Projet de loi « Transformation de la fonction publique »

Le projet de loi de transformation de la fonction publique présenté par le gouvernement par le biais du secrétaire d’Etat à la fonction publique Olivier Dussopt n’est ni plus ni moins que le dynamitage de la fonction publique. Il s’inscrit dans une logique ultra libérale fondée sur un projet global de société qui prône l’individualisme à tout va. Chacun-e est responsable de sa vie. Ainsi, celles et ceux qui peuvent font et ont. Tant pis pour les autres. Dans cet esprit, le gouvernement remet donc en cause tout ce qui relève de la solidarité et de principes collectifs. Par conséquent haro sur les services publics et la fonction publique, pourtant fondamentaux pour la redistribution des richesses et la cohésion sociale.

Dans cette société, dont il faut souligner la fragilisation, laissés pour compte, salariés et retraités pauvres, précarisés, fragilisés, se sentent aujourd’hui abandonnés laissant place à un mouvement social depuis plusieurs mois. Dans ce contexte tendu, la fonction publique fait l’objet d’attaques en règle ; elle est présentée comme facteur de rigidité et est également pointée du doigt comme étant uniquement un coût pour la collectivité. Dans cette logique du “moins de services publics”, le gouvernement affiche ses intentions : moins de fonctionnaires (120 000 suppressions d’emplois sur le quinquennat, 60 Mds€ de coupes dans les dépenses publiques). Pour ce gouvernement, la voilure des services publics et de la fonction publique doit être réduit à son strict minimum (CAP 2022), les missions externalisées, privatisées dès que l’opportunité s’en présente, les agent-e-s publics étant réduit-e-s à de simples variables d’ajustement de la dépense publique. Ils doivent donc être l’objet d’une gestion flexible et docile, pour mieux accompagner la déstructuration des services publics.
Solidaires Fonction Publique à l’inverse défend le service public et la fonction publique qui en exerce les missions comme une richesse collective indispensable pour toutes et tous, favorisant la réduction des inégalités, mission première de l’Etat. Pour Solidaires, ce projet de loi est désastreux et mortifère pour la fonction publique, les agent-e-s, les services publics, les populations, et elle exige donc le retrait du projet de loi.
La contractualisation grandissante des emplois publics comme « levier managérial » Sur les 5,5 millions d’agent-e-s public-que-s, il y a déjà 1 280 000 contractuel-le-s dans la fonction publique, pour lesquels Solidaires revendique des plans de titularisation massifs. Mais pour le gouvernement, point n’est besoin de recruter des fonctionnaires, ou si peu et quand on peut s’en passer c’est mieux.
Désormais, « pour donner de nouvelles marges de manœuvre » aux manager-euses public- que-s, les dérogations au principe d’occupation des emplois permanents de la fonction publique par des fonctionnaires se multiplient, mettant ainsi à bas ce principe fondamental qui prévoit que pour tout emploi permanent correspond un emploi statutaire.

De fait, c’est bien à la fin du statut général de la fonction publique que l’on veut nous amener. Dans le même but de donner des marges de manœuvre aux managers publics, le recrutement des fonctionnaires, déconcentré au niveau des « bassins d’emplois » est développé (article 9). Des contractuel-le-s sur les emplois de direction de toute la fonction publique La possibilité de nommer des personnes n’ayant pas la qualité de fonctionnaire sur les emplois de direction dans les trois versants de la fonction publique est ainsi ouverte (art 5 du titre II du PLFP) ouvrant ainsi les vannes d’un recrutement clientéliste, politique ou
relationnel, avec la recherche assumée de recrutements de « profils venus du secteur privé » sur des « postes à hautes responsabilités ». Avec les risques d’assujettissement et de conflits vis-à-vis des intérêts privés que cela comporte à ce niveau d’emploi...

Le contrat de projet CDD dans les 3 versants

Sous la forme de CDD d’un maximum de 6 ans, limité dans le temps à la satisfaction du projet, le contrat de projet (également nommé contrat de mission) est créé, à l’instar du privé (article 6). Destiné à conduire des projets ou missions spécifiques, il n’ouvre droit ni à CDI, ni à titularisation. Attention, ce contrat, dont la durée maximale est de 6 ans, peut être rompu par l’employeur... Précarité quand tu nous tiens.

Le recrutement direct en CDI sur des emplois permanents de l’Etat

Dans la fonction publique d’Etat, la possibilité de recruter des contractuel-le-s est étendue (article 7)« pour faire face aux évolutions des métiers de la fonction publique et aux nouvelles demandes des usager-e-s » ou encore « lorsque l’emploi fait appel à des compétences techniques spécialisées ou nouvelles » (recherche de profils,) lorsque « les fonctions ne nécessitent pas une formation statutaire »ou « lorsque la procédure de recrutement d’un titulaire s’est révélée infructueuse » (problème « d’attractivité» de certains territoires, lorsque « les fonctions ne nécessitent pas une formation statutaire », résultat d’une GPEEC tournée vers la disparition des emplois et non vers l’anticipation des besoins) .

