Un GT sur le foncier innovant s'est tenu le 8 novembre 2022.
Liminaire
Sobriété énergétique. C’est un peu le mantra actuel dans la déclinaison des politiques publiques et notamment à la DGFiP. Réduire le chauffage, Inciter au télétravail, veiller à bien éteindre la lumière, couper le wi-fi et éviter de surcharger les pièces jointes. Et pour ce dernier item, reconnaissons que les consignes ont été particulièrement bien appliquées. Une fiche sur la généralisation du Foncier Innovant de 2 pages et demi, de quoi ne faire surchauffer ni la consommation électrique des data-center ni les réseaux de neurones des organisations syndicales présentes à ce GT. Ne soyons pas complètement de mauvaise foi et reconnaissons votre parfaite utilisation d’un lien hypertexte vers le dossier de presse, un tantinet plus exhaustif. Passons rapidement sur la place privilégiée de la rédaction du Parisien qui est consacrée comme le 1er interlocuteur de dialogue social avant les organisations syndicales et les agents. Solidaires Finances Publiques rappelle son opposition, non pas au projet foncier innovant par simple dogmatisme, mais aux suppressions de postes chiffrées dans le document officialisant sa mise en place avant toute expérimentation ainsi qu’au recours intensif à des prestataires privés sans transparence sur les sommes engagées ni sur les bouleversements de la chaîne de travail. Au delà, quelle optique pour les missions topographiques à terme ? Comment répondre aux communes réclamant de plus en plus des déplacements sur le terrain et une mise à jour régulière du plan. Avec le foncier innovant et l’utilisation d’une base de donnée triennale ou quadriennale, la terminologie de mise à jour devient un oxymore. Mais venant d’une direction éloignant les implantations territoriales avec le nouveau réseau de proximité, pourquoi être étonné ?
Au delà de ces oppositions qui ne sont pas exhaustives, nous avons quelques questions, interrogations, points d’éclaircissements que nous sollicitons en nous basant à la fois sur les documents du jour mais également du document géodatabase issu d’un webinaire tenu au Futuroscope, du plan d’investissement signé de la main du DGA aboutissant au versement des 12 millions d’euros du FTAP (Fonds de Transformation de l'Action Publique), du panorama et l’avis de la DINUM (Direction Interministérielle du Numérique), et du diaporama présenté aux agents de la DGFiP.
Premières interrogations sur les modules provenant de GMBI (Gérer mes biens immobliliers) devant s’intégrer dans le projet Foncier Innovant ou du moins ayant une implication dans le processus. Sur SURF, quelle formation prévue pour l’ensemble des personnels, EVALOC, quel retard dans sa mise en route, quels conséquences sur les missions des agentes et agents avec une version partielle livrée et un retard sur le calendrier initial.
Sur la détection des bâtiments, d’autres interrogations. Quel est le pourcentage de détections de bâtiments finalement considéré comme exploitable après traitement des agents sur ICAD. Deux sources divergent. Le diaporama projeté aux personnels fait état de 81 % de rejets, tandis que le document issu du geodatadays relève une efficacité de plus de 90 %. Deux salles, deux ambiances. Qu’en est-il vraiment ?
Sur les sommes prévisionnelles attendues sur les impositions TH et TF, 40 millions d’euros, quel mode de calcul a été utilisé. Avec des taux de non-déclaration de piscines très variables selon les départements, avec des surfaces de piscines également disparates et des taux d’imposition des collectivités territoriales qui ne sont pas uniformes, comment êtes vous arrivé à ce montant. Rappelons que dans le document du FTAP ayant conditionné le versement des 12 millions d’euros, une somme de 130 millions de futures rentrées fiscales (dans les 3 ans) avait alors été fixée. Aujourd’hui, s’ajouteront à ces 40 millions les seules recettes supplémentaires provenant de la détection des bâtiments que vous imaginez déjà avec un impact budgétaire plus faible. Comment expliquez vous ce différentiel ?
