Alors que la France a annoncé 350 millions d’euros en 2019 de recettes au titre de la taxe sur les activités numériques, la crise actuelle pourrait remettre en selle les opposants à toute avancée, même minime, en matière de fiscalité internationale.

Si la concurrence fiscale n’a malheureusement jamais été remise en question, le cadre inclusif de l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE) qui regroupe plus de 130 États a tout de même pour ambition d’intégrer la numérisation de l'économie. Un accord, prévu pour être formalisé d’ici fin 2020, s’appuie sur deux piliers : le premier vise à revoir les règles d'allocation des profits pour accorder plus de poids aux pays de consommation et le second prévoit d’introduire un taux minimum d'imposition à l'échelle mondiale. L’objectif affiché de ce « paquet fiscal » étant de réduire l’évasion fiscale.

Selon toute probabilité, ce paquet ne devrait pourtant pas voir le jour en 2020. La crise et les élections américaines prévues en fin d’année sont les deux principaux éléments avancés au sein de l’OCDE pour justifier un potentiel (et prévisible) retard.

Mais l’affaire est un peu plus complexe. Certes, la crise impacte les stratégies économiques des États. Elle pèse donc sur les échéances électorales et, par conséquent, sur les négociations internationales, y compris fiscales. En réalité, plusieurs éléments pesaient déjà sur ce chantier avant la crise. Les discussions étaient déjà difficiles sur le « taux minimum ». En outre, les incertitudes économiques croissantes avant la crise, la lenteur des discussions sur le projet d’une nouvelle architecture fiscale supranationale (au sein de l’OCDE avec le « plan BEPS » comme de l’Union européenne), les conséquences du Brexit sur l’intensification de la concurrence fiscale (la Grande-Bretagne a abaissé son taux d’impôt sur les sociétés à 19 %, il devait être ramené à 17 % en avril 2020) et l’opposition de certains États à une « taxe Gafa » au sein de l’Union européenne (pourtant symbolique et plus simple à mettre en œuvre) montraient de grandes difficultés à avancer.

Or, la crise exacerbe des rapports de forces préexistants déjà tendus. Le pire n’étant jamais sûr, il est possible que le projet de l’OCDE, déjà bien timide(1), soit repoussé, amendé, voire empêché. La justice fiscale subirait alors un nouveau coup dur. Le « monde d’après » ressemble ici furieusement au « monde d’avant ».

(1) Voir la note de l’association Attac, Taxation des multinationales, vers une réforme a minima, février 2020.