Etablissements publics de l’Etat : recrutement contractuel généralisé


Antérieurement le recrutement de contractuel-le-s n’était possible que sur la base d’une liste d’emplois dérogatoires définie par décret. Désormais, le principe est inversé, l’embauche systématique de contractuels en CDD ou CDI est rendue possible (article 7). Elargissement du recours au contrat pour les temps incomplets de la FPT Les employeurs territoriaux pourront développer de façon généralisée le recours aux agent-e-s contractuel-le-s sur des emplois permanents à temps non complet sur une quotité de temps de travail inférieure à 50% de la durée légale (article 8)

L’évolution vers la fonction publique de métiers en route

Solidaires a des réserves sur le terme "métier" qui renvoie à la fonction publique d'emploi -dite aussi de métiers - qui implique une logique de contractualisation des emplois avec recrutement sur un seul métier précis. Cela remet en cause la fonction publique de carrière fondée sur le principe de la distinction entre le grade et l'emploi, principe fondateur du statut général de la fonction publique. En application de ce principe, tout fonctionnaire peut être amené à occuper tout emploi de son grade, par mobilité choisie ou du fait des restructurations impliquant une mobilité fonctionnelle. Pour Solidaires, le principe de séparation du grade et de l'emploi consacre ainsi l'adaptabilité de la fonction publique, bien davantage que lerecrutement contractuel sur un métier donné.

 

C’est plutôt vers l’anticipation de l’évolution des missions et compétences requises des agent-e-s public-que-s qu’il faut se tourner et cela doit se traduire dans la formation initiale et continue. Cela implique l'obligation pour l'administration de développer une formation généraliste de qualité dans les écoles de service public, complétée par des plans de formations continue ambitieux, ce qui est loin d'être toujours le cas. La formation ne doit d’ailleurs pas être uniquement utilitariste pour l’administration mais doit également répondre aux volontés des agent-e-s. Et si nécessaire, face à des missions nouvelles, pour
Solidaires, c’est à la création de filières professionnelles avec créations d’écoles de service public qu’il faut procéder et non au recours au contrat sur un métier dans une logique à court terme .

Le recrutement par concours pour une Fonction Publique ouverte à tou-t-e-s remis en cause

Le recrutement par contrat rompt avec le recrutement par concours. Faut-il le rappeler, le principe de recrutement de fonctionnaires sur les emplois permanents de la fonction publique, avec le concours comme mode de recrutement, a pour objet de remplir les missions de service public de façon égale et impartiale pour tou-te-s les usager-e-s. Le recrutement par concours permet un recrutement non discriminatoire, évitant tout clientélisme. Il répond à l’article 6 de la déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen de 1789 aux termes duquel tou-te-s les citoyen-ne-s « sont également admissibles à toute dignité, place et emplois
publics, selon leur capacité et sans autre distinction que ceux de leurs vertus et de leurs talents».

La mobilité forcée et les « départs volontaires » pour accompagner les restructurations :

Mobilité forcée, ou comment se débarrasser des indésirables ? Tout un arsenal est prévu pour la réallocation des ressources humaines au gré de l’arbitraire des managers publics, afin de faire place aux restructurations et externalisations/privatisations de missions de CAP 2022. Il faut pouvoir se débarrasser des agent-e-s au gré des restructurations.

  • Des durées minimales et maximales d’occupation sont mises en place pour certains emplois afin soit de prévoir la mobilité des fonctionnaires occupant certains types d’emplois, soit au contraire de permettre de fidéliser certain-e-s agent-e-s notamment sur un territoire.
  • Mobilité encouragée entre les trois versants de la fonction publique, en particulier de l’Etat vers les versants territorial et hospitalier (article 21) et portabilité du contrat à durée indéterminée entre les trois versants de la fonction publique (article 23)
  • Détachement d’office du fonctionnaire sur un contrat de travail à durée indéterminée pour suivre une mission externalisée que cette mission soit reprise par une personne morale de droit public gérant un service public industriel et commercial ou de droit privé (article 26).
  • AR public/ privé développés « pour acquérir et développer des compétences nouvelles et nécessaires au bon fonctionnement des services publics (article15). Une déontologie light est mise en place pour favoriser ces allers/retours.
  • Création d’un mécanisme de rupture conventionnelle aligné sur celui prévu par le code du travail, dispositif applicable aux contractuel-le-s des trois versants de la fonction publique (article 24). Une expérimentation est prévue dans les versants Etat et Hospitalier avant extension aux fonctionnaires (sur cinq ans, du 1 er janvier 2020 au 31 déc 2025) ...
  • départs volontaires de la fonction publique par démission, ouvrant droit à indemnité de départ volontaire (article 25)

Solidaires dénonce le recours à cette mobilité forcée à tout va. Destructeur pour les agent-e-s, cela le sera également pour les services publics qui seront exercés sans aucune égalité territoriale et sans qu’en soit assurée la permanence. Solidaires revendique au contraire la mobilité choisie pour des parcours de carrières valorisants, et non subis.
La rémunération au mérite ou la carotte et le bâton
Le principe de la rémunération au mérite est affirmé dans le projet de loi (article 11 du PLFP), les modalités seront développées par voie règlementaire.

