Liminaire

Nous nous retrouvons, en formation réduite et adaptée aux circonstances sanitaires, pour la deuxième fois depuis le début de l'année. Fort heureusement, durant les quatre mois et demis qui nous séparent du dernier CTR en formation classique, le dialogue ne s'est pas arrêté.

Il a pris une forme inédite, un rythme et des contenus tout aussi riches que denses. Il nous a permis d'administrer, ensemble, une période elle aussi inédite. Nous ne pouvons que vous dire notre satisfaction de lire dans la fiche relative au bilan de la gestion de crise la manière positive dont vous jugez des représentant.es du personnel que nous sommes. De notre côté, nous avons pu apprécier d'être entendus et parfois écoutés. Nous en avions à vrai dire perdu l'habitude et nous formons le souhait de l'être encore durant le temps qui nous précède.
Si nous avons été des partenaires, prêts à des concessions relativement à certaines de nos revendications, dans la gestion de la crise sanitaire, il ne faudrait pas en conclure trop rapidement que nous pourrions l'être dans la continuité pour l'avenir. Nous représentons ici et dans d'autres lieux les personnels. Notre présence dans les instances concrétise le principe constitutionnel de participation des fonctionnaires (par l'intermédiaire de leurs délégués) à la détermination collective des conditions de travail ainsi qu'à la gestion (des entreprises) des administrations. Pour ce qui nous concerne, ce principe ne peut être dévoyé d'aucune manière. Pour autant, il nous semble possible, et nous ne cessons de le revendiquer depuis plusieurs années, de trouver un chemin entre la forme de dialogue social que nous pratiquons historiquement et une cogestion que nous réfutons de chaque côté de la table. En la matière, l'institution DGFiP pourrait être pionnière. Pour en finir avec ce sujet du dialogue social, déjà évoqué dans notre déclaration commune et qui méritera, selon nous, d'autres échanges et débats, les comités techniques revêtent une particularité en ce qu'ils sont le lieu d'expression privilégiée des positions et des orientations générales et revendicatives des organisations syndicales. Nous ne pourrons ainsi jamais nous interdire dans ce cadre d'embrasser des considérations plus politiques.

Ce chapitre du dialogue social clos pour l'instant dans son volet principiel, tentons de jauger les domaines du possible en abordant directement le volet bilan et perspectives, avant d'en venir aux enseignements.
Sur la gestion de crise : nous n'allons pas aujourd'hui changer notre regard et notre appréciation. Vous avez fait le maximum de ce que vous pouviez faire, les directions aussi, avec elles les encadrants de proximité. Notre insistance à avoir des réponses précises et rapides aux interrogations des personnels a, nous le pensons, été une sorte d'aiguillon. Nous avons pu assister, indirectement, à de bonnes surprises, connaître de moins agréables comportements par ailleurs, certains.es se comportant sans surprise en tout cas pour ce que nous en connaissions avant la crise. Les dimensions humaines et de ressentis ou d'appréciations de la crise ont sans doute joué dans le caractère très hétérogène des réponses, attitudes et comportements de terrain qui nous ont été signalés. Pas de quoi dégager, trop facilement, de généralités. Nul n'était sans doute préparé à une telle épreuve, quelle que soit sa position dans la hiérarchie. Nous avons constaté des souffrances, que nous ne devons pas collectivement négliger, ni les uns, ni les autres. Tout n'a pas été parfait, mais la perfection est-elle de ce monde ?
Nous sommes sûrs de plusieurs choses cependant.
L'excès de centralisation ou de verticalité n'a pas toujours aidé à la compréhension des enjeux et des réponses à apporter. La communication entre les différentes strates administratives demeure très perfectibles, mais pour le coup, l'expérience des audio-conférences à la condition qu'elles soient correctement calibrées et ne devienne pas modèle, apporte une piste pas inintéressante.
Nous voudrions également souligner une impression, un ressenti, relatifs aux délégués du directeur général et à leur rôle dans la période….Nous les avons trouvés plutôt effacés...mais ce n'est qu'une impression, pas un jugement. Comme pour les autres sujets, le dialogue social local a été inégal de là où nous l'avons regardé et au regard des remontées que nous avions du terrain.
De l'excès de centralisation ou de verticalité nous passons à celui de trop de déconcentration ou de décentralisation, même si sur certains sujets, cette dernière a été plutôt avantageuse pour les personnels notamment….Des équilibres sont sans doute à trouver…
Une autre de nos certitudes réside dans le besoin de sensibilisation plus poussée et de formation non seulement des cadres intermédiaires, mais aussi sans doute des équipes de directions à la fois sur l'encadrement et le suivi du télétravail et du travail à distance dans toutes ses déclinaisons et surtout sur les questions relatives à la santé et à la sécurité au travail.
Nous reviendrons évidemment plus en détail sur les items de cette première fiche, autant que de besoin.
Sur les enseignements de la crise, nous partageons globalement la partie relative au PCA.
Nous signalerons cependant que sa diffusion n'a, elle aussi, pas été homogène dans les directions.
Comme le signale la fiche, les personnels positionnés en dehors des missions du PCA ont montré un véritable engagement au soutien de leurs collègues, singulièrement dès le départ de la campagne déclarative, en amont auprès des SIE fortement sollicités dans le cadre du dispositif du fonds de solidarité. Cet engagement, il ne faut pas s'y tromper, s'est appuyé sur divers ressorts, y compris celui de la lassitude de certain.es agent.es confinés chez eux. L'impact prévisible de l'application de l'ordonnance « congés/RTT » n'est pas non plus étranger à cet élan, sans parler de la prime. Ceci n'enlève rien à l'apport de ces soutiens à l'activité.
Pourtant, cette phase ne s'est pas déroulée sans accroc. Nous avons pu identifier des situations ou le volontariat s'est vite transformé en obligation par exemple. De nombreux agent.es volontaires ont fait part de leurs difficultés relativement aux missions qui leur avaient été confiées . Nous ne pouvons nous empêcher de penser que la formation initiale et continue ne permet plus une approche globale des missions de la DGFiP et génère ou est susceptible de générer un décrochage de technicité préjudiciable à l'identification des agent.es susceptibles d'apporter leur concours aux missions prioritaires et à leur volonté d'implication.
Autre sujet problématique, plus technique celui-ci : l'utilisation du matériel personnel ? Cette option a posé et posera question dans l'avenir au regard notamment des risques relatifs à la protection des données, à ceux de la responsabilité de l'utilisateur et aussi du respect des textes qui n'autorisent que dans certaines limites l'usage de matériel personnel.
De manière plus globale, il ne faudrait pas que vous concluiez trop rapidement à une possible réplication de ces dispositifs et à ce niveau en dehors des périodes de crise telle que nous l'avons connue !
Concernant les relations avec les partenaires de la DGFiP, nous notons avec satisfaction et avec vous qu'elle s'est maintenue à un haut niveau. Pour autant, sauf à nous fournir des informations complémentaires, documentées et étayées, nous analyserons l'allusion aux difficultés des petites structures comme une forme de justification de vos orientations en matière de nouveau réseau de proximité. Nous constatons au contraire que le réseau tel qu'il est aujourd'hui, avec seulement 15 SGC en fonctionnement et trente CDL a fait face et que très peu de structures, y compris de petite taille, ont été totalement fermées.
Notre propos n'est pas de nier les contraintes de ce type de structures. Elles existent sans doute, mais ne constituent pas forcément une généralité qui doit conduire à une refonte totale du réseau des implantations.
Ainsi une interrogation légitime se pose : si les structures que vous identifiez comme fragile le sont du fait de leur taille dite critique en termes d'effectif (critère relatif que doit être rapproché de celui des charges), quelle est la solidité et la pérennité de celles du type MASP et EFS, qui embrasseront un champ de compétence élargi avec un niveau d'effectif relativement limité ? L'exemple des agences postales communales est de ce point de vue éclairant. En clair, pourquoi vouloir substituer à des services de la DGFiP des structures qui pourraient s'avérer tout aussi fragiles à terme, alors qu'il suffirait sans doute de renforcer les premières ? Les unes n'étant pas les ennemis des autres.
La crise nous a d'ailleurs enseigné que les structures et services de trop grande taille, et donc le principe des fusions permanentes, doit être revu, tout comme l'ergonomie des espaces de travail et d'accueil. Revenir sur les espaces ouverts et sur les accueils sans protection s'avère une nécessité selon nous, comme il est impératif d'interroger la contractualisation en matière de ménage.

