Monsieur le Directeur Général,

Solidaires Finances Publiques sera absent du comité national de suivi des conditions de vie au travail ce 17 avril 2018. Comme vous le savez, nous avons décidé en intersyndicale de boycotter l’ensemble des groupes de travail. Solidaires Finances Publiques tient à vous faire part de sa demande d’engager une réflexion sur l’encadrement et de ses positions sur plusieurs points inscrits à l’ordre du jour :

I – L’encadrement de proximité

 

Depuis plusieurs années les missions de l’encadrement de proximité ont considérablement évolué. La multiplication des tâches de gestion a éloigné les encadrants de leur rôle de soutien, de la connaissance du terrain et du travail réel des personnels au sein de leur service. Même l'évaluation de son travail fait l’impasse sur la qualité du travail fourni. La note préparatoire au comité national de suivi des CDT du 11 juillet 2013 faisait une synthèse des travaux de l’IRES : « Sur le fond, il faut opérer une transformation permettant que certains débats ne soient occultés, que le dialogue ascendant se développe, que soit mis à leur disposition des marges de manœuvres et qu’ils soient encouragés à les mettre en œuvre par le soutien et entre autre par la reconnaissance d’un droit à l’erreur et ou de ne pas savoir».

Les fiches pratiques élaborées récemment par la DG, « Être attentif à son mode de communication » et « les méthodes de communication », comme le projet de « charte des bonnes relations de travail » sont révélatrices de l’orientation des stratégies de gestion de la Direction générale vis-à-vis de l’encadrement. Il est mis en avant la prise en charge des subjectivités, des postures, des émotions en évitant le travail lui-même et son organisation.

Aussi Solidaires Finances Publiques demande qu’une réflexion approfondie sur le rôle et la conception de l’encadrement de proximité soit menée pour rééquilibrer son rôle autour de ses trois missions essentielles : la direction, l’animation et la régulation des équipes de travail. Pour notre organisation, la direction générale comme les directions locales doivent :

- modifier en profondeur leur pilotage,

- mettre un terme à la recherche d’une performance uniquement mesurée par des résultats chiffrés,

- rechercher les moyens pour accompagner et soutenir l’encadrement dans ses fonctions de pilotage, de soutien technique et d’animation d’une équipe.

 

II – Les espaces de discussion (E.D.D.)

Les constats faits par la DG lors du dernier comité du 18 mai 2017 nous paraissent justes. Toutefois, en ce qui concerne les évolutions envisagées, elles mériteraient d’aller plus loin :

- en améliorant encore le contenu du relevé de discussion pour être plus en phase avec le contenu du travail, son organisation (cf. les propositions de Solidaires Finances Publiques jointes en annexe),

- dans l’accompagnement des directions : l’EDD ne doit pas se résumer à de simples remontées de l’expression ; celles-ci doivent être suivies d’effets et répondre précisément aux attentes des agents. Pour assurer un meilleur suivi des EDD, nous vous demandons de nous transmettre les relevés de discussion les plus récents.

Pour mieux accompagner les directions, Solidaires Finances publiques propose la mise en place d’une formation pratique orientée vers la prise en charge et les réponses à apporter aux difficultés rencontrées par les agents en croisant toutes les sources d’information provenant des différents outils de mesures des CDT : DUERP, TBVS, EDD…

 

III – Les cellules d’écoute psychologique

Sans avoir débattu préalablement avec les organisations syndicales ni consulté les agents, la DGFiP vient de passer un appel d’offres concernant la mise en place de deux cellules d’écoute psychologique : une pour les agents, une pour les cadres aux motifs « qu’une proportion importante d’agents estiment être insuffisamment entendus lorsqu’ils expriment attentes ou mal-être, voire de la détresse. Ces situations peuvent résulter de causes multiples tant dans la sphère privée que professionnelle ». En agissant ainsi, la DGFIP psychologise les relations et les tensions au travail. La prise en charge est centrée sur un registre individuel au lieu d’analyser et de résoudre les origines des difficultés du travail. Les dimensions technique, organisationnelle, institutionnelle et sociale utilisées précédemment pour décrire une situation de travail sont volontairement ignorées. Pour Solidaires Finances Publiques, de telles cellules ne sauraient être une réponse aux difficultés rencontrées par les agents (cadres ou non).

