Le CTR s'est réuni l'après midi du 16 Janvier 2017 sur le vaste sujet de la Formation Professionnelle et de son bilan 2015

Liminaire

Avant d'aborder nos observations sur le bilan de la formation, nous tenons à souligner que nous sommes ici confronté-e-s à un paradoxe, celui d'un bilan statistique qui dresse un panorama positif de la politique de formation menée par la DGFIP et des pistes de réflexions qui laissent supposer que l'analyse du Bilan par l'administration est catastrophique, l'obligeant à tout révolutionner.

Le bilan de la formation.

Nous sommes dès lors confronté-e-s à un exercice d'une ambiguïté absolue.

En effet, lorsque les organisations syndicales et notamment Solidaires Finances Publiques ont précédemment pointé des lacunes et des difficultés dans les formations initiales et continues, vous vous êtes réfugié-e-s derrière les statistiques évoquant le fort taux de satisfaction des stagiaires et du réseau. Lors du GT du 14 avril et lors de la RTA du 22 juin, vous avez commencé à laisser tomber le masque en évoquant des marges de manœuvre par rapport à l'existant, sans pour autant les afficher clairement, ni les justifier et surtout sans fournir les éléments concrets pouvant guider l'évolution de votre pensée.

Aujourd'hui à l'occasion de ce CTR vous nous proposez un point d'étape sur le chantier de la formation professionnelle qui est en total incohérence avec le discours que les équipes ici présentes nous tenaient jusqu'à présent et qui constitue une réelle et totale provocation par rapport aux éléments que nous défendons et revendiquons depuis la fusion.

La bonne marche de la DGFIP se doit de s'appuyer sur des valeurs partagées et communes à l'ensemble des acteurs : cadres et agents. Cela nécessite, de votre part une exigence en matière de loyauté vis-à-vis des engagements pris y compris par vos prédécesseurs et par le respect du dialogue social. Pour tous les acteurs de la DGFIP, cela signifie une totale intégrité dans les choix gouvernant les décisions, un esprit de solidarité. Cela nécessite également le respect de la légalité, le respect de la santé et de la sécurité au travail, le respect des droits des agents. Il s'agit là de principes fondamentaux qui devraient s'appliquer à tous les cadres et agents de la DGFIP. Ces valeurs, vous les bafouez en vous attaquant aux repères des agents, en fragilisant leurs conditions de vie au travail et désormais en matière de formation, en hypothéquant leurs parcours de carrière.

Les pistes que vous avancez ne sont guidées que par des intérêts budgétaires mercantiles et sont par ailleurs porteuses d'un glissement sans précédent des principes qui régissent la fonction publique de carrière vers les affres de la fonction publique d'emploi.

Mais revenons au bilan :

Le bilan statistique que vous nous avez remis est une fois de plus parcellaire et il ne donne qu'une vision quantitative des actions menées en matière de recrutement, de préparation aux concours, de formation, etc.... Sa déconnexion avec les bilans locaux de la formation, conduit à n'avoir qu'une vision déformée de ce qui se passe sur le terrain et sur les attentes et ressentis des agents.

Cela étant quelques chiffres sont parlants et ils doivent interpeller.

Ainsi, les dépenses de formation engagées rapportées à la masse salariale représentent à la DGFIP 7 %. Ce pourcentage n'est, nous semble t-il pas excessif, d'autant plus qu'il a pu être par le passé supérieur dans l'une et l'autre de nos ex-administrations.

Ce pourcentage dans la fonction publique est quant à lui de 6,7 %, hors Éducation Nationale, et cette moyenne est tirée par le haut par des administrations jugées par la Ministre de la Fonction Publique comme tout particulièrement techniciennes : la justice, la police, les administrations financières... Par rapport à ce % fonction publique, il ne semble pas que nous soyons en sur-dosage !

Nous retenons par ailleurs que le ratio des dépenses engagées par Bercy par rapport à la masse salariale pour 2015 était de 7,8 %. Compte tenu de ces éléments, il apparaît que la DGFIP n'est pas en surchauffe budgétaire en matière de dépense de formation.

Ceci nous amène donc à nous interroger sur les conséquences de vos propositions, car si les formations initiales et en cours de carrière devaient être reconditionnées sur la base des cibles et objectifs que vous avancez, il est clair que la DGFIP rejoindrait incontestablement les mauvais élèves de la classe.

