Reprendre l’offensive sur les conditions de travail

États Généraux de la Santé des Travailleurs et des Travailleuses, 24 et 25 mai 2018

Les 24 et 25 mai 2018, Solidaires Finances Publiques a participé par la présence d’une quinzaine de camarades aux États Généraux de la Santé des Travailleurs et des Travailleuses qui se sont déroulés à la bourse du travail. Il s’agissait de la deuxième rencontre organisée par le collectif « ne plus perdre sa vie à la gagner ». L’objectif de cette deuxième session était de lancer un certain nombre d’initiatives (actions, communications, campagnes collectives…) autour de la santé et des conditions de travail.

L’ouverture de la séance du 24 mai a commencé par un hommage bruyant à un camarade cheminot qui venait quelques jours auparavant de mettre fin à ses jours sur son lieu de travail. Puis ont débuté les conférences pendant la matinée autour des thèmes suivants : « Après les ordonnances Macron » et « Agir sur les agressions sexuelles et les violences faites aux femmes au travail ». L’après-midi et la matinée suivante le travail s’est organisé en ateliers. Puis nous avons eu une conférence sur le bilan de premiers états généraux, le bilan des ateliers et la clôture de cette deuxième édition.

Après les ordonnances Macron ?

Les ordonnances Macron ont été un véritable bouleversement du droit du travail dans les entreprises privées avec la remise en cause du CDI, le développement de diverses formes précaires d’emploi, l’inversion de la hiérarchie des normes, la disparition des CHSCT… Les camarades du Syndicat des Avocats de France (SAF) nous ont fait une présentation du nouveau paysage législatif et réglementaire défini par ces ordonnances. Il ne reste plus que quelques domaines sanctuarisés au niveau des branches professionnelles et des dérogations par accord d’entreprise pour le reste. Lucides de la dégradation des droits des travailleurs et des travailleuses, quelques actions ont surgi des échanges : demander à l’assurance maladie de se retourner contre les entreprises qui mettent en danger les salarié·e·s, utiliser les instances et les outils restant à la disposition des représentant·e·s du personnel pour les faire vivre.

Agir sur les agressions sexuelles et les violences faites aux femmes au travail :

Les agressions sexuelles et les violences faites aux femmes au travail sont des sujets essentiels, très peu repris par les instances et notamment par le CHSCT. Pour cette deuxième session des États généraux, l’accent a été mis sur ces questions.

Les interventions ont été effectuées par une avocate spécialisée de l’Association européenne contre les Violences faites aux Femmes au Travail et Cécile Gondard-Lalanne, co-déléguée générale de l’Union Syndicale Solidaires engagée sur ces questions. Elles ont pointé un certain nombre d’enjeux. L’avocate a présenté les différentes formes de violences sexuelles et la qualification juridique du harcèlement sexuel. Elle a rappelé les outils juridiques dont disposent les victimes qui sont d’ailleurs rarement utilisés. Il faut souligner l’intérêt de la jurisprudence récente qui a reconnu le harcèlement d’ambiance/environnemental et rappeler l’obligation de prévention de l’employeur en matière de harcèlement sexuel (article L1153-5 du Code du travail).

Quelques chiffres pour montrer l’importance du phénomène :
    – 20 % des femmes sont victimes de harcèlement sexuel au travail ;
    – seulement 5 % des situations sont portées devant les tribunaux ;
    – 40 % des dénonciations se retournent malheureusement contre les victimes.

Le sexisme est l’un des outils du système de domination du patriarcat. Cécile a insisté sur la nécessité d’avoir une réponse syndicale forte et immédiate face à de tels comportements. Laisser passer un acte, des paroles instaure un climat de tolérance aux comportements sexistes. Les potentiels agresseurs se sentent alors autorisés à passer à l’acte. Il est important, dans chaque lieu de travail, d’avoir une formation sur ces sujets et aussi un affichage clair sur la volonté de sanctionner les violences sexuelles de quelques natures que ce soit.

En tant qu’équipes syndicales, quelques points importants pour travailler sur l’accueil des victimes :
    - présomption de véracité des propos des victimes,
    - s’assurer seulement ensuite dans le cadre de la discussion, que cette véracité est confirmée,
    - attention aux idées reçues (qui ne dit mot, ne consent pas !).

Les organisations syndicales doivent lutter contre toute violence. Il faut insister sur le fait que tout sexisme est une forme de violence. On ne peut pas en rire, ni permettre un contexte qui favorise les violences sexistes.

Le travail en atelier :

L’après-midi et la matinée de la seconde journée des états généraux furent consacrés au travail en atelier sur trois grandes thématiques, les risques chimiques (amiante et pesticides), les précarités (sous traitance et intérim) et les réorganisations et restructurations. Nos camarades ont majoritairement participé aux ateliers relatifs à la charge de travail et aux réorganisations qui démontrent de la prééminence du phénomène au sein de notre administration.

Il n’est pas possible de revenir en détail sur tous les éléments qui ont pu être débattus dans ces trois ateliers, mais il nous faut souligner la richesse des nombreux interventions et échanges sur les pratiques et actions menées par les équipes syndicales sur ces sujets. Il faut noter que, dans de nombreux cas, des victoires ou des avancées ont pu être obtenues et ces expériences partagées permettront à d’autres équipes de s’en inspirer.

Le riche matériau engrangé pendant ces ateliers permettra d’alimenter les actions et réflexions du collectif « ne plus perdre sa vie à la gagner » et d’initier des campagnes collectives.

Bilan des États Généraux

De très bons échanges ont eu lieu et ont permis d’envisager des pistes d’actions possibles. Le collectif a tenté d’initier des déclinaisons régionales :
   - à Paris : mise en œuvre d’une permanence pluridisciplinaire (au départ 1/mois puis 2/mois, avec annonce par radio militante, flyer annonçant les dates de permanence et bouche à oreille + accueil par quelques animateurs et réception par binôme + mise en place de fiche de liaison pour suivre les personnes),
   - à Rouen : 1 journée d’échanges sur les maladies professionnelles et 1 journée d’échanges sur la faute inexcusable de l’employeur,
   - tentatives pour le moment avortées en Rhône-Alpes et à Marseille,
   - des pistes sur Nantes et Rennes qui n'ont pas abouti.

L’une des faiblesses actuelles du collectif, c’est qu’il est constitué majoritairement de camarades de la région parisienne qui commencent à s’essouffler, pris par de multiples actions. À l’opposé, la grande richesse du collectif reste la multiplicité des participant·e·s (médecins, IT, militant·e·s syndicaux, expert·e·s CHSCT, avocat-es, chercheuses et chercheurs…) qui perdure et s’ancre avec des liens forts et la constitution d’un réseau.

Quelques propositions d’amélioration sur le fonctionnement du collectif ont été actées :
    - élargissement et renforcement du réseau par la mise en œuvre de réunions sur une après-midi plutôt que le soir. Nous allons les organiser les premier vendredi de chaque mois à Paris ;
    - proposition de campagnes d’information/sensibilisation/revendications (poly-exposition, amiante) ;
    - question de mobilisation/manifestation de rue sur les questions de santé au travail ;
    - pour passer de l’individuel des permanences au collectif : proposer aux personnes de revenir avec des collègues ou IRP, proposer d’organiser des rencontres sur des thèmes précis, analyse collective des difficultés rencontrées ;
    - renforcer le réseau d’entraide et de ressources ;
    - proposition que les prochains états généraux se déroulent dans une autre région que la région parisienne (région où il y aurait des luttes ou bagarres en cours).

Conclusion

Les états généraux de ce mois de mai 2018 ont permis de fédérer des militant-es sur les questions de la santé et de conditions de travail malgré toutes les difficultés et attaques subies. Solidaires Finances Publiques a particulièrement investi ces deux journées. Nos nombreux camarades présents ont activement participé et nourri l’ensemble des débats. Les formes actuelles du travail fondées sur la pression, l’augmentation des charges, l’accélération, la performance et la précarité provoquent une violence systémique qui met les salarié·e·s en danger. Notre action syndicale est d’autant plus efficace qu’elle fait participer l’ensemble des acteurs de la prévention et de la sécurité au travail (inspection du travail, médecin du travail, assistant de prévention, experts…). Ces États Généraux permettent une synergie commune des différents acteurs du domaine de la santé et des conditions de travail. La santé au travail n’est pas négociable. Ne perdons pas notre vie à la gagner !