Le coût. Là aussi plusieurs chiffres. Remercions les journalistes d’acteurs publics qui en faisant le recours à la CADA ont contraint l’administration à rendre public la somme de 24 millions d’euros. Celle-ci est désormais de 30 a minima, à la lecture du panorama de la DINUM, et en y rajoutant les 2 millions d’euros annuels de coût de fonctionnement. Y a-t-il des avenants à ce contrat, notamment par l’utilisation du framefield pour la partie bâtimentaire et un changement d’outil algorithmique face aux difficultés de la segmentation sémantique? Cette nouvelle techologie entraîne t-elle un coût supplémentaire ? Comment fonctionne t-elle ? Par ailleurs, dans le document geodatadays il est fait mention, concernant le report au plan, de deux départements impliqués : le 83 et le 79, vous confirmez ? On y apprend que la "recherche et développement" se poursuit avec l’IGN (Institut géographique national et forrestier) et deux autres entreprises françaises spécialisées dans les géodonnées : lesquelles et pour quel coût ? Dans l’avis DINUM, il est expliqué le risque de recourir au prestataire Cap Gemini sur les activités d’assistance à Maîtrise d’ouvrage mais également de maîtrise d’œuvre. Cette pratique est évitée désormais par la plupart des projets. Elle occasionne souvent des risques de dérives financières, risque d’auto-alimentation fonctionnelle de la MOE (maitrise d'oeuvre) par la MOA (maitrise d'ouvrage). Il est dans ce cadre requis que les recettes applicatives soient réalisées par des équipes indépendantes. Quid ? Et de manière plus générale quelle internalisation ou réappropriation a été opérée dans nos services ? Quelle internalisation dans les services de Cloud et notamment Nubo (cloud interne de la DGFiP), a t-il vocation à remplacer Google Cloud ou les infrastructures ne sont pas assez conséquentes pour y faire face?
Dans les réinternalisations prévues, est-il en projet de faire réaliser l’entraînement algorithmique par les seuls agents de la DGFiP.
Quelle mutualisation avec l’IGN sur les méthodes de cartographie sur les bâtiments ? Par ailleurs y a-t-il en projet de rattacher les évaluations domaniales au Foncier Innovant?
Qu’est ce que le FME ? En quoi les futures traitements algorithmiques permettraient de corriger les effets de parallaxe, les débords de toit, et procéder au recalage avant intervention des agents sur l'applicatif ICAD ?
Les agents constatent des difficultés de lenteur sur l’utilisation d’ICAD, les problématiques de bande passante sont-elles résolues ?
Enfin quel intérêt d’attribuer à chaque bâtiment un numéro d’identifiant ? Vous parlez de future APIsation, mais concrètement l’identification des bâtiments ne profiterait-elle pas d’avantage à des start-up type meilleurs agents dans le cadre de l’open data? Cela sous entendrait-il que ce numéro d’identifiant soit codé à l’intérieur des lots edigeo et que les bâtiments soient identifiés en fonction de leur commune, section, et parcelle d’appartenance? N’y a-t-il pas un risque à attribuer plusieurs numéros d’identifiant alors que l’ensemble ne correspondrait qu’à un seul bâti ?
Compte rendu
Le GT du Foncier Innovant a rendu son verdict, et il n' y avait guère besoin d’une IA (Intelligence Artificielle) hyper développée pour en deviner quels en seraient les contours. Pour l’administration, l’utilisation d’une technologie algorithmique reste un formidable outil aidant les agentes et agents dans la réalisation de leurs missions, un moyen efficace de lutte contre la fraude fiscale ainsi qu’un garant de l’équité fiscale entre contribuables. Inutile de préciser que pour notre organisation syndicale la réalité est bien plus contrastée. Les problématiques qui ont touché la lenteur de l’utilsiation des applicatifs sur ICAD ont été reconnus. Les chargements des orthophotos restent encore trop longs. Solidaires Finances Publiques s’inquiète de l’insuffisance des bandes passantes qui génèrent de plus en plus ces ralentissements sur nombre d’applicatifs de notre administration.