En avant-goût, deux scénarii nous ont été présentés lors de la concertation préalable au PLFP.
Scénario 1 : universaliser le complément indemnitaire annuel –CIA – (partieindemnitaire variable du RIFSEEP) en bonus annuel universel modulé. Scénario 2 : financer la composante indemnitaire destinée à reconnaître le mérite de quelques-un-e-s en rognant considérablement l’indiciaire par le rallongement des carrières, la progression d’échelon des agent-e-s étant ralentie d’un ou plusieurs mois par an. Solidaires avait refusé de choisir entre la peste et le choléra et quitté le groupe de travail du 22/10/18, non sans avoir rappelé ses revendications : un système de rémunération homogène fondé sur des grilles fonction publique correspondant aux niveaux de recrutement et aux qualifications de manière égale, et des carrières linéaires revalorisées.
Si ces discussions sont renvoyées après la réforme des retraites, aucun doute sur la volonté du gouvernement d’avancer clairement dans ce sens-là.
Afin d’apprécier la « valeur professionnelle », l’entretien professionnel est généralisé dans les 3 versants. (article 10 du PLFP).
Pour Solidaires, la rémunération « au mérite » génère une dérive dans la neutralité et l’objectivité de l’exercice des missions, et va à l’encontre de la bonne réalisation de toutes les missions de service public de manière égale et impartiale vis à vis de tous les usager-e-s. Elle n’est donc pas conforme aux fondements du statut général de la fonction publique.
Les accord locaux sur le temps de travail du versant Territorial en ligne de mire Le projet de loi fonction publique prévoit dans son article 17 de supprimer les accords locaux sur le temps de travail pour le ramener aux 1607 H. Les collectivités locales auront l’obligation de les abroger d’ici mars 2021 pour le bloc communal, mars 2022 pour les départements, et décembre 2022 pour les régions. Les engagements passés des collectivités territoriales seront donc rompus par décision gouvernementale. Rappelons au passage que les fonctionnaires territoriaux-ales sont les moins bien payé-e-s des trois versants de la fonction publique....
Arbitraire et flexibilité comme mode de gestion des ressources humaines Est mise en place une gestion du personnel opaque, le cadre de défense qu’est la CAP étant vidé de son contenu.
Qu’on en juge :
- Suppression du recours individuel des agent-e-s auprès des CAP qu’il s’agisse des demandes de mutation, ou des avancements/promotions (article 12). Vos représentant-e-s élu-e-s ne pourront plus vous défendre sur ces sujets en CAP à partir du 1 er janvier 2020 en ce qui concerne les mutations, et de 2021 en ce qui concerne les avancements ou promotions.

Le rôle des CAP est pratiquement réduit à celui de la discipline, et à quelques domaines recours en cas de non titularisation, entretien professionnel, télétravail). Et encore, y échappe la sanction d’exclusion temporaire de trois jours, avec inscription au dossier, décidée sans saisine de la commission de discipline. Ce dispositif de sanction était déjà existant dans le versant Territorial. Il est désormais étendu à l’Etat et à l’Hospitalier (article 13 du PLFP).
Recul des droits pour les agent-e-s mais extension des sanctions. Voilà donc qui est révélateur de la vision qu’a le gouvernement des agent-e-s publics !
-Il ne restera comme seule possibilité aux agent-e-s que d’opérer un recours contentieux (possible à l’encontre des actes relatifs à leur situation personnelle) mais il doit être précédé, à peine d’irrecevabilité par un recours administratif préalable, ce qui implique clairement d’affronter ouvertement son chef direct, sans aide de représentant-e du personnel.
L’impact des restructurations sur les conditions de travail ? Repassez plus tard....
A l’instar du privé, le CT et le CHSCT sont fusionnés et donnent lieu à la mise en place du Comité Social d’administration à l’Etat, au comité social Territorial dans le Territorial, au Comité social d’Etablissement dans l’Hospitalier (comité social et économique dans le privé).
Seule subsiste une formation spécialisée rattachée au CT lorsque les effectifs de l’établissement dépassent un seuil fixé par décret (a priori seuil de 300 agents, également retenu dans le privé). Sa mise en place est prévue en 2022, date de renouvellement des instances lors des prochaines élections Fonction publique.
Mais est expressément exclue de la compétence de la formation spécialisée la question des
réorganisations de services alors que cette question est fondamentale à l’heure où les restructurations de service se multiplient et même s'empilent ! L’impact des réorganisations,les risques psycho sociaux y afférents disparaissent du champ de la nouvelle instance. Seul le CHSCT dans sa dimension conditions de travail permettait d’y répondre. L’extension de compétence des CHS aux conditions de travail existait depuis 7 ans seulement, elle avait montré sa pleine utilité pour les agent-e-s.


Solidaires Fonction publique exige le retrait du projet de loi.
Solidaires Fonction publique appelle à la mobilisation sans attendre par la grève, les manifestations et toute forme d'actions contre ce projet de loi.

Décryptage de la loi fonction publique