Plus généralement, et au-delà de cet exemple, votre approche globale de la situation post crise sanitaire apparaît comme très orientée et, mais comment pourrait-il en être autrement, marquée par l'empreinte du contrat d'objectif et de moyens que vous avez signé en mars 2020.
Vous considérez ainsi, à quelques exceptions près, que la crise que nous avons traversée, valide vos orientations passées, les conforte même et qu'il est nécessaire, sur certains points, d'accélérer le mouvement.
Vous vous en doutez bien, nous ne partageons pas cette vision, même si certains éléments, inclus dans le contrat, nous conviennent. Par exemple l'urgence de la résorption de la dette technique du SI, qui devrait précéder toute évolution significative en matière d'outil informatique et de mise en place de nouvelles modalités de travail (télétravail, travail à distance, etc..). Le contrat d'objectif et de moyens nous laisse justement du temps, deux années pleines, qui doit être exploité pour séquencer les évolutions et ne pas tout faire « en même temps » et trop vite.
Ceci étant dit, Solidaires Finances Publiques tient à exprimer son opposition farouche à la manière dont vous concevez les restructurations. Mais nous ne sommes pas opposés, par principe ou posture, aux évolutions nécessaires et utiles tant pour le service public que pour les personnels. Nous tenons également à vous signifier que nous n'abandonnerons pas le combat entamé dès 2019 contre cette transformation profonde des environnements de travail et des structures.
Se donner le temps de l'évaluation à froid, le contrat nous le permet en inversant le paradigme qui plaçait l'institution DGFiP dans l'obligation de se réformer en lui retirant chaque année des moyens. Désormais, et pour les 24 prochains mois, les moyens alloués à la DGFiP sont liés à ses capacités à se réformer. Ici encore, nous réaffirmons notre revendication d'un moratoire sur les emplois. Nous continuons de considérer que la DGFiP ne pourra pas faire face à ses missions si elle est amputée d'un nombre conséquent d'emplois, ces suppressions fussent-elles bien en-deçà de celles qu'elle a subies précédemment. Nous avons donc le temps de revenir et de débattre véritablement des principes qui président aux restructurations et des enseignements de la crise. Y êtes-vous prêt ?

Nous pourrions continuer à détailler dans cette déclaration liminaire l'ensemble des items du contrat qui recoupent d'ailleurs ceux du NRP dans sa définition la plus large et continuer à formuler des propositions alternatives aux vôtres. Nous nous réserverons pour le débat que nous ne manquerons pas d'avoir aujourd'hui, et, espérons-le, demain.
N'oublions pas et n'oubliez pas cependant que la crise sanitaire n'est pas encore totalement derrière nous et que nous sommes, de plain-pied, entrés dans une crise économique où la DGFiP aura à n'en pas douter un rôle particulièrement central à jouer.