 

IVLa charte des bonnes relations au travail

La volonté de la DG d’élaborer une « charte des bonnes relations de travail » s’inscrit dans la même volonté de refus d’analyser les raisons objectives de la dégradation des CDT et des relations de travail. Les articles L4121-1 et L4121-2 du code du travail insiste sur l’obligation des employeurs d’agir sur les causes des risques auxquels sont exposés par « la mise en place d’organisation et de moyens adaptés ». Pour Solidaires Finances Publiques un tel dispositif représente un recul énorme de la Direction générale dans l’approche de la prévention des RPS en totale contradiction avec le guide de prévention des RPS élaboré avec les organisations syndicales en 2011 où il est affirmé que « l’organisation du travail apparaît comme le levier principal de la prévention ». Nous y sommes totalement opposés. Les rapports de l'IGAS font déjà état que les employeurs publics ne respectaient pas les lois en matière de travail. Alors si la loi n’est déjà pas respectée, en quoi une charte le serait-elle plus ? Nous attendons un bilan de la charte sur la gestion du temps de travail. Les multiples réorganisations liées aux suppressions d’emplois, un management centré sur les résultats, le manque de moyens pour réaliser un travail de qualité conduit à déstabiliser les agents, à porter atteinte à leur santé physique et psychique.

 

IV – Les changements organisationnels

Selon les résultats de l’observatoire interne 2017, un agent sur deux estime ne pas être bien informés sur les réformes et projets en cours. Ce manque d’informations est associé à un risque accru de dépression (cf DARES ANALYSES – sept 2017 n°061). En cas de réorganisation de services, les agents doivent être systématiquement consultés, bien en amont, sur les changements envisagés et les directions doivent prendre en compte leurs propositions.

Si ces possibilités de discussion existent théoriquement, dans la pratique, il s’agit plus d’une communication purement descendante que d'un véritable échange sur le fond portant sur les aménagements possibles et les solutions les plus optimales. Les délais d’information des agents, des représentants du personnel et de saisine des instances (CT et CHCST) sont notoirement insuffisants. Il est impératif que la DG communique auprès des différentes directions afin de rappeler que « l’élaboration du dossier de présentation du projet doit être engagée le plus amont de la mise en œuvre du projet » comme le précise l’annexe de la note d’orientation 2018 portant sur les modalités de prise en compte des conditions de travail dans la conduite des projets.

 

V – La mission « Conditions de vie au travail » au plan local

Une note de la DG du 8 octobre 2014 annonçait la mise en place de missions « Conditions de vie au travail » au plan local. Cette même note précisait qu’un bilan serait réalisé au second semestre 2015, ce qui, à notre connaissance, n’a pas été fait.

Aussi nous vous demandons de nous communiquer la liste des responsables des missions CVT dans les directions locales, et de préciser s’il s’agit de poste à temps plein ou partagé avec d’autres missions.

 

VI – La semaine QVT

La DGFIP reconnaît une « crise des modes d’organisation et de management ». Cette crise est liée aux projets de restructuration permanente, les suppressions d’emploi, les missions revues, dégradées. Au lieu de chercher dans la « qualité de vie au travail le levier de la performance collective », centrer son action et la déclinaison de l’encadrement sur les conditions de travail serait bien plus efficient. Réfléchir à intégrer les agents dans les choix organisationnels et stratégiques est la clef pour l’amélioration des conditions de travail. Après le rejet du projet d’accord QVT par la majorité des organisations syndicales et l’impossibilité au niveau ministériel de faire la déclinaison des accords RPS de 2013, il nous semble très présomptueux de la part de la Direction Générale de proposer la mise en place de cette semaine QVT.

Appliquer la mise en concurrence des chefs de service pour l’obtention « d’un trophée d’innovation » sur le sujet démontre l’incohérence du projet qui nous est présentés. Transformer l’administration publique en laboratoire d’expérimentation d’innovation managériale selon les principes des entreprises privées est en totale opposition avec les principes de l’administration publique telle que nous la concevons.

 

VII – Désignation d’assistants de prévention référents

Pour Solidaires Finances Publiques, le rôle des assistants de prévention (AP) est capital dans la prise en charges des risques touchants les conditions de travail de nos collègues. Nous ne pouvons qu’approuver la volonté de la Direction Générale de les aider dans leur travail et dans leurs tâches quotidiennes. Toutefois, la mesure consistant en la désignation d’un AP référent nous semble être bien timorée par rapport aux besoins de l’ensemble des AP. En priorité, Solidaires Finances Publiques souhaite que tous les AP puissent être à 100 % de leur temps sur cette tâche. Dans le contexte actuel très tendu, tant en termes de gestion des risques que de leurs préventions, il nous apparaît indispensable que les AP puissent disposer du temps nécessaire à leurs missions et d’une réelle indépendance par rapport aux Directeurs locaux. Ceci sera particulièrement important pour les futurs AP référents ! Nous demandons que soient détaillés, de manière plus importante, leurs rôles d’appui et de soutien ainsi que dans leurs futures fonctions d’animation du réseau (nombre de réunions, modalités de circulation des informations…) et qu’un bilan contradictoire soit fait à la fin de la première année.

 

Nous vous prions d’agréer, Monsieur le Directeur Général, l’expression de notre considération distinguée.