Autre donnée : la durée moyenne de formation par agent (toute catégorie confondue) s'établit à 5,05 jours en 2015 avec une durée moyenne de seulement 4 jours pour les agents de catégorie A. Ceci n'a rien d'excessif compte tenu du niveau de technicité et d'expertise requis pour le bon exercice de nos missions.

Sans faire un lien direct, rappelons néanmoins que le nombre de jours par agent dans les ministères financiers était pour 2015 de 9,9 jours.

Les principaux aspects du bilan

Le recrutement :

La réforme de la cartographie des centres d'examen n'est pas sans conséquence pour les candidats, et de nombreuses difficultés nous ont été remontées. La bonne attractivité de nos concours nécessiterait que le maillage des centres d'examen soit plus étoffé. Par ailleurs, pour la RIF, les options retenues posent de nombreuses difficultés.

Ceci est peut être à mettre en perspective avec le taux d'absentéisme qui demeure très élevé (prés de 50 % pour la catégorie C).

La baisse du nombre d'inscriptions au concours d'IP illustre à la perfection la perte de confiance des agents de catégorie A en matière de perspective de carrière.

Pour les concours et examens professionnels, on constate un taux de sélectivité important qui est fortement conditionné par la volumétrie des places offertes aux concours.

Ce chapitre sur les recrutements appelle de notre part, trois observations :

- Premièrement, les suppressions d'emplois et la baisse des plans de qualifications contribuent fortement à désabuser et dissuader un très grand nombre de candidats.
- Deuxièmement, les règles d'affectation comptent pour une grande part dans le choix des candidats de passer les concours ou pas, de rejoindre ou pas l'affectation qui leur a été donnée. Sur ce point, les différences de traitement qui existent entre les lauréats des concours C, externes et internes, ne sont pas sans conséquences sur la gestion des listes d'admission. Pour Solidaires Finances Publiques il est indispensable que les affectations des lauréats externes soient effectuées sur la base de l'ancienneté administrative et intégrées au MG. Pour l'ensemble des publics, internes, externes, A, B et C, Solidaires Finances Publiques exige le respect du principe : une 1ère affectation est une mutation à part entière.

- Troisièmement, le Rapport Lhorty au niveau de la Fonction Publique a mis en évidence que malgré la rigueur qui entoure les concours, certaines formes de discriminations peuvent subsister. Pour Solidaires Finances Publiques une enquête menée en toute transparence avec les OS, doit être engagée sans délai afin d'identifier les marges de progrès dans la lutte contre les discriminations lors de toutes les étapes de recrutement (information, organisation des épreuves, sélection,... ) et pour toutes les formes de recrutement.

Concernant les recrutements d'apprentis et de jeunes du service civil, Solidaires Finances Publiques demande que les offres « de recrutement » fassent l'objet d'une discussion préalable en CTR et qu'une discussion soit menée sur les modalités d'accueil de ces jeunes et a minima, dans le respect des principes édictés par la DGAFP et par l'agence du service civique.

La formation :

Les éléments fournis en matière de bilan sont largement perfectibles et ils ne favorisent pas une lecture croisée avec les bilans ministériels et Fonction Publique. Le bilan DGFIP masque de nombreuses réalités sociales telles que les difficultés d'accès aux prépas concours pour les chargés de famille ou les difficultés rencontrées par certains publics en matière d'accompagnement social (logement, frais de double résidence, ...). Il occulte également l'absence de nombreuses formations en lien avec les attentes des agents, car d'une part tous les besoins de formation ne sont pas correctement recensés et d'autre part tous les besoins recensés ne sont pas remontés ou concrétisés par le suivi de la formation attendue. Au-delà de la question des exclus de la formation, Solidaires Finances Publiques demande qu'une photographie des mécaniques de recensement des besoins de formation au plan national soit réalisée et permette de mesurer la nature des raisons conduisant des agents à ne pas avoir accès aux formations souhaitées ou à ne pas assister à certaines formations.

On le voit, ce bilan ne permet pas de tirer une analyse qualitative de la politique de formation menée à la DGFIP et lorsqu'il y a des éléments de cette nature, les échelles d'évaluations sont pour le moins tronquées. C'est pourquoi, Solidaires Finances Publiques demande que les questionnaires d'évaluation à chaud et à froid soient soumis à l'examen de groupes de travail nationaux et que leurs résultats soient versés au débat lors d'un GT préparatoire au CTR Formation.