Emplois supprimés
Solidaires Finances Publiques reste en opposition frontale sur la manière dont sont employés les outils technologiques, notamment d’IA, à la DGFiP. Il ne s’agit nullement de faire de l’anti-technologisme primaire mais bien de constater une implaccable réalité. Les développements de ces technologies pseudo innovantes ont pour corrolaire la suppression immédiate d’emplois. L’administration a beau jeu de prétendre que ces outils ne seraient qu’une aide supplémentaire aux agents les faits sont têtus. Le document signé de la main du Directeur Général Adjoint consacrant le versement de 12 millions d’euros du Fonds de Transformation de l’Action Publique pour la mise en route du projet Foncier Innovant détaillait dans les gains attendus, l’économie de 300 ETP sur 3 ans. L’administration reconnaissait elle-même pendant ce GT que les financements liés aux fonds FTAP étaient souvent très en avance de phase quant à l’estimation des ETP. Pendant ce temps, les suppressions de postes de géomètres se poursuivent, ils sont désormais moins de 900 sur le territoire, et la solution techniciste du Foncier Innovant risque fort d’accentuer la tendance.
Solidaires Finances PUbliques ne se contente pas d’une position «d’insider » pour critiquer la mise en place de ce projet, la seule suppression de poste des personnels n’est pas notre seule réserve. Les détections des piscines non déclarées n’échappent pas à certains biais algorithmiques. Si 10 % des piscines détectables semblent passer à travers les mailles du Filet IA, près de 5 % sont détectées par erreur et généreront un contentieux que les agents devront traiter. La DGFiP refuse d’affiner la question de l’augmentation volumétrique du nombre de contentieux qui auront un impact disparate sur les services fonciers. Elle s’enferme derrière un pourcentage moyen qui ne reflétera pas la réalité des différentes situations de départements dont les détections de piscines auront été plus importantes.
Détection
La détection des bâtiments quant à elle est encore moins spectaculaire. Près de 81 % de détections des bâtiments de plus de 60m2 conduisent à un rejet, soit parce qu’ils ont déjà été détectés comme bâtiment déclaré, soit parce qu’ils correspondent à des places de parking ou autre détail topo. Quant au petit bâti il est bien plus difficile d’arriver à le détecter par IA et ne représente que peu d’intérêt fiscal. Contrairement à la légende urbaine entretenue par les médias, le temps où l’on détectera automatiquement les vérandas non déclarées n’est pas arrivé.
Report automatique au plan
L’autre volet du Foncier concerne le report automatique au plan. On touche ici au cœur des métiers des géomètres qui se retrouvent en concurrence directe avec un outil algorithmique. La reproduction du dessin par IA est moins précise, la technologie s’appuie sur des prises de vue aérienne mises à jour seulement tous les 3 ans. Pourtant l’objectif affiché est de ne faire dessiner par les géomètres que les bâtiments « emblématiques » détectés par l’IA. Sur la question du report automatique des bâtiments Solidaires Finances Publiques a fait confirmer en GT que des expérimentations seront menées par le SDNC sur les départements 79 et 83. A terme, quelles conséquences pour le plan. Ainsi les bâtiments dessinés par IA seront représentés différemment sur le plan et ne pourront servir d’appui pour le dessin des géomètres experts. Notons que l’Alsace Moselle dont la particularité du livre foncier oblige juridiquement à la garantie d’une certaine précision bloque la DGFiP dans la réalisation de ces projets.
Externalisations
Concernant les externalisations, Solidaires Finances PUbliques maintient que le recours à des entreprises privées comme Google et Cap Gemini ne sont pas l’idée du siècle. Au delà de la seule symbolique, la DINUM elle-même avait dans son avis mis en garde contre l’utilisation d’un cabinet de conseil informatique privé chargé à la fois de la maitrise d’oeuvre et d’ouvrage ce qui n’est pas sans risque pour la maîtrise des coûts finaux du projet
Aujourd’hui et contrairement à ce qui avait été annoncé lors de la mise en place du Foncier Innovant, l’ensemble de la chaîne est encore loin d’avoir été entièrement internalisée. 30 millions d’euros ont officiellement déjà été dépensés depuis 2021. Côté infrastructure technique, l’utilisation du cloud public (gsc) pour traiter les images aériennes de l’IGN avec des modèles IA destinés à faire ressortir des positions de piscine ou de bâtiments restera le domaine de Google faut de moyens et de compétences en interne. En effet, Nubo, le cloud de la DGFiP, n’a pas la puissance de calcul suffisante et n’est pas techniquement encore mûr pour pouvoir réaliser ces opérations en amont. Idem pour la partie FME réalisée et développée par Capgemini, à savoir la correction des effets de paralaxe, de débords de toit le recalage, les croisements topos et fiscaux restent pour le moment de la compétence de la boite privée ce qui est plutôt gênant pour une DGFiP qui clame vouloir être souveraine dans la maîtrise du projet Foncier Innovant.
