L'administration vient de publier un document intitulé : «Faire face aux défis de la transformation - Livret manager - Accompagnement des cadres de la DGFiP à la transformation – Journée de sensibilisation 2020».
Beaucoup de «blabla» qui masque du non-dit dans l'évolution souhaitée des cadres : les managers doivent devenir des manipulateurs d'équipes.
Tout d'abord, ce document ne semble pas être produit par l'administration. Le style et le vocabulaire rappellent en tout point l'oeuvre d'une boîte de consulting !
Ensuite, le trait marquant est le basculement vers un mode d'encadrement que nous combattons : les managers doivent devenir des manipulateurs d'équipes.
En résumé, l'administration demande à ses managers de faire une réforme. Mais, ces derniers n'ont aucun moyen d'agir dessus ou d'en discuter les fondements. Alors, toutes les énergies devront être orientées sur comment faire passer la pilule et même mieux, faire adhérer à ce projet.
Et si la réforme ne passe pas, ce sera de la faute des managers qui n'auront pas su communiquer car leur rôle, c'est précisément d'être le relais de cette communication. On n'est plus très loin de la manipulation : "La communication est essentielle pour donner du sens et engager les équipes. Celle-ci doit être adaptée à chaque étape de la transformation en fonction de la personne à qui l’on s’adresse et de l’effet recherché sur son auditoire (agir sur les peurs, les certitudes, donner du sens…)".
Or, la réalité est très différente et beaucoup plus complexe !
Le chef de service n'est pas un modèle global comme présenté dans le livret mais il recouvre des profils bien identifiés avec les qualités attendues qui vont avec :
- des chefs de brigade à dominante contrôle fiscal (BVG, PCRP, BCR, PCE),
- des chefs d'unité opérationnelle (Trésoreries, SIP, SIE, SPF, CDI/CDIF) ,
- des responsables de division (AFiPA et leurs adjoints).
Ce que la direction et les agents attendent d'eux, c'est la crédibilité technique, la capacité à animer un collectif de travail, la capacité à avoir un dialogue avec la direction.
Dans le livret, on conceptualise un robot, quelqu'un de désincarné, sans dimension technique et complètement permutable d'un poste à un autre.
En fait, ils veulent des commerciaux de la réforme et pas plus. Or, ce n'est pas comme cela que ça fonctionne à la DGFiP.
Ce livret, c'est une révolution culturelle à la chinoise. Tout le monde à la rizière en camp de rééducation et ne sortiront que ceux qui pourront servir fidèlement le parti !
L'accompagnement à la transformation se traduit par l'identification du profil des acteurs.
On bascule vers l'ingénierie sociale de manipulation avec l'identification du profil des acteurs.
Pour soutenir le projet et convaincre les indécis, il convient « d'identifier les différentes typologies d’acteurs et d'adapter son management en conséquence, de concentrer les actions auprès des agents qui attendent de voir la suite du projet, et de s’appuyer sur les agents qui font la promotion du projet ».
Le livret a même pour ambition d'être un outil pour comprendre le rationnel et l’émotionnel.
Concernant la gestion de la dimension affective, l'accompagnement au changement est décrit comme un deuil vécu par l'agent et le manager est là pour l'accompagner dans ce deuil : "L’adaptation à un changement majeur passe par différentes étapes et décrit souvent une courbe, comme illustré dans ce diagramme inspiré des travaux d’Elisabeth Kübler-Ross sur le deuil."
Une courbe qui semble dire que quand on est au fond, avec un petit coup de talon, on remonte. Sous-entendu, ceux qui restent au fond sont des losers donc finalement faible perte ! Chacune et chacun appréciera.
Enfin, on relèvera surtout que ce livret ne semble concerner que la hiérarchie intermédiaire !
Dans ce livret, les A++ ne paraissent être que des concepteurs déjà acquis à la cause, et non susceptibles de constituer des interlocuteurs pour des chefs de service sur lesquels repose la totalité de la démarche de changement.
Ce livret expose nombre de nos collègues encadrants à devoir subir dans leur évaluation et leur carrière, les reproches de leurs supérieurs qui pourront aisément pointer leurs insuffisances.
La DGFiP fonctionne de plus en plus comme une société de castes, cloisonnée et fermée à l’échange.
Plus encore, le document marque un silence assourdissant sur des points essentiels :
- comment faire progresser l’existant en faisant face à la réduction permanente des effectifs qui, déjà aujourd’hui, ne permet plus de remplir les missions dans la plupart des services ?
- comment concilier l’impératif catégorique de l’efficacité avec les exigences du service public que l’on continue de nous rappeler ?
- comment gérer l’innovation alors que les chefs de service ou de poste ne disposent d'aucune marge de manœuvre et d'aucun levier dans l'animation du collectif de travail ?