Lors du GT du 14 avril, nous avons longuement exposé notre analyse sur les difficultés qui entourent la formation initiale et force est de constater que rien dans nos propos n'a été entendu. Alors, un rapide rappel, il est pour nous évident que les formations initiales ne sont pas suffisamment étoffées pour édifier des fondations solides en matière de savoirs fondamentaux permettant d'accompagner les agents tout au long de leur carrière mais également lors des 1ères années de fonction.

Pour Solidaires Finances Publiques, et nous l'affirmons depuis la mission Ruelle qui avait conduit à modifier le stage pratique des ex-inspecteurs des impôts, réduire la formation initiale à une simple formation au 1er métier est une erreur fondamentale. Pour nous, la mission Ruelle à l'ex dgi et désormais les formations fusionnées qui ont été construites sans allongement des durées de formation, ont conduit à amoindrir durablement le niveau de technicité des agents B et A de la DGFIP.

Malgré le travail remarquable qui a été engagé par les équipes pédagogiques de l'ENFIP, la formation initiale comporte, osons la formule, de nombreux trous dans la raquette des savoirs, des savoir-faire et des savoir-être attendus d'un cadre C, B ou A de la DGFIP et ce quel que soit son mode de recrutement.

Dès lors, ce bilan nous conduit à revendiquer une autre ambition et celle-ci ne rejoint en rien les cibles que vous avancez.

Mais pour faire un bilan objectif il est indispensable de travailler sur des données vérifiables et sur la prise en compte de tous les éléments permettant d'alimenter ce bilan. Tel n'est pas le cas et on ne peut que regretter que l'avis des stagiaires ne soit cité que lorsque cela abonde dans le sens de l'ENFIP. L'objectivité voudrait que l'ENFIP n'occulte pas les fortes attentes émises par les représentants des stagiaires en conseil de promotion A et B en vue d'améliorer la formation carrière.

Pour Solidaires Finances Publiques, il est nécessaire qu'à l'avenir les relevés de discussions des conseils de promotion ou à défaut un relevé de synthèse, après validation par les élus-stagiaires, soit annexé au bilan de la formation soumis au CTR.

Dans le bilan vous faites également référence aux liaisons avec des partenaires extérieurs. Sur ce point, Solidaires Finances Publiques rappelle que la DGFIP doit rester « maître » des contenus et des messages dispensés aux publics stagiaires DGFIP, qu'elle doit être vigilante sur les risques d'appropriation de son savoir pédagogique par des tiers privés, et surtout qu'elle doit être attentive à la nature des propos tenus devant les stagiaires par les conférenciers. (conférence sur le CF avec notamment un fiscaliste de Vinci et une directrice d'entreprise, propos tenus du type : les redressements fiscaux impactent les projets d'embauche, ce qui peut être une réalité, mais présenté ainsi, cela « victimise » l'agent ....).

Concernant la formation cours de carrière, nous réaffirmons que l'offre de formation n'est pas assez étoffée tant au plan national que local, ce qui ne permet pas de donner aux agents tous les ressorts nécessaires au bon exercice de leur fonction. De plus, des disparités importantes existent compte tenu de pratiques et de politiques de formations locales notamment très hétérogènes d'une direction à une autre.

Les difficultés d'accès à la formation dépendent également pour beaucoup des obstacles qui sont mis sur la route des agents: pression hiérarchique pour les dissuader de suivre certaines actions, réduction de la volumétrie de certaines formations les rendant ainsi peu compréhensibles ou accessibles, mesquineries pour rembourser correctement les frais engagés, etc.

L'accès à la formation n'est donc pas un parcours facile, et la mise en place d'un passeport de formation et de grilles d'évaluation des savoirs vont l'endiguer encore plus et on le voit déjà avec les formations changement de sphère ou certains agents sont invités à se satisfaire de leur niveau de compétence, alors qu'il devraient être invités à les consolider.

En matière d'E-formation, l'objectif affiché est d'une part trop ambitieux et d'autre part, les modalités de mises en œuvre sont problématiques. Trop d'agents, suivant une e-formation sont confrontés à des difficultés de connexion, d'appropriation des modules. Trop d'agents effectuent également la formation sur leur poste de travail. Par ailleurs, l'e-formation est largement critiquée par les agents dans son principe et une large majorité d'entre eux feraient un choix autre s'ils en avaient la possibilité, ceci est également vrai pour les stagiaires en formation initiale.

En conclusion de ce bilan, nous tenons également à insister sur la nécessité d'améliorer significativement la reconnaissance des tuteurs, moniteurs, ... Solidaires Finances Publiques demande que soit élaboré un réel cadre fonctionnel permettant de prendre en compte cette charge de travail dans le quotidien et donc de réduire les autres charges de travail en concordance. Nous réaffirmons ici, que l'engagement des maîtres d'apprentissage doit être pris en compte de manière effective et la création du compte d'engagement citoyen (CPA) ne peut être la solution en soi.

Solidaires Finances Publiques attend dès lors, que la DGFIP s'engage dans une politique ambitieuse de formation, ceci devant se traduire notamment par l'enrichissement et par une meilleure articulation des cursus de formation initiale, par le renforcement significatif des opérations de recensement des besoins collectifs et individuels de formation, par la facilitation pour tous les agents du droit d'accès à la formation, par la revalorisation des frais de mission et de scolarité, par le renforcement du réseau ENFIP et par une prise en compte et une compensation effective du temps de formation dans le quotidien des agents et des services.

Les pistes de réflexion

En méthode, lors du GT d'avril 2016, l'administration nous avait annoncé un cycle de discussions qui ne s'est jamais tenu. De plus, aucune piste n'était avancée. Mr Magnant nous disant notamment qu'il était frappé par l'ampleur des convergences sur la nécessité d'une ambition, d'une cohérence. Mais visiblement l'ambition n'était pas de même nature. Nous avions été frappés par l'importance accordée à la logique comptable, importance qui avait été confirmée tout en étant relativisé au regard des enjeux. Nous entendons encore, le Directeur de la FI nous dire que les scolarités et la FI sont des systèmes qui globalement fonctionnent bien.

Alors pourquoi, nous présenter à ce CTR des évolutions aussi régressives ?

Sur quelles bases de travail avez-vous forgé votre conviction ?

Est-ce sur la base du Rapport Lacaille ? Si tel est le cas, malgré nos demandes, nous n'en avons pas eu communication. Soit ce rapport légitime les cibles avancées, et alors, il est nécessaire de le mettre sur la table pour un échange contradictoire, soit il ne s'inscrit pas dans la logique des cibles avancées et cela démontre « le fait du prince » et la volonté de briser la DGFIP !!!!

C'est pourquoi Solidaires Finances Publiques demande :

  • Le retrait pur et simple des pistes telles qu'elles sont avancées dans les fiches 3, 4 et 5 et une révision en profondeur des pistes proposées dans les fiches 1 et 2
  • .L'ouverture d'un cycle de discussions argumentées sur le bilan, en s'appuyant d'une part sur l'avant et l'après fusion, afin de mesurer les reculs et avancées en matière de formation, et d'autre part sur les besoins d'expertise et de technicité de la DGFIP.
  • L'abandon de toute logiques de stage probatoire.
  • La ré-affirmation du principe : une première affectation est une mutation à part entière.

Nous ne paraphraserons pas ce que nous avions dit lors du Gt du 14 avril, mais en voici les grandes lignes :

  • Le renforcement des cursus de formation initiale tant au niveau de la formation théorique que de la formation pratique, ceci conduisant à l'allongement de la durée globale de formation de tous les grades.
  • Le stage d'application doit être consolidé, et ne pas être exclusivement dédié à la formation premier métier.
  • Le rôle des tuteurs, moniteurs de stage, doit être renforcé et faire l'objet d'une réelle prise en compte dans l'activité professionnelle des agents.
  • Le renforcement du réseau ENFIP avec la mise à disposition d'équipes pédagogiques suffisamment étoffées partout.
  • La ré-affirmation du rôle des CAP de pré-sélection et de sélection.
  • L'amélioration de l'accompagnement social des stagiaires.
  • Le renforcement des actions de formation en cours de carrière pour tous les agents y compris les A+, ceci passant par une révision des mécanismes de recensement des besoins de formation et ce en dehors de toutes logiques de grilles d'évaluation telles qu'elles sont présentées dans vos fiches.
  • La création d'un parcours d'accompagnement de retour à l'emploi pour tous les agents en ré-intégration.

C'est donc, vous l'aurez compris, une demande très claire d'un autre engagement, qui est attendue : le retrait des pistes avancées, et l'ouverture d'une réflexion non partisane en matière de formation, de recrutement, etc...