Des algos, encore des algos
La maîtrise de l’intégralité de la chaîne algorithmique n’est pas encore de la pleine compétence de la DGFiP quand bien même la DGFiP investit sur des profils de data scientists par la contractualisation.
L’administration a assuré que l’entraînement algorithmique ne s’opérerait plus par des sociétés tierces mais bien par les opérateurs photogrammètres de la DGFiP. Ce dernier point permettra d’éviter de recourir à des travailleurs du clic à Madagascar rémunérés entre 80 et 150 euros mensuels. Enfin la DGFiP a reconnu envisager de travailler avec deux nouvelles start-up françaises, notamment la Start-up Luxcarta, pour l’utilisation d’une nouvelle technologie algorithmique opensource s’appuyant notamment sur l’approche par framefield. Cette dernière a pour ambition d’améliorer les contours des bâtis détectés par l’IA. La DGFiP avance que les sommes engagées ne seront pas élevées et que les échanges se feront dans un intérêt « académique». Solidaires Finances Publiques s’étonne du caractère philanthropique de boîtes privées et imagine qu’elles se rémunéreront d’une façon ou d’une autre, peut-être par l’enrichissement de leur technique algorithmique grâce aux traitements opérés sur le Foncier Innovant ou pire par l’acquisition de jeux de données fournies gracieusement par l’Administration.
Géomètres impactés
Si l’administration se plait à caricaturer les positions syndicales en rassurant sur le caractère inoffensif de l’IA pour les emplois de géomètre la réalité est tout autre. La Foncier Innovant poursuit une politique plus globale conduite par la DGFiP : les géomètres deviennent une variable d’ajustement des services fonciers et sont de plus en plus repositionnés sur des missions fiscales. Par ailleurs, leurs déplacements sont de plus en plus contraints et leur coeur de métier, à savoir la topographie, devient une mission qui est de moins en moins valorisée et de plus en plus déléguée aux Brigades Nationales d’Intervention Cadastrales (BNIC). Pour Solidaires Finances Publiques il est inacceptable que les géomètres ne se déplacent que pour la levée de bâtiments dit emblématiques.
ID des bâtiments
Sur la question des identifiants générés sur le bâti, l’administration prétend vouloir l’intégrer dans l’ensemble de nos bases. L’objectif affiché est de valoriser nos propres jeux de données et éviter que ces opérations ne soient réalisées que par des start-up avec l’open data et le croisement des jeux de données. La création d’un identifiant pour le bâti qui le relierait dans le code à sa parcelle d’implantation est la conséquence de la directive Inspire.
Révision des valeurs locatives et GMBI
La revalorisation des valeurs locatives pour les locaux d’habitation, éternel serpent de mer et sans cesse repoussé depuis 1970, a une fois de plus été décalée. Alors qu’elle était envisagée pour l’année 2026 elle a été décalée de 2 ans. Les disparités entre les territoires des montants d’imposition des taxes foncières et taxes d’habitation pour les résidences secondaires ne sont pas prêtes de se résorber. Pour autant le déploiement de GMBI perdure. Solidaires Finances Publiques s’inquiète d’une dématérialisation des étapes déclaratives, notamment des H1, avec un suivi et relances automatisées. Solidaires FInances Publiques exige une formation aux nouveaux modules, notamment SURF et EVALOC à la hauteur des agents. Solidaires Finances Publiques s’inquiète du retard de livraison de la version définitive d’EVALOC qui contraint les agents à des saisies manuelles supplémentaires