociétés réellement indépendantes et instaurer une taxation unitaire faisant par suite l’objet d’une répartition par pays aurait plus de sens. La « taxe Gafa » présente certes le mérite de nourrir le débat, mais le gouvernement ne saurait cependant prétendre qu’avec elle, le problème de la numérisation de l’activité économique est réglé. Tout ou presque reste à faire.
Imposition effective des sociétés : des écarts abyssaux S’il est difficile de les évaluer avec précision, les écarts de taux réels d’imposition à l’IS entre « Gafa » et autres entreprises ont toutefois donné lieu à des estimations